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26/07/2018 | FRANCE | N°16LY04030

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 juillet 2018, 16LY04030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence d'un établissement pénitentiaire à Bourg-en-Bresse à proximité de leur habitation principale et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404187 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de

s épouxA....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence d'un établissement pénitentiaire à Bourg-en-Bresse à proximité de leur habitation principale et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404187 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête des épouxA....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 décembre 2016, 3 avril et 2 mai 2018, les épouxA..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404187 du 4 octobre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence d'un établissement pénitentiaire à proximité de leur habitation principale et des frais divers qu'ils ont dû supporter, ladite somme devant être assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils subissent un préjudice anormal et spécial du fait de l'implantation d'un établissement pénitentiaire à Bourg-en-Bresse à proximité de leur habitation principale ; il appartient à l'Etat de réparer les troubles dans les conditions d'existence en lien avec l'implantation de l'établissement pénitentiaire ; ils subissent un préjudice de vue, un préjudice sonore, un préjudice de luminosité, un préjudice d'insécurité et un préjudice lié à la perte de la valeur vénale de leur propriété ;

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2018, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les troubles dont se prévalent les requérants ne présentent pas un caractère anormal et spécial ; qu'à cet égard, les pièces produites, essentiellement des coupures de presse, ne permettent pas d'établir le caractère anormal de leur préjudice ; qu'en outre, il y a lieu de constater que des aménagements ont été réalisés qui réduisent les troubles invoqués ; que la perte de la valeur vénale de leur bien, le préjudice sonore, le préjudice de luminosité, le préjudice de vue et le préjudice d'insécurité invoqués ne sont pas établis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrier,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeA....

1. Considérant que les épouxA... sont propriétaires depuis l'an 2000 d'une maison située à proximité du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, établissement d'une capacité de 690 places, ouvert en février 2010 ; qu'ils recherchent la responsabilité de l'Etat en invoquant les dommages subis du fait de la présence et du fonctionnement de cet ouvrage public ; que, par jugement du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire ; que, par leur requête, les époux A...demandent l'annulation de ce jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d'un ouvrage public à l'égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal ; que ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ; qu'en outre, lorsqu'il est saisi par un requérant, qui s'estime victime d'un dommage de travaux publics, de conclusions indemnitaires à raison d'un préjudice anormal et spécial, il appartient au juge administratif de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de dommages allégués ;

3. Considérant que les requérants se prévalent, en premier lieu, d'un préjudice sonore et de luminosité ; que, toutefois, ils n'apportent aucun élément de nature à établir la nature exacte et l'intensité de ces troubles ;

4. Considérant que M. et MmeA... soutiennent, en deuxième lieu, être victimes d'un préjudice de vue ; que, toutefois, il n'est pas établi que le préjudice invoqué lié à la présence du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse serait supérieur à celui qui affecte tout résident d'une habitation située dans une zone urbanisée et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs ou des équipements publics édifiés sur les parcelles voisines ; qu'en outre, s'il n'est pas contesté que la maison des requérants se situait, avant la construction de l'établissement pénitentiaire, dans un quartier pavillonnaire, ce quartier ne présentait toutefois pas de caractéristiques remarquables et se trouvait déjà affecté par la présence d'une ligne de chemin de fer qui le traversait ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que des aménagements ont été exécutés par la commune de Bourg-en-Bresse en vue de réduire les troubles de vue invoqués ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les requérants invoquent un préjudice d'insécurité lié notamment à la présence de délinquants qui pénétreraient sur leur propriété pour se mettre en relation avec les détenus de l'établissement pénitentiaire et leur transmettre des colis ; que, s'il résulte de l'instruction, notamment du rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de juillet 2015, que se produisent régulièrement des projections d'objets depuis la voie ferrée et le remblai vers la cour de promenade d'une des deux maisons d'arrêt du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, les requérants n'établissent cependant pas, par les pièces qu'ils produisent, avoir été personnellement victimes d'actes de délinquance ou d'intrusions sur leur propriété ; qu'en outre, il ressort des pièces versées au débat que diverses mesures ont été prises par l'administration afin de rendre plus difficile la projection de colis en direction de l'établissement pénitentiaire ;

6. Considérant que les époux A...se plaignent, en quatrième lieu, d'une perte de la valeur vénale de leur propriété liée à la présence et au fonctionnement de l'établissement pénitentiaire ;

7. Considérant que l'existence d'une perte de valeur vénale, si elle est établie, ne saurait être considérée comme purement éventuelle dès lors qu'elle reflète une diminution du patrimoine de celui qui la subit, indépendante de l'existence d'un projet de vente du bien à plus ou moins court terme ; que les requérants peuvent par suite invoquer ce préjudice alors même qu'ils n'envisagent pas de vendre leur maison ;

8. Considérant que, pour établir la perte de valeur vénale dont ils se prévalent, les requérants produisent une expertise non contradictoire qu'ils ont fait réaliser et une évaluation notariale ; que, toutefois, l'expertise ne compare pas la propriété des requérants à d'autres propriétés en vente ou vendues dans le même secteur et présentant des caractéristiques similaires ; qu'en outre, elle n'explique pas la méthode utilisée pour déterminer précisément le taux de moins-value finalement retenu ; que l'évaluation de la propriété des requérants effectuée par le notaire n'est pas davantage fondée sur des données chiffrées comparatives réellement pertinentes et aboutit à une valeur inférieure ; que, de plus, cette évaluation notariale ne justifie pas plus que l'expertise immobilière le mode de détermination du taux de moins-value retenu ; qu'enfin, l'expert précise que le marché immobilier de Bourg-en-Bresse souffre en raison de la situation économique et de la production trop importante de logements neufs dans l'agglomération ; que, par suite, en l'état du dossier, la réalité du préjudice lié à la perte de valeur vénale de la propriété des requérants en raison de la présence et du fonctionnement du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ne peut être regardée comme établie ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les différents chefs de dommages invoqués, examinés dans leur ensemble, ne peuvent être regardés comme présentant un caractère anormal ; qu'il s'ensuit que les époux A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent les époux A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête des épouxA... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et MmeA... et à la ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juillet 2018.

2

N° 16LY04030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04030
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-26;16ly04030 ?
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