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26/07/2018 | FRANCE | N°17LY00415

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 juillet 2018, 17LY00415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 4 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 10ème section de l'Isère a autorisé la Sarl ASB à procéder à son licenciement pour motif économique, ensemble la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 4 juin 2013 et la décision du ministre du 24 décembre 2013 confirmant la décision implicite de rejet.

Par un jugement n° 1

306378, 1400488 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 4 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 10ème section de l'Isère a autorisé la Sarl ASB à procéder à son licenciement pour motif économique, ensemble la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 4 juin 2013 et la décision du ministre du 24 décembre 2013 confirmant la décision implicite de rejet.

Par un jugement n° 1306378, 1400488 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 4 juin 2013 autorisant le licenciement de M. B... ainsi que les décisions du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2017, et un mémoire, enregistré le 27 avril 2018, présentés pour la Sarl ASB, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1306378, 1400488 du 28 novembre 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'autorité administrative était tenue d'apprécier les difficultés économiques de l'entreprise au regard du groupe auquel elle appartient et des sociétés qui oeuvrent dans le même secteur qu'elle, alors que la loi du 14 juin 2013, qui a donné compétence à l'autorité administrative pour valider la procédure de licenciement économique, ne transfère pas à cette autorité l'appréciation des raisons économiques du licenciement collectif, qui reste de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, l'autorité administrative ne pouvant se livrer à une appréciation des choix économiques de l'employeur ; la réalité de la suppression d'emploi s'apprécie au niveau de l'entreprise ;

- le périmètre de reclassement interne est l'entreprise ;

- c'est à tort que le tribunal a déduit l'existence d'un groupe du seul fait qu'il n'était pas contesté par les défendeurs, sans que M. B... n'en fasse la moindre preuve, et alors que la Sarl ASB a bien contesté faire partie d'une groupe, en affirmant que la notion de groupe à prendre en considération pour l'appréciation de l'effort de reclassement ne devait pas être strictement subordonnée à la reconnaissance de l'existence d'une société-mère et de relations capitalistiques entre différentes sociétés ; il a été démontré que les sociétés du groupe Cefem n'oeuvraient pas dans le même secteur d'activité que la Sarl ASB ;

- elle a amplement démontré qu'en dépit de l'absence d'un groupe, elle a respecté son obligation de recherche d'un éventuel poste de reclassement et plus particulièrement pour M. B..., salarié protégé.

Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2017, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Sarl ASB.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2017, le ministre du travail, déclare s'en remettre à l'appréciation de la cour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl ASB (Atelier Spécial Bobinage), qui fait partie du groupe Cefem Industries et a pour activité principale le bobinage sur tores, a engagé, en janvier 2013, à la suite de graves difficultés économiques résultant du désengagement de son principal client, une procédure de licenciement collectif pour motif économique engendrant la suppression de huit postes dans la catégorie professionnelle des " bobiniers et monteurs de transformateurs et selfs ", dont le poste occupé par M. B..., exerçant par ailleurs le mandat de délégué du personnel suppléant depuis le 21 avril 2011. Alors que, dans un premier temps, par une décision du 22 mars 2013, l'inspecteur du travail de la 10ème section de l'Isère avait opposé un refus à la demande d'autorisation de licencier M. B... pour motif économique présentée le 29 janvier 2013, au motif qu'il n'était pas démontré que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement, ledit inspecteur du travail a, sur recours gracieux de l'employeur, retiré, par une décision du 4 juin 2013, sa décision initiale de refus et accordé à l'entreprise l'autorisation de licencier M. B.... Le recours hiérarchique formé par ce dernier le 30 juillet 2013 a été rejeté implicitement puis par une décision expresse du ministre chargé du travail du 24 décembre 2013. La Sarl ASB interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 4 juin 2013 autorisant le licenciement de M. B... ainsi que les décisions du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise ou des entreprises du même groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié. Si la société demanderesse relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse pour apprécier la situation économique mais est tenue de faire porter son appréciation sur l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de limiter cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France.

3. Il résulte de ce qui précède que, s'il n'appartient pas à l'autorité administrative d'apprécier l'opportunité de l'option de gestion retenue par l'employeur pour faire face à des difficultés économiques, il lui appartient, en revanche, contrairement à ce que soutient la Sarl ASB, de rechercher si la situation économique des entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise qui sollicite l'autorisation de licencier un salarié protégé et qui oeuvrent dans le même secteur d'activité que cette entreprise justifient le licenciement de ce salarié.

4. Il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 la Sarl ASB fait partie du groupe Cefem Industries, qui comprend, outre la société requérante, les sociétés Cefem Technologies, Cefem Solar Systems, Cefem Enr, Cefem Industries, ayant leur siège en Ardèche, et la société Cefem Srl, en Roumanie. Il en ressort également qu'alors que la Sarl ASB a pour activité la " fabrication de composants électroniques " la société Cefem Industries, qui emploie une quarantaine de salariés et auprès de laquelle, au demeurant, la Sarl ASB a effectué une recherche de reclassement de M. B..., exerce une activité de " fabrication d'instrumentation scientifique et technique " ou de " fabrication de matériel de distribution et de commande électrique ". Ainsi, ces sociétés qui appartiennent au même groupe doivent être regardées comme oeuvrant dans le même secteur d'activité. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, ni la décision de l'inspecteur du travail du 4 juin 2013 ni celle du ministre rejetant le recours hiérarchique de M. B... ne font référence à la situation des autres sociétés du groupe Cefem auquel appartient la Sarl ASB et qui oeuvrent dans le même secteur d'activité, notamment la société Cefem Industries, alors que la demande d'autorisation de licenciement a fait uniquement part des difficultés économiques rencontrées par la Sarl ASB nécessitant la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde de sa compétitivité. Dès lors, l'autorité administrative n'a pas, comme il lui appartenait de le faire, recherché si la situation économique des entreprises du même groupe que la Sarl ASB et oeuvrant dans le même secteur d'activité qu'elle justifiait le licenciement de M. B....

5. Il résulte de ce qui précède que la Sarl ASB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 juin 2013 autorisant le licenciement de M. B... ainsi que les décisions du ministre en charge du travail rejetant son recours hiérarchique. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Sarl ASB la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion de la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl ASB est rejetée.

Article 2 : La Sarl ASB versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl ASB, au ministre du travail et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juillet 2018.

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N° 17LY00415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00415
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-26;17ly00415 ?
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