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30/08/2018 | FRANCE | N°17LY03755

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 août 2018, 17LY03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de revenus du patrimoine perçus en 2012.

Par une ordonnance n° 1703316 du 29 août 2017, la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ord

onnance de la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon du 29 août 2017 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de revenus du patrimoine perçus en 2012.

Par une ordonnance n° 1703316 du 29 août 2017, la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon du 29 août 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions.

Il soutient que la Suisse n'ayant aucun régime obligatoire de sécurité sociale, il est couvert par une assurance similaire à la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- M. B... a choisi de ne pas être soumis à l'assurance maladie suisse obligatoire et a opté pour la législation applicable française pour la couverture maladie, ce qui exclut toute possibilité de cumul de plusieurs législations nationales pour une même période ;

- le prélèvement de solidarité de 2 % n'entre pas dans le champ d'application du règlement n° 883/2004.

Par ordonnance du 4 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 38 ;

- l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999 ;

- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... qui réside en France et travaille en Suisse, a sollicité, par courrier du 30 décembre 2015, la décharge des contributions sociales mises à la charge de son foyer fiscal au titre des revenus du patrimoine perçus en 2012, en invoquant la décision dite " De Ruyter " de la Cour de Justice de l'Union Européenne et en faisant valoir qu'il n'était pas, au cours des années en cause, affilié à un régime obligatoire français d'assurance maladie. L'administration fiscale a rejeté sa réclamation. Il relève appel de l'ordonnance du 29 août 2017 par laquelle la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 20 mars 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Auvergne Rhône-Alpes a prononcé le dégrèvement, en droits, à concurrence d'une somme de 4 539 euros, des contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2012. Les conclusions de la requête de M. B... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

3. L'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 pose le principe d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale, en vertu duquel les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre de l'Union européenne en matière de sécurité sociale. En réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat, la Cour de justice de l'Union européenne a, par une décision du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Ruyter (C-623/13), dit pour droit que ces dispositions devaient être interprétées en ce sens que les prélèvements fiscaux sur les revenus de capitaux mobiliers présentent, lorsqu'ils participent au financement des régimes de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec les branches de sécurité sociale mentionnées par les dispositions énumérées à l'article 4 du règlement no 1408/71, qui correspondent à celles des articles 3 et 70 du règlement du 29 avril 2004, et entrent par suite dans leur champ d'application, de sorte qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre de l'Union ne peut, en application du principe d'unicité, être assujettie en France à de tels prélèvements fiscaux.

4. M. B... fonde ses prétentions sur le fait qu'il ne serait pas affilié au régime de sécurité sociale français et ne peut, en vertu du principe d'unicité de la législation, applicable en matière de sécurité sociale en vertu de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, être assujetti à des prélèvements fiscaux qui participent au financement du régime de sécurité sociale français. Un tel moyen n'est pas susceptible de remettre en cause le bien-fondé des impositions qui ont frappé la part des revenus du patrimoine revenant à Mme B..., dont il n'est pas démontré ni même soutenu qu'elle serait affiliée à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre de l'Union. Il est, dans cette mesure, inopérant.

En ce qui concerne le prélèvement de solidarité :

5. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".

6. Aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés au point 5 auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement du 29 avril 2004. Spécifiquement affecté au financement de prestations qui ne relèvent pas de l'article 3 du règlement du 29 avril 2004, le prélèvement de solidarité prévu par l'article L. 1600-0 S du code général des impôts n'entre pas lui-même dans le champ d'application de ce règlement. Dès lors, l'appelant ne saurait utilement invoquer le principe d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale rappelé par l'article 11 du règlement du 29 avril 2004 à l'appui de conclusions tendant à être déchargé de ce prélèvement.

En ce qui concerne les autres contributions assises sur les revenus du patrimoine de M. B... :

7. Le b) du 3. du chapitre " Suisse " de l'annexe XI du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale permet à des personnes ne résidant pas en Suisse mais relevant des dispositions juridiques suisses régissant l'assurance-maladie obligatoire d'être, à leur demande, exemptées de l'assurance obligatoire tant qu'elles résident en France et qu'elles prouvent qu'elles y bénéficient d'une couverture en cas de maladie. Le 4. de cette annexe prévoit que, dans cette hypothèse, les coûts des prestations en nature en cas d'accident non professionnel sont répartis pour moitié entre l'organisme d'assurance suisse couvrant les accidents professionnels et non professionnels et les maladies professionnelles et l'organisme d'assurance maladie compétent de l'autre État, lorsqu'il existe un droit à prestations de la part des deux organismes.

8. La faculté ainsi offerte à des ressortissants de l'Union relevant de la législation suisse de sécurité sociale d'être exemptés des dispositions juridiques suisses régissant l'assurance maladie obligatoire ne leur est ouverte qu'à la condition qu'ils bénéficient d'une couverture en cas de maladie. Cette exemption est organisée par la loi française, par le I de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale, en prévoyant que les personnes concernées sont alors " affiliées obligatoirement " au régime général de la sécurité sociale dans les conditions fixées par l'article L. 380-1, c'est-à-dire à la couverture maladie universelle instituée par la loi 99-641 du 27 juillet 1999 pour les personnes résidant en France et n'ayant droit à aucun autre titre aux prestations d'assurance maladie de la sécurité sociale. Au II de ce même article L. 380-3-1, le législateur a ménagé une période de transition, dans certaines hypothèses, jusqu'au 31 mai 2014 par l'article 49 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

9. En introduisant la faculté évoquée ci-dessus, le règlement a autorisé une exception au principe d'unicité des législations de sécurité sociale, autorisant le cumul de plusieurs législations nationales en matière de sécurité sociale. Par suite, M. B..., qui relève d'une des exceptions prévues par le règlement (CE) n° 883/2004 autorisant le cumul de plusieurs législations nationales en matière de sécurité sociale, ne saurait utilement soutenir que le principe d'unicité des législations de sécurité sociale, qui ne trouve pas à s'appliquer dans sa situation, a été méconnu.

9. Enfin, l'obligation faite par la loi d'acquitter les contributions en litige est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou à un avantage servis par un régime de sécurité sociale. Ainsi, alors même que ces prélèvements, en tant qu'ils ont pour objet de financer des régimes de sécurité sociale, entrent dans le champ d'application des règlements communautaires régissant le droit d'assujettir les travailleurs frontaliers à des cotisations sociales, ils ont le caractère d'impositions de toute nature et non celui de cotisations de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence d'affiliation à un régime obligatoire d'assurance maladie français, les revenus qu'il tire de son patrimoine n'auraient pas lieu d'être assujettis à ces contributions.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B..., à concurrence des dégrèvements de contributions sociales prononcés par le directeur régional des finances publiques de la région Auvergne Rhône-Alpes au titre de l'année 2012, pour un montant de 4 539 euros.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 août 2018.

2

N° 17LY03755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03755
Date de la décision : 30/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-08-30;17ly03755 ?
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