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10/07/2018 | FRANCE | N°17LY04375

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 10 juillet 2018, 17LY04375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 du préfet de la Haute-Savoie lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1705081 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, et un mémoire complémentaire enregistr

le 25 mai 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 du préfet de la Haute-Savoie lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1705081 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 mai 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport médical établi par les hôpitaux du Léman le 9 janvier 2017 transmis directement à la préfecture de la Haute-Savoie en violation des principes régissant l'instruction d'une demande de titre de séjour formée par un étranger malade ne saurait fonder la décision ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée ;

- en l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine, et eu égard aux circonstances exceptionnelles dont il fait état, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- en l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine, les dispositions du 10° de l'article L. 514-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité kosovare, a sollicité le 1er novembre 2016 la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Par arrêté du 4 août 2017, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement du 27 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 visé ci-dessus, applicable compte tenu de la date d'enregistrement de la demande de M. D... : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence. (...) ". Ces dispositions organisent les modalités selon lesquelles l'administration doit recueillir les informations nécessaires à l'instruction d'une demande de titre de séjour présentée au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ont vocation à garantir, selon les modalités qu'elles énoncent, le respect du secret médical.

3. En présence d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien des dires de l'étranger intéressé, il appartient à l'autorité administrative de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine, sans qu'elle puisse se fonder sur des éléments couverts par le secret médical, sauf si un intérêt public majeur le justifie. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, tout en garantissant les secrets protégés par la loi, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Il lui appartient d'apprécier la légalité d'une décision refusant la délivrance d'un titre sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité préfectorale pouvait ainsi retenir.

4. Le 13 mars 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a été d'avis que l'état de santé de l'appelant nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état devaient être poursuivis pendant une durée minimale de six mois.

5. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de cet avis, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur les conclusions du rapport rédigé le 9 janvier 2017 par le praticien hospitalier prévu à l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011, reçu en préfecture de Haute-Savoie le 27 mars 2017. Toutefois, M. D... n'avait jamais accepté qu'un tel rapport couvert par le secret médical soit soumis au débat contradictoire. Il s'ensuit que la légalité du refus préfectoral ne peut être appréciée au regard de cette pièce. Cela fait également obstacle à la prise en compte de la réponse du conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur, du 12 juin 2017, interrogé par le service immigration et intégration de la préfecture de la Haute-Savoie au vu des informations couvertes par le secret médical mentionnées dans ce rapport. Enfin l'existence, invoquée par le préfet de la Haute-Savoie, d'un document émanant de l'ambassade des Etats-Unis au Kosovo faisant mention de plusieurs hôpitaux comportant un service adapté à la prise en charge de certaines pathologies particulières, n'est pas à elle seule de nature à remettre en cause la présomption d'indisponibilité d'un traitement approprié résultant de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, en l'absence de toute précision émanant de l'intéressé sur la pathologie dont il souffre.

6. Il résulte de ce qui précède que les éléments dont fait régulièrement état le préfet de la Haute-Savoie ne permettent pas de contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé relatif à l'existence, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à l'état de santé de M. D.... Par suite, il n'a pu, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'un tel traitement existait au Kosovo.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de1 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 et l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 4 août 2017 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au préfet de la Haute-Savoie. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bonneville.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de la cour,

M. A... et M. H..., présidents de chambre,

M. F... et Mme I..., présidents assesseurs,

Mme C... et Mme G..., premières conseillères.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

2

N° 17LY04375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 17LY04375
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Instruction des demandes.

Droits civils et individuels - Libertés publiques et libertés de la personne - Secret de la vie privée.

Procédure - Instruction - Preuve.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-10;17ly04375 ?
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