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10/07/2018 | FRANCE | N°16LY02858

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16LY02858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Biozat environnement, M. et Mme E...D..., Mme F...H..., M. et Mme A...B..., M. et Mme G...C..., représentés par la SCP d'avocats Tuffal-Nerson Douarre et associés, ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 par lequel le préfet de l'Allier a autorisé la société Ferme éolienne de Biozat à exploiter des installations de production d'électricité comprenant six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Biozat et de mettre à la cha

rge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Biozat environnement, M. et Mme E...D..., Mme F...H..., M. et Mme A...B..., M. et Mme G...C..., représentés par la SCP d'avocats Tuffal-Nerson Douarre et associés, ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 par lequel le préfet de l'Allier a autorisé la société Ferme éolienne de Biozat à exploiter des installations de production d'électricité comprenant six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Biozat et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500388 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 10 aout 2016 et le 15 mai 2018 sous le n° 16LY02858, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour d'annuler le jugement du 14 juin 2016.

Il soutient que :

- le préfet disposait de suffisamment d'élément pour apprécier les capacités techniques et financières dont disposait le pétitionnaire ;

- les conditions d'exploitation d'un parc éolien sont très spécifiques et justifient un niveau d'exigence moindre concernant les capacités techniques et financières ;

- l'appartenance du pétitionnaire à une société mère de grande envergure et les comptes prévisionnels fournis permettaient de porter une appréciation favorable sur les capacités financières de la société pétitionnaire ;

- l'obligation de constitution de garanties financières avant la mise en service de l'installation garantit la capacité financière concernant le démantèlement et la remise en état atteste de la capacité financière du pétitionnaire ;

- aux termes de l'article L. 553-3 du code de l'environnement la société mère est responsable en cas de défaillance de sa filiale, du démantèlement et de la remise en état du site de l'installation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, l'association Biozat environnement, M. et Mme E...D..., Mme F...H..., M. et Mme A...B..., M. et Mme G...C..., représentés par la SCP Tuffal-Nerson Douarre et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat au versement de 2 000 euros pour chaque défendeur au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur requête est recevable ; qu'en particulier, elle n'est pas tardive et disposent d'un intérêt à agir et/ou d'un mandat ;

- l'arrêté attaqué est illégal dès lors que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter était incomplet ; qu'en effet, les visas de l'arrêté font incomplètement mention des garanties financières de l'exploitant contrairement aux prescriptions de l'article R. 512-5 du code de l'environnement alors que le préfet n'a pas été en état d'apprécier les capacités techniques et financières du demandeur, lequel ne présente au demeurant aucune garantie ; que l'étude d'impact ne répond pas, par ailleurs, aux exigences du I de l'article R. 512-8 dudit code en ce qui concerne les émergences sonores et les illustrations utilisées ;

- l'arrêté attaqué ne détermine pas les conditions de remise en état en cas d'arrêt définitif des éoliennes en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-30 du code de l'environnement ;

- il est également illégal dès lors qu'il autorise l'exploitation d'un parc éolien en violation de la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'ainsi, il ne fixe pas l'ensemble des prescriptions nécessaires pour prévenir les dangers concernant la commodité, la salubrité, la santé et la sécurité des voisins de l'installation ainsi que la conservation des paysages, sites et monument ; qu'au surplus, il ne remplit pas les conditions fixées par le cinquième alinéa de cet article puisque aucune disposition n'a été prise s'agissant d'éventuels dysfonctionnements ou arrêts momentanés ;

- le potentiel éolien de la zone retenue pour l'implantation du parc n'es pas établi par l'exploitant.

Par ordonnance du 2 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2018 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS Ferme éolienne de Biozat a déposé le 27 mars 2013 une demande d'exploitation d'un parc éolien regroupant six aérogénérateurs d'une puissance électrique de 2,3 MW chacun, soit une puissance cumulée de 13,8 MW, sur le territoire de la commune de Biozat ; que par un arrêté du 22 août 2014, le préfet de l'Allier a accordé à cette société l'autorisation sollicitée ; que par le présent recours le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ledit arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité " ; qu'en vertu du 5° de l'article R. 512-3 du même code, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant " ; qu'il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies ; que le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation d'exploiter le parc éolien dont il s'agit a été présentée par la société Ferme éolienne de Biozat, société par actions simplifiée au capital de 37 000 euros et filiale du groupe Volkswind qui en est l'actionnaire majoritaire à hauteur de 70 % ; que la SAS Ferme éolienne de Biozat a précisé dans sa demande que la mise en service du parc projeté implique un investissement de 20 135 320 euros financé, à hauteur de 80 %, soit 16 108 320 euros par un emprunt bancaire et, à hauteur de 20 %, soit 4 027 000 euros, par des capitaux propres ;

4. Considérant, s'agissant de la part du financement par capitaux propres, qu'il ressort des statuts de la SAS Ferme éolienne de Biozat présentés dans la demande d'autorisation qu'elle disposait d'apports d'un montant total de 18 500 euros, correspondant à la libération de la moitié du capital social ; que ces apports, ni au demeurant le capital social une fois reconstitué, ne suffisent à démontrer qu'elle dispose des capacités financières nécessaires pour mener à bien le projet ; qu'elle ne saurait utilement faire valoir, à cet égard, qu'elle est une filiale du groupe Volkswind, constructeur et exploitant de parcs éoliens en France et en Allemagne et que la société Volkswind GmbH détient 70 % de ses parts dès lors qu'en l'absence d'accord exprès sur ce point entre les deux sociétés, tel qu'engagement de caution, lettre d'intention ou convention de trésorerie, elle n'établit pas qu'elle serait en mesure de disposer de ses fonds propres à hauteur de 20 % du projet ;

5. Considérant, s'agissant des 80 % restants financés par le recours à l'emprunt, que la SAS Ferme éolienne de Biozat ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'elle bénéficie d'engagements précis de financement de nature à démontrer qu'elle avait l'assurance de disposer des fonds suffisants pour réaliser son projet ; qu'en se bornant à se prévaloir de ce que le groupe Wolkswind disposerait d'un très fort niveau de confiance auprès des organismes bancaires qui lui ont accordé les financements nécessaires à la construction de six fermes éoliennes en France en 2009 et en se référant aux documents figurant dans le dossier de demande d'autorisation, au demeurant peu détaillés, faisant état des chiffres d'affaires, des résultats, aux bilans et capitaux propres du groupe, le pétitionnaire ne peut être regardé comme ayant apporté les garanties exigées alors, par ailleurs, que la lettre d'intention par laquelle le groupe Volkswind précise mettre à disposition de sa filiale ses capacités techniques et financières au cas où les prêts bancaires seraient refusés en tout ou partie ne peut être réputée constituer un engagement ferme de sa part ;

6. Considérant que l'obligation de constitution de garanties financières avant la mise en service de l'installation n'est susceptible de garantir la capacité financière que pour ce qui concerne le démantèlement et la remise en état ; qu'elle ne saurait garantir la capacité financière concernant l'investissement initial, la maintenance et l'exploitation de l'installation, qui représente plus de 80 % des dépenses du projet ;

7. Considérant que la circonstance que la société mère est responsable en cas de défaillance de sa filiale, du démantèlement et de la remise en état du site de l'installation ne saurait davantage établir que la société pétitionnaire dispose des capacités financières concernant l'investissement initial, la maintenance et l'exploitation de l'installation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 22 août 2014 du préfet de l'Allier ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à payer une somme de 1 000 euros à l'association Biozat Environnement, à M. et Mme E...D..., Mme F... H..., à M. et Mme A... B... et à M. et Mme G... C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est rejeté.

Article 2 : L'État versera à l'association Biozat Environnement, à M. et Mme E...D..., Mme F...H..., à M. et Mme A...B...et à M. et Mme G...C..., une somme totale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, à l'association Biozat environnement, à M. et Mme E...D..., à Mme F...H..., à M. et Mme A...B..., à M. et Mme G...C..., et à la SAS Ferme éolienne de Biozat.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

M. Marc Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

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N° 16LY02858

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02858
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-10;16ly02858 ?
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