Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société BPCE assurances a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Saint-Flour à lui verser la somme de 48 529,94 euros qu'elle a versée pour le compte de son assuré en réparation des préjudices subis par le jeune G...B...et ses parents imputables à l'établissement public de santé et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement n° 1401672 du 30 juillet 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2015, la société BPCE assurances, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 juillet 2015 ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Saint-Flour à lui verser la somme totale de 48 529,94 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Flour la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- concernant la faute du centre hospitalier de Saint-Flour, elle établit qu'elle est subrogée dans les droits de la victime et du régime social des indépendants ; la prise en charge du jeune G...a été fautive dès lors qu'à partir du moment où le docteur Bouchaib du centre hospitalier de Saint-Flour a constaté une effraction cutanée avec exposition du matériel au niveau de l'extrémité inférieure du radius, il aurait dû craindre une complication infectieuse ; qu'à compter du 9 juin 2010, il y a eu négligence compte tenu de l'inadaptation du suivi et du caractère fréquent du risque d'infection ; elle ne sollicite que le versement des sommes en lien avec la faute commise ;
- concernant la nécessité d'une nouvelle expertise, l'expertise du docteur Normand n'a pas été contradictoire à son égard, n'étant pas partie, à l'époque, au litige ; les différents avis médicaux produits sont divergents quant à leurs conclusions ;
Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2016, le centre hospitalier de Saint-Flour, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le professeur Durandeau a été influencé par l'avis du docteur Ramirez Del Villar quant à l'existence d'une prétendue négligence dans la surveillance de l'enfant à compter du 9 juin 2010 ; l'expertise du docteur Ramirez Del Villar, qui n'est qu'un avis sur pièces, est fondée sur des affirmations sans démonstration ;
- les suites de l'intervention du 10 mai sont satisfaisantes dès lors qu'un contrôle a été réalisé le 9 juin 2010 ; à cette date, s'il y avait effraction cutanée causée par la broche, il n'y avait aucun signe d'infection ; l'effraction cutanée est une suite normale de la technique d'ostéosynthèse ; le docteur Bouchaib a pris les mesures qui s'imposaient et il n'était pas impératif de prévoir une résine avec fenêtre ; l'enfant a été reconvoqué le 18 août en raison de ses vacances chez ses grands-parents à Albi ; ce n'est qu'au mois de juillet que des signes d'infection sont apparus ; l'évolution de l'infection en une infection profonde pouvant générer une ostéite était imprévisible ;
- la BPCE ne peut se prévaloir de ce qu'elle n'a pas été convoquée à l'expertise du docteur Normand pour contester ses conclusions et demander une nouvelle expertise ;
Par ordonnance du 11 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Liber, avocat de BPCE Assurances.
1. Considérant que, le 10 mai 2010, G...B..., âgé de 14 ans, a été victime d'une bousculade causée par un camarade, QuentinF..., dans la cour de récréation du collège Saint-Joseph situé à Saint-Flour ; que souffrant d'une fracture fermée des deux os de l'avant bras droit, il a été hospitalisé le même jour au centre hospitalier de Saint-Flour où il a été procédé à une ostéosynthèse et à une immobilisation par attelle ; qu'il a été revu le 9 juin 2010 par le chirurgien du centre hospitalier de Saint-Flour qui, constatant une effraction cutanée avec exposition du matériel au niveau de l'extrémité inférieure du radius, a procédé à la pose d'un pansement et au changement de la résine ; que, le 4 juillet 2010, à la suite de vives douleurs, le jeune G...a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Toulouse ; que les prélèvements pratiqués ont mis en évidence la présence des germes de staphylococcus aureus ; que, lors de l'intervention de retrait du matériel d'ostéosynthèse, une ostéite a été constatée et traitée ; que, par un jugement du 25 janvier 2013, le juge des enfants près le tribunal pour enfants d'Aurillac a condamné in solidum Quentin F...et son représentant légal, M. C...F..., à verser aux consorts B...la somme de 11 855,68 euros en réparation des préjudices subis et au régime social des indépendants la somme de 41 769,84 euros en remboursement de ses débours ; que ce même jugement précise que l'assureur de M. F...sera tenu de le garantir intégralement des condamnations mises à sa charge en qualité de représentant légal, civilement responsable de son enfant ; que, par ordonnance du 23 mars 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné le docteur Normand en qualité d'expert dans le litige opposant les consorts B...au centre hospitalier de Saint-Flour ; que celui-ci a déposé son rapport le 6 septembre 2011 ; que, le 29 juillet 2014, le centre hospitalier de Saint-Flour a rejeté la réclamation préalable formée par la société BPCE assurances ; que la société BPCE assurances, subrogée dans les droits de la victime en application de l'article L. 121-22 du code des assurances, relève appel du jugement du 30 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Flour à lui verser la somme totale de 48 529,94 euros ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Flour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention d'ostéosynthèse pratiquée le 10 mai 2010 au centre hospitalier de Saint-Flour en vue de réduire sa fracture fermée des deux os de l'avant bras droit, G...B...a été revu le 9 juin 2010 pour un contrôle par le chirurgien qui l'avait opéré ; que le chirurgien, après avoir constaté une complication résultant de la perforation cutanée par la broche d'ostéosynthèse, a procédé, après une radiographie, à la pose d'un pansement et au changement de la résine et a fixé un nouveau rendez-vous de contrôle au 18 août 2010 ; que, le 4 juillet, G..., éprouvant de vives douleurs, a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Toulouse qui a procédé à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse après la découverte d'une ostéite causée par une infection à staphylocoque doré ; que si le docteur Normand fait état dans son expertise de ce que la perforation de la peau par le matériel d'ostéosynthèse est courante mais que, " dans la plupart des cas, les phénomènes inflammatoires au niveau de la broche à l'occasion d'une effraction cutanée restent locaux et ne se propagent qu'exceptionnellement à la cavité médullaire ", il n'exclut cependant pas le risque réel d'une infection dans le cas d'une effraction cutanée causée par la broche ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'évolution de l'infection locale vers une ostéite constituait un risque imprévisible au regard des connaissances médicales alors acquises ; que les rapports critiques des docteur Ramirez Del Villar et professeur Durandeau, réalisés sur pièces à la demande de la société BPCE assurances et qui ont été versés à l'instance et ainsi soumis au débat contradictoire entre les parties, et dont il n'apparaît pas qu'ils manqueraient d'objectivité, concluent de façon argumentée à une négligence dans le suivi du jeune G...à compter du 9 juin 2010 en indiquant que dès lors qu'une effraction cutanée de la broche avait été constatée et pouvait faire craindre la survenue d'une infection osseuse, l'enfant aurait dû bénéficier, d'une part, d'un prélèvement et d'un contrôle CRP ainsi que de la pose d'une résine avec fenêtre et, d'autre part, d'une surveillance par des soins infirmiers ou par un médecin afin de prévenir toute infection ou son aggravation ; qu'ainsi il résulte suffisamment des pièces médicales versées au débat que le manque de surveillance et de vigilance adaptées à l'état de santé de G...est constitutif d'une négligence fautive ayant retardé le diagnostic et le traitement de l'infection et qu'elle constitue la cause exclusive des complications intervenues après cette date ; que cette faute est de nature à engager l'entière responsabilité du centre hospitalier de Saint-Flour ;
Sur l'étendue de la subrogation et les préjudices :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, " l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui par leur fait ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ; que l'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par les prescriptions de l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance ; qu'il résulte de l'instruction que la société BPCE assurances, en sa qualité d'assureur " responsabilité civile " de M.F..., justifie, par les différentes quittances produites, avoir versé la somme de 11 855,68 euros aux consorts B...et la somme de 41 769,84 euros au régime social des indépendants ; qu'elle est ainsi, et dans la limite de ces sommes, régulièrement subrogée dans les droits et actions des consorts B...et du régime social des indépendants ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des débours exposés par le régime social des indépendants :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les débours exposés par le régime social des indépendants au titre des frais médicaux, d'hospitalisation et de l'indemnité forfaitaire de gestion rendues nécessaires par l'état de santé dans lequel s'est trouvé le jeune G...B...à la suite de l'infection contractée après l'intervention chirurgicale au cours de laquelle a été réalisée une ostéosynthèse par broches s'élèvent à la somme totale de 39 472,26 euros, que le centre hospitalier de Saint-Flour doit être condamné à verser à la société BPCE assurances ;
S'agissant des frais de déplacement et d'hôtel des parents du jeune G...:
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la mère du jeune G...a engagé des frais de transport et d'hôtel lors de l'hospitalisation de son enfant au centre hospitalier de Toulouse du 4 au 29 juillet 2010 et lors des diverses consultations ultérieures du 26 novembre 2010 et du 4 mars 2011 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 1 473,68 euros ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
S'agissant des préjudices de G...B... :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jeune G...B...a subi un déficit fonctionnel temporaire permanent du 4 juillet au 29 juillet 2010, date de son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Toulouse, puis un déficit fonctionnel temporaire de classe III du 30 juillet 2010 au 8 septembre 2010 et un déficit fonctionnel temporaire de classe I du 9 septembre 2010 au 4 mars 2011 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces divers chefs de préjudice en les indemnisant à hauteur de 1 284 euros ;
8. Considérant que les souffrances endurées par G...en lien avec l'infection ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 500 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que le déficit esthétique a été évalué à 1,5 sur une échelle de 7 compte tenu de la présence d'une cicatrice visible sur l'avant bras droit et en lien avec la complication infectieuse ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 800 euros ;
S'agissant des préjudices des parents :
10. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral des parents du jeune G...en l'évaluant à 1 000 euros ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la société BPCE assurances est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et à demander la condamnation du centre hospitalier de Saint-Flour à lui verser une indemnité totale de 48 529,94 euros ;
Sur les frais liés au litige :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Flour la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société BPCE assurances et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 juillet 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Flour est condamné à verser à la société BPCE assurances la somme de 48 529,94 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Flour versera une somme de 2 000 euros à la société BPCE assurances en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société BPCE assurances, au centre hospitalier de Saint-Flour et au régime social des indépendants d'Auvergne.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mme D...et Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juillet 2018.
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N° 15LY03178