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26/07/2018 | FRANCE | N°16LY02906

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 juillet 2018, 16LY02906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...J...et Mme I...J..., représentants légaux d'A... J...et WissemJ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser 686 830 euros à leur fils A...en réparation des préjudices subis imputables à l'injection reçue le 3 avril 1998 pour rappel de vaccination antipoliomyélitique à caractère obligatoire, ainsi que la somme de 25 000 euros chacun en réparation d

e leur propre préjudice d'affection et 15 000 euros à Wissem en réparation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...J...et Mme I...J..., représentants légaux d'A... J...et WissemJ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser 686 830 euros à leur fils A...en réparation des préjudices subis imputables à l'injection reçue le 3 avril 1998 pour rappel de vaccination antipoliomyélitique à caractère obligatoire, ainsi que la somme de 25 000 euros chacun en réparation de leur propre préjudice d'affection et 15 000 euros à Wissem en réparation de son préjudice d'affection. M. B...J..., frère aîné d'A..., a également demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à lui verser 15 000 euros en réparation de son propre préjudice d'affection.

Par un jugement n° 1107629 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 août 2016, 7 août 2017 et 19 avril 2018, M. A...J..., ses parents M. E...J...et Mme I...J..., représentants légaux de WissemJ..., ainsi que M. B...J..., représentés par Me M..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 2016 ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser 686 830 euros à M. A...J...en réparation des préjudices subis, 25 000 euros à M. E...J...et à Mme I...J...ainsi que 15 000 euros à M. B...J...et à Wissem J...en réparation de leur propre préjudice d'affection, avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

Sur la responsabilité de l'ONIAM :

- s'agissant d'une vaccination obligatoire, la réparation des conséquences dommageables incombe à l'ONIAM en vertu de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

- malgré l'absence de certitude scientifique sur le lien de causalité entre la vaccination et l'apparition de troubles chezA..., il y a lieu de retenir une présomption de causalité dès lors que les trois critères dégagés par la jurisprudence, à savoir l'absence d'antécédent, la bonne santé de l'enfant et l'existence d'un bref délai entre l'injection et l'apparition des troubles, sont remplis en l'espèce ;

Sur les préjudices subis :

- le déficit fonctionnel temporaire d'A... du 6 avril 1998 au 6 octobre 1998 doit être indemnisé à hauteur de 1 830 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent d'A..., de 70 %, doit être indemnisé à hauteur de 301 000 euros ;

- les souffrances endurées parA..., évaluées à 4 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 10 000 euros ;

- son préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;

- son préjudice professionnel doit être évalué à 360 000 euros ;

- le préjudice moral lié au défaut d'information quant aux risques inhérents à la vaccination doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

- l'assistance d'une tierce personne doit faire l'objet d'une expertise avant chiffrage ;

- le préjudice d'affection doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros pour chacun des parents et 15 000 euros pour chacun des frères d'A....

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 octobre 2016 et 12 mars 2018, l'ONIAM, représenté par son directeur, par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge des requérants.

Il fait valoir :

- qu'A... souffre de troubles autistiques et non des séquelles d'une encéphalite post vaccinale ;

- qu'en l'absence de tout lien entre ces troubles et la vaccination, il ne peut être fait application du régime de présomption de lien de causalité dégagé par la jurisprudence pour les scléroses en plaque.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...J...est né le 25 juin 1996 à Bron (Rhône) ; qu'il lui a été administré trois injections de Pentacoq les 9 octobre, 8 novembre et 6 décembre 1996 ; qu'un rappel de vaccination du Pentacoq lui a été injecté le 3 avril 1998 ; qu'à la suite de ce rappel, les parents d'Ilès, M. E...J...et Mme I...J..., ont constaté des troubles du comportement et une régression des acquisitions ; que M. et MmeJ..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils alors encore mineur, ont sollicité auprès de l'ONIAM une indemnisation de leurs préjudices propres et de ceux subis par A...sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ; qu'après avoir diligenté une expertise confiée au DrC..., pédiatre réanimateur, assisté par le DrK..., neuropédiatre, en qualité de sapiteur, l'ONIAM a rejeté le 4 octobre 2011 la demande préalable indemnitaire déposée par M. et MmeJ... ; que, le 8 décembre 2011, M. et Mme J...ont sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Lyon la réalisation d'une nouvelle expertise ; qu'il a été fait droit à leur demande par une ordonnance du 27 février 2012 désignant le DrL..., médecin biologiste spécialisé en immunologie et en hématologie, en qualité d'expert ; que, par une ordonnance du 27 septembre 2013, le DrF..., neurologue, a été désigné comme sapiteur ; que le rapport d'expertise a été remis le 25 avril 2014 ; que, par un jugement du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a ordonné un complément d'expertise ; qu'un nouveau rapport d'expertise a été remis par le Dr G...le 17 novembre 2015 ; que les consorts J...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à verser au jeune A...la somme de 686 830 euros en indemnisation de ses préjudices, imputables à l'injection qu'il a reçue le 3 avril 1998 pour rappel de vaccination à caractère obligatoire, de réserver le calcul d'une rente pour assistance à tierce personne, ainsi qu'à verser la somme de 25 000 euros chacun à Mme I...J...et à M. E...J..., parents d'A..., en réparation de leur préjudice d'affection, de réserver l'indemnisation des dépenses de santé restées à leur charge, et à verser la somme de 15 000 euros chacun à Wissem J...et à JawedJ..., frères d'A..., en réparation de leur préjudice d'affection ; qu'ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 2016 rejetant leur demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale (...) " ; qu'il incombe au juge administratif de déterminer, au vu des éléments apportés par les requérants, s'il existe un faisceau d'éléments de nature à établir ou faire présumer l'origine vaccinale du dommage ; que, dans le cas d'un vaccin associant des valences obligatoires et des valences facultatives, la responsabilité de l'Etat ne peut être écartée que s'il est démontré que les troubles sont exclusivement imputables à une valence facultative et si cette valence n'était pas systématiquement associée aux valences obligatoires dans les vaccins disponibles ;

Sur le caractère obligatoire de la vaccination :

3. Considérant qu'un rappel de vaccination par Pentacoq a été injecté le 3 avril 1998 àA..., alors âgé de 21 mois et 9 jours ; qu'une injection de Pentacoq combine les vaccins antidiphtérique, antipoliomyélitique, antitétanique, ainsi que les vaccins contre la coqueluche et l'haemophilus influenzae type b, ces derniers n'étant pas au nombre des vaccins alors rendus obligatoires par le code de la santé publique, seules les vaccinations anti-diphtérique, anti-tétanique et anti-poliomyélitique présentant un tel caractère en vertu des articles L. 3111-2 et L. 3111-3 du code de la santé publique ; qu'ainsi, plusieurs valences du Pentacoq présentent un caractère obligatoire, alors qu'il n'est pas établi que les dommages constatés ne seraient en lien qu'avec le seul vaccin contre la coqueluche ou l'haemophilus influenzae ; qu'une vaccination par la spécialité Pentacoq est donc susceptible d'engager la responsabilité de l'ONIAM en application des dispositions précitées ;

Sur la nature des troubles de M. A...J... :

4. Considérant qu'il est constant qu'A... a présenté des troubles du comportement et une régression des acquis dès fin avril 2018 alors qu'il présentait jusqu'alors un développement normal ; que ces troubles ont été médicalement constatés en juin 1998 ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des différents rapports d'expertise, qu'au cours de ses passages aux urgences les 6 avril, 10 avril, 24 avril et 8 mai 1998, A...ne présentait aucun symptôme méningé mais était simplement atteint d'infections des voies aériennes supérieures, à savoir rhinopharyngite et otite parfois conjuguées ; qu'aucune anomalie du liquide cérébrospinal n'a été constatée dans cette première phase ; qu'aucun signe neurologique déficitaire n'a été davantage observé lors de cette phase initiale alors que l'encéphalogramme, qui est un élément important dans le diagnostic d'encéphalite aiguë, est resté normal ; que l'IRM cérébrale réalisée le 27 septembre 2013 a permis de conclure à l'absence d'image de démyélinisation, le cerveau présentant une morphologie normale, sans atrophie cortico-sous-corticale, sans dilatation ventriculaire, sans images anormales focales de la substance blanche, et sans atrophie des amygdales et des hippocampes ; qu'en ce qui concerne l'atrophie de l'hippocampe dont l'hypothèse a pu être avancée dans le dossier, d'une part, elle n'est pas démontrée par les différentes IRM réalisées, et d'autre part et en tout état de cause, une telle atrophie associée à des troubles de la mémoire, si elle peut être une séquelle d'encéphalopathie de l'enfance dans le cadre temporo mésiale, est retrouvée également dans le cas d'autres pathologies comme chez le sujet plus âgé dans les pathologies avec démence, et constitue une modification anatomique non significative d'une complication liée à la vaccination ; que, par suite, l'hypothèse d'une encéphalite aiguë post-vaccinale ou même post-infectieuse ne peut être retenue ;

6. Considérant que les troubles actuellement présentés par A...ont été décrits par les praticiens qui l'ont suivi, et notamment par le DrD..., spécialiste de la psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, qui a pu l'observer en hôpital de jour dans son service en 2001 et 2002, comme un ensemble de troubles du comportement et de la communication d'allure autistique ; que le bilan pratiqué en 2002 en hospitalisation est resté négatif pour une pathologie métabolique comme pour une encéphalite ; qu'en 2013, le bilan pratiqué a permis de conclure à une déficience intellectuelle avec des traits autistiques, rappelant que l'ensemble des examens réalisés en 2001 et 2010 et les IRM pratiquées en juillet 1999 et 2013 sont restés normaux ainsi que l'évolution auditive et visuelle ; qu'au regard de l'ensemble des examens et bilans réalisés, l'expert conclut que l'état d'A... doit être décrit comme une maladie du spectre autistique avec retard psychomoteur, dysharmonie de développement et troubles du comportement ;

Sur le lien de causalité entre la vaccination et l'apparition de troubles autistiques :

7. Considérant que M. A...J...se prévaut, d'une part, du très bref délai entre le rappel de vaccination incriminé et l'apparition des premiers troubles et, d'autre part, de son bon état de santé antérieur, caractérisé par un développement psychomoteur normal ; que, toutefois, le professeur Barthélémy, pédopsychiatre responsable de l'Unité INSERM 930 de Tours travaillant à la compréhension de l'autisme, interrogée par le DrG..., a indiqué que dans la littérature scientifique la régression autistique n'a pas été liée à un événement de santé de façon fiable, et en particulier qu'aucune étude sérieuse n'a démontré de lien entre troubles autistiques et vaccination ; qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques sur l'étiologie de l'autisme, l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et l'apparition de troubles autistiques ne revêt pas une probabilité suffisante pour que ce lien puisse, sous certaines conditions, être regardé comme établi ; que, dans ces conditions, les consorts J...ne peuvent prétendre à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts J...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande et a mis à leur charge les frais d'expertise ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts J...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...J..., M. E... J..., à Mme I...J..., à M. B... J..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des maladies iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juillet 2018.

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N° 16LY02906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02906
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CALLON AVOCAT ET CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-26;16ly02906 ?
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