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26/07/2018 | FRANCE | N°17LY04392

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 juillet 2018, 17LY04392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 novembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1706494 du 24 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 novembre 2017 en tant qu

'il a obligé Mme A...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 novembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1706494 du 24 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 novembre 2017 en tant qu'il a obligé Mme A...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une période d'un an, et il a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A...un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2017 susmentionné ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A...méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2018, MmeA..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par lettre du 12 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'autorité absolue de la chose jugée par le jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à Mme A...un titre de séjour.

Par une décision du 10 avril 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé la demande d'aide juridictionnelle présentée par MmeA....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647du l0 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, le rapport de M. Carrier.

1 Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne née en 1989, a épousé en août 2008 en Algérie un ressortissant français ; qu'elle est entrée en France en février 2009 et a obtenu un certificat de résident d'une durée d'un an ; qu'en raison de la rupture de la vie commune, son titre de séjour n'a pas été renouvelé ; qu'elle a présenté plusieurs demandes de titre de séjour qui ont toutes été rejetées et a fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français en 2011, 2015 et 2016 ; qu'en mai 2016, elle a de nouveau sollicité un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par arrêté du 20 novembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour en France pendant une durée d'un an ; que, par jugement du 24 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté susmentionné en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction du territoire français pendant une durée d'un an ; que, par jugement du 1er février 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de titre de séjour du 20 novembre 2017 ; que, par sa requête, le préfet de l'Isère demande à la cour l'annulation du jugement du 24 novembre 2017 et le rejet de la demande de Mme A...;

2 Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ;

3 Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle réside en France depuis 9 ans, qu'elle est parfaitement intégrée à la société française et que sa mère et sa soeur résident régulièrement en France ; que, toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, la requérante est divorcée sans enfant et n'a vécu avec son ex-époux que pendant une durée de quinze jours ; que si sa soeur et sa mère résident régulièrement en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment son père et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans ; qu'elle n'apporte pas d'éléments de nature à établir l'intensité de son intégration en France alors même qu'elle y séjourne depuis plusieurs années ; qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français malgré l'adoption de trois mesures d'éloignement prises à son encontre et ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

4 Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ce motif l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de renvoi et la décision d'interdiction du territoire français susmentionnées ;

5 Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A...tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Grenoble à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions susmentionnées, de même que les moyens d'ordre public ;

6 Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;

7 Considérant qu'en l'espèce, le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement du 20 février 2018 devenu définitif, annulé la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à Mme A...un titre de séjour ; qu'eu égard à l'autorité absolue de la chose jugée par ce jugement, il y a lieu, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués par MmeA..., d'annuler les décisions consécutives à cette décision de refus de titre de séjour annulée que constituent l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de destination et la décision d'interdiction du territoire français en litige ;

8 Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 20 novembre 2017 en tant qu'il a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une période d'un an ;

9 Considérant que, d'une part, Mme A...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme A...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme A...doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 juillet 2018.

2

N° 17LY04392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04392
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-26;17ly04392 ?
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