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08/10/2018 | FRANCE | N°17LY00667

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 17LY00667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de l'Isère du 23 juin 2014 autorisant son licenciement, ensemble la décision de la ministre du travail rejetant implicitement son recours hiérarchique, confirmée par une décision du 8 janvier 2015.

Par un jugement n° 1501256 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 févr

ier 2017, la société MSE Patrimoine, représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de l'Isère du 23 juin 2014 autorisant son licenciement, ensemble la décision de la ministre du travail rejetant implicitement son recours hiérarchique, confirmée par une décision du 8 janvier 2015.

Par un jugement n° 1501256 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2017, la société MSE Patrimoine, représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2016 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la ministre du travail n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en confirmant la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme A..., les faits reprochés à celle-ci étant établis, fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- les faits ayant justifié le licenciement de Mme A... pour faute grave ne sont pas prescrits, le délai de deux mois pour engager une procédure disciplinaire à compter de la révélation des faits ayant été respecté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2017, Mme A..., représentée par Me Folco, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société MSE Patrimoine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits étaient prescrits et ne pouvaient pas donner lieu à une sanction disciplinaire ;

- il n'existe pas de préjudice au détriment de l'employeur et des autres salariés.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2017, la ministre du travail demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2016.

Elle soutient que :

- les faits reprochés à Mme A... sont établis, fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- les faits en cause ne sont pas prescrits.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, rapporteur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Martin, avocat, pour la société MSE Patrimoine et les observations de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... était employée en qualité de comptable depuis le 1er janvier 2008 par la société MSE Patrimoine, holding dirigée par son frère, M. D... B.... Elle exerçait également des fonctions de conseiller prud'homal. Le 28 avril 2014, la société MSE Patrimoine a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour faute grave. Par décision du 23 juin 2014, l'inspectrice du travail de l'Isère a autorisé son licenciement. Le 7 août 2014, Mme A... a formé, contre cette décision, un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui l'a rejeté implicitement le 12 décembre 2014 et expressément le 8 janvier 2015. La société MSE Patrimoine relève appel du jugement du 16 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " Ce délai ne court qu'à compter du jour où l'employeur a eu pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des stipulations d'un contrat conclu entre la société Scierie B... et la société Dallmayr, exploitant de distributeurs de boissons, dont l'exécution a débuté en février 2012 et s'est achevée fin janvier 2014, Mme A... a perçu, pour son compte, une commission d'un montant de 5 centimes d'euros sur la vente de chaque boisson chaude aux salariés de la société Scierie B.... La société Scierie B... soutient ne pas avoir eu connaissance de cette pratique avant mars 2014, lorsque le neveu de son dirigeant, informé de cette pratique depuis l'année précédente, a prévenu son oncle. Elle fait également valoir que la convention susmentionnée n'avait pas été mise à sa disposition dans son intégralité. Toutefois, la convention en cause ne comporte que six pages, toutes clairement numérotées et la clause prévoyant la perception de la commission litigieuse se situe sur la page comportant la signature des parties. La société requérante, qui disposait du contrat, était en mesure de se rendre compte qu'une page était manquante, notamment lors de la procédure de dénonciation dudit contrat au début de l'année 2014, et d'avoir connaissance de la perception de la commission litigieuse par Mme A.... Les attestations produites par la requérante et notamment celle du neveu de M. B..., dirigeant de la société, postérieure à la décision litigieuse et qui a depuis repris le contrat de mise à disposition de distributeurs de boissons au sein de la société, ne permet pas d'établir que ce dernier n'aurait pas été informé de la rétrocession litigieuse avant mars 2014, alors qu'une attestation de la mère de M. B... mentionne que cette pratique était déjà en place et connue de la direction lorsqu'elle travaillait dans cette société. Ainsi, la société requérante doit être regardée comme ayant eu, plus de deux mois avant le mois d'avril 2014, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à Mme A... et ayant servi de fondement à l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de cette salariée le 14 avril 2014, date de la lettre la convoquant à un entretien préalable. Par suite, les faits retenus pour fonder l'autorisation en litige, qui ont cessé dès la fin du mois de janvier 2014, étaient prescrits.

4. Il résulte de ce qui précède que la société MSE Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 juin 2014 et celles du ministre rejetant le recours hiérarchique de Mme A.... Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MSE Patrimoine le paiement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société MSE Patrimoine est rejetée.

Article 2 : La société MSE Patrimoine versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MSE Patrimoine, à Mme C... A...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

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N° 17LY00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00667
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS FABIENNE MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;17ly00667 ?
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