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10/07/2018 | FRANCE | N°18LY01522

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 10 juillet 2018, 18LY01522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 18 décembre 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation

provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1800219 du 26 mars 2018, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 18 décembre 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1800219 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 18 décembre 2017 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, présentée par le préfet de la Haute-Savoie, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800219 du tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu'à défaut pour le préfet de produire le rapport rédigé par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au vu duquel le collège de médecins avait rendu son avis, il ne pouvait être regardé comme apportant la preuve que la procédure avait été conduite dans le respect des garanties instituées par les dispositions de l'article L. 313-11 et des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir transmis un document couvert par le secret médical et qui, par nature, n'avait pas à être porté à sa connaissance, et qu'il ne lui appartenait pas de recevoir ni de demander des éléments d'ordre médical de la part des médecins de l'OFII ;

- l'avis du collège des médecins de l'OFII a été émis sur le rapport d'un médecin non membre de ce collège de médecins.

Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2018, présenté pour Mme H... épouse C... , elle conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de trente jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2018, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité kosovare, née le 2 janvier 1970, est entrée irrégulièrement en France, le 9 février 2011, accompagnée de son époux et de ses enfants, dont son plus jeune fils, B..., né le 25 novembre 2003. Après le rejet de la demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2011 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 18 avril 2012, le préfet de la Haute-Savoie a, par des décisions du 25 mai 2012, refusé de lui délivrer un titre de séjour, et pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La demande de Mme C... aux fins d'annulation de ces décisions a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 septembre 2012 puis par un arrêt de la cour du 26 mars 2013. Elle a ensuite bénéficié d'autorisations provisoires de séjour, au cours de la période du 13 mai 2013 au 20 mars 2017, à raison de l'état de santé de son filsB..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C... a sollicité, le 20 janvier 2017, le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour. Par des décisions du 18 décembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Haute-Savoie interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 18 décembre 2017.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

4. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

5. Selon l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. En l'espèce, l'avis du collège de médecins du 10 mai 2017 ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis. Toutefois, le préfet de la Haute-Savoie, auquel ne pouvait être communiqué le rapport médical destiné au collège de médecins de l'OFII, a produit un courriel de la directrice territoriale adjointe de l'OFII du 21 février 2018 selon lequel le rapport sur l'état de santé de l'intéressé a été rédigé par un médecin qui n'était pas membre du collège de médecins du service médical de l'OFII ayant émis l'avis mentionné au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce document permet d'établir de manière suffisamment certaine que le médecin auteur du rapport sur l'état de santé du fils de Mme C... n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a émis l'avis du 10 mai 2017 au vu duquel la décision contestée a été prise. Dès lors, Mme C... n'a pas été privée d'une garantie. Par suite, c'est à tort que, pour annuler le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu'à défaut pour le préfet de la Haute-Savoie de produire le rapport rédigé par le médecin au vu duquel le collège de médecins de l'OFII avait rendu son avis, ledit préfet ne pouvait être regardé comme apportant la preuve de ce que la procédure au terme de laquelle la demande de titre de séjour de Mme C...avait été rejetée avait été conduite dans le respect des garanties instituées par les dispositions de l'article L. 313-11 et des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C....

Sur la légalité du refus de titre :

9. En premier lieu, par un arrêté du 21 novembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de la Haute-Savoie a donné à M. Guillaume Douheret, secrétaire général, délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives à l'éloignement des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de décision doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour contesté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie, qui a notamment examiné si le refus de délivrance d'un titre de séjour n'était pas de nature à méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que la possibilité d'une mesure gracieuse et dérogatoire, et dont il n'est pas établi qu'il se serait cru lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C..., a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C.... Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen et d'une erreur de droit doit être écarté.

12. En quatrième lieu, pour refuser la délivrance de l'autorisation de séjour sollicitée par Mme C... sur le fondement des articles cités aux points 2 et 3, le préfet de la Haute-Savoie a estimé, conformément à l'avis émis le 10 mai 2017 par le collège des médecins de l'OFII, que, si l'état de santé de son fils B...nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge n'aurait pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales produites par Mme C..., rédigées au cours des années 2012 à 2015, que son fils, âgé de quatorze ans à la date de la décision en litige, présente des séquelles d'une infirmité motrice cérébrale de type parésie spastique, prédominant à l'hémicorps gauche, associée à des troubles visuels et un strabisme, justifiant une surveillance orthopédique biannuelle, des injections de toxine botulinique tous les quatre mois, de la kinésithérapie et des séances de rééducation orthopédique, un appareillage orthétique ainsi qu'une scolarité adaptée et une prise en charge orthophonique et ergothérapeutique. Il n'en ressort toutefois pas qu'un défaut de prise en charge aurait pour le jeune B...des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

14. Il ressort des pièces du dossier que la famille de Mme C... est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 9 février 2011. Elle se prévaut de son intégration au sein de la société française, où elle a su créer de nombreuses relations amicales, comme en témoignent les attestations produites, où elle exerce une activité professionnelle et où son plus jeune fils a été soigné et a suivi sa scolarité. Elle fait également état de la présence d'une de ses filles en situation régulière, et des enfants de cette dernière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... ne séjournait régulièrement en France que depuis quatre ans et demi à la date de la décision contestée, en raison des soins alors nécessités par l'état de santé de son fils alors qu'elle avait vécu jusqu'à l'âge de quarante et un ans au Kosovo, où elle conserve encore des attaches en la personne de ses soeurs. Rien ne s'oppose à ce que Mme C... reparte avec son enfant mineur dans son pays d'origine, alors que son époux, de même nationalité qu'elle, a fait l'objet, le même jour, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour de Mme C... et de sa famille en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

16. La décision portant refus de titre de séjour opposée à Mme C... n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de son enfant mineur. En outre, rien ne s'oppose à ce que son fils puisse poursuivre sa scolarité hors de France, et notamment au Kosovo. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Il résulte, en outre, des circonstances de fait précédemment énoncées qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C..., le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

17. Les moyens tirés respectivement de l'incompétence du signataire de la décision en litige, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs retenus pour écarter ces moyens en tant qu'ils étaient soulevés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour.

18. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 18 décembre 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel Mme C... serait éloignée. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C... ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800219 du 26 mars 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à Mme H... épouseC....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de la cour,

M. A... et M. F..., présidents de chambre,

M. Seillet et Mme G..., présidents assesseurs,

Mme D... et Mme E..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

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N° 18LY01522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 18LY01522
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-10;18ly01522 ?
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