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12/07/2018 | FRANCE | N°16LY02987

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2018, 16LY02987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL AAA BAILIFFS, représentée par ses gérants en exercice, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 17 novembre 2014 par laquelle le ministre de la justice a réparti l'indemnité de suppression de l'office d'huissier de justice dont était titulaire Me E...A...à la résidence de Gueugnon (Saône-et-Loire).

Par jugement n° 1501229 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en

registrée le 29 août 2016, la SELARL AAA BAILIFFS, représentée par Me F...D..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL AAA BAILIFFS, représentée par ses gérants en exercice, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 17 novembre 2014 par laquelle le ministre de la justice a réparti l'indemnité de suppression de l'office d'huissier de justice dont était titulaire Me E...A...à la résidence de Gueugnon (Saône-et-Loire).

Par jugement n° 1501229 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2016, la SELARL AAA BAILIFFS, représentée par Me F...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2014 par laquelle le ministre de la justice a réparti l'indemnité de suppression de l'office d'huissier de justice dont était titulaire Me E...A...à la résidence de Gueugnon ;

Elle soutient que :

- cette décision ministérielle est entachée d'une erreur de droit et de fait dès lors qu'elle ne peut pas être regardée comme étant bénéficiaire de la suppression de cet office d'huissier implanté à Gueugnon car elle ne fait aucun constat dans le secteur de Gueugnon/Paray-le-Monial et n'est sollicitée par aucune demande de conseil à Gueugnon, dont elle est éloignée de 89 km ; sa seule appartenance au ressort du même tribunal de grande instance n'est pas suffisante ; deux autres études d'huissiers sont à proximité immédiate de Gueugnon ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit car l'indemnité due a été calculée au prorata du chiffre d'affaire de l'année de suppression entre tous les offices du ressort et non sur le bénéfice résultant de cette suppression ; son chiffre d'affaire 2013 ayant été en diminution, il n'y avait pas eu de bénéfice ; il faut analyser le chiffre d'affaire 2014 suivant la suppression et les évolutions subséquentes connues par les offices in concreto ; la répartition de l'indemnité doit tenir compte du bénéfice résultant pour chacun des huissiers de la suppression d'un office et par suite du report de l'achalandage de l'office ; seuls les offices de Paray-le-Monial et de Charolles ont enregistré une hausse de chiffre d'affaires après cette suppression et en lien avec cette suppression ;

- la décision ne comporte aucune motivation ou analyse quant au bénéfice de cette suppression pour l'office Patricot ;

Par un mémoire enregistré le 27 mars 2018, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que la requérante conteste la méthode utilisée pour répartir cette indemnité de suppression et sa qualité de bénéficiaire de la suppression de l'office d'huissier de justice localisé à Gueugnon ; aucun texte ne fixe la méthode d'évaluation de l'indemnité ; le ministère de la justice dispose d'une marge d'appréciation pour chaque cas d'espèce ;

- elle n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation quant à la méthode de répartition de l'indemnité ;

- la notion de bénéfice ne renvoie pas à la notion comptable mais doit s'entendre comme le volume d'activité susceptible de se reporter sur les autres offices situés dans le même ressort de compétence ; le chiffre d'affaire est une donnée pertinente pour appréhender ce volume d'activité ; les clients sont libres de s'adresser à n'importe quel huissier sur un même ressort de compétence ; de nombreux clients institutionnels ont choisi depuis 2007 d'avoir recours à un office situé dans la commune du tribunal de grande instance ; le critère géographique est peu pertinent car il est parfois plus simple de rejoindre la première agglomération du département qu'une ville proche plus petite et moins bien desservie ; les interventions des huissiers de justice sont liées à l'activité juridictionnelle, ce qui constitue un avantage pour les études implantées dans la ville siège de juridiction ; le report d'activité des offices ruraux supprimés a principalement bénéficié aux offices implantés dans la ville siège de juridiction ; trois offices sont situés entre 28 et 40 km de Gueugnon mais les offices plus lointains de Mâcon bénéficient de leur localisation plus avantageuse par rapport à la juridiction ;

- la société requérante n'établit pas n'avoir réalisé aucun acte, ou conseil ou signification d'acte à Gueugnon et se borne à faire état d'une baisse de chiffre d'affaire entre 2012 et 2014 ; il n'est pas fait état de l'activité juridictionnelle relative aux significations d'actes ; la baisse du chiffre d'affaire en 2014 ne peut pas être révélatrice d'une absence de tout bénéfice lié à la suppression de l'office de Gueugnon, d'autres éléments pouvant expliquer cette baisse ; la baisse de chiffre d'affaire en 2013 n'est pas pertinente car l'office de Gueugnon n'était pas encore supprimé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique

- le rapport de MmeC...,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que le garde des sceaux, ministre de la justice a, par un arrêté du 26 novembre 2013, supprimé l'office d'huissier de justice de Me A...à la résidence de Gueugnon ; que, par une décision du 17 novembre 2014, il a fixé le montant de l'indemnité dite de suppression qui lui était due et la clé de répartition de cette somme entre les différents huissiers du ressort du tribunal de grande instance de Mâcon ; que la SELARL AAA Bailiffs, huissier débiteur de cette indemnité, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision ministérielle du 17 novembre 2014 et la décision implicite née du silence gardé sur son recours gracieux formulé le 16 janvier 2015 ; que, par un jugement du 28 juin 2016 dont la SELARL AAA Bailiffs demande l'annulation, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

2. Considérant, qu'aux termes de l'article 42 du décret du 14 août 1975 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : "Les indemnités qui peuvent être dues, par l'huissier de justice établi dans un département autre que celui du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, et nommé dans un office créé ou titulaire d'un office transféré, à ceux de ses confrères qui subissent un préjudice résultant de la création ou du transfert de cet office, sont évaluées et réparties à l'expiration de la sixième année civile suivant celle de sa nomination ou du transfert de son office.(...°) Les indemnités qui peuvent être dues à l'ancien titulaire d'un office supprimé, par les huissiers de justice bénéficiaires de la suppression, sont évaluées et réparties en fonction du bénéfice résultant, pour chacun d'eux, de cette suppression "; qu'aux termes de l'article 43 du même décret : " Le montant et la répartition des indemnités prévues à l'article 42 sont fixés par accord entre les parties qui en avisent le procureur général et la chambre des huissiers de justice dans le ressort de laquelle est établi l'office créé, supprimé ou bénéficiaire d'une extension de compétence. / A défaut d'accord amiable, le montant et la répartition des indemnités sont fixés par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis de la commission de localisation des offices d'huissier de justice. / (...). ;

3. Considérant qu'en application de l'article 43 dudit décret dans sa rédaction alors applicable, il appartenait au ministre de la justice, en l'absence d'accord amiable entre les huissiers de justice, de fixer, sous le contrôle restreint du juge de l'excès de pouvoir, le montant et la répartition de l'indemnité de suppression après avis de la commission de localisation des offices d'huissier de justice ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de la justice, garde des sceaux, a recueilli l'avis de la commission de localisation des offices d'huissier de justice, a évalué le chiffre d'affaire moyen de l'étude de Me A...au cours de la période 2009-2013 et a procédé à la déduction de l'activité de régie d'immeubles, activité accessoire ; qu'il a ensuite fixé le montant de l'indemnité de suppression due à Me A...à 60 000 euros, a défalqué une somme de 12 000 euros prise en charge par la caisse de restructuration et a réparti le solde de 48 000 euros, sauf meilleur accord entre les débiteurs, au prorata des chiffres d'affaires respectifs des offices situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Mâcon réalisés pour l'exercice 2013 et résultant soit de leurs déclarations fiscales soit du chiffre d'affaire indiqué par la chambre nationale des huissiers de justice ;

5. Considérant que l'office de Me A...à Gueugnon a été supprimé par arrêté du ministre de la justice en date du 26 novembre 2013 ; que, comme l'oppose la ministre de la justice, la circonstance alléguée par la société requérante d'une baisse de son chiffre d'affaire entre 2012 et 2014 ne saurait suffire à démontrer l'absence de tout effet positif de la suppression de l'office de Gueugnon sur son activité dès lors qu'elle n'établit pas l'absence de tout acte ou de tout conseil concernant la zone de Gueugnon avant et après la suppression de cet office ; que, toutefois, la ministre, en se bornant à avancer des considérations générales sur le caractère plus attractif des offices d'huissier situés à Macon, eu égard à de meilleures conditions de desserte et à une implantation géographique à proximité du tribunal de grande instance de Mâcon, ne contredit pas utilement les données chiffrées de la société requérante établissant une forte progression des chiffres d'affaires de l'office de Paray-le-Monial entre 2012 et 2014, ces derniers passant de 415 390 euros à 528 471 euros ; que les documents produits font également apparaître une progression globale du nombre d'actes réalisés entre les années 2012 et 2013 par les deux études de Paray-le-Monial et de Charolles, offices les plus proches géographiquement de Gueugnon, et alors que Me A...ayant présenté sa démission le 10 mars 2013, il peut raisonnablement être estimé qu'il a réduit progressivement son activité au cours de l'année 2013 ; que la ministre n'apporte aucune explication susceptible de justifier de telles progressions, en dehors de la démission de MeA... et de la suppression de son office ; que, dans ces conditions, doit être regardée comme suffisamment établie l'existence d'un effet report sensiblement plus favorable pour les offices d'huissier situés à une plus grande proximité de l'office supprimé que pour celui de la société requérante ; que, dès lors, pour déterminer le bénéfice résultant de cette suppression pour chacun des offices d'huissier, la ministre a fait une inexacte application des articles 42 et 43 précités du décret du 14 août 1975 en retenant dans sa décision du 17 novembre 2014 une répartition de l'indemnité fondée sur le seul critère du chiffre d'affaire réalisé en 2013 par les différentes études situées dans le ressort du tribunal de grande instance de Mâcon et ne prenant pas en considération les reports effectifs de la clientèle de Me A... sur ces offices ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2016 est annulé.

Article 2 : La décision ministérielle du 17 novembre 2014 portant répartition de l'indemnité de suppression est annulée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL AAA Bailiffs et au ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme C...et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.

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N° 16LY02987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02987
Date de la décision : 12/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-05 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. Huissiers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SAINT-MARTIN CRAYTON DANIELE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-12;16ly02987 ?
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