Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 juin 2016 par lequel le préfet de l'Ain a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1605639 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, MmeD..., représentée par Me B... y'Ekoko Ngoy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 24 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à défaut une autorisation provisoire de séjour avec droit de travail dans l'attente du réexamen de sa situation, et ce, dans un délai de 48 heures sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder au retrait du signalement aux fins de non-admission dans l'espace Schengen, et ce, dès notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la réponse à son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ; les premiers juges ont, par ailleurs, omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- l'arrêté du préfet de l'Ain est entaché d'un vice d'incompétence ;
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée et méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;
- elle méconnaît les articles L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît l'article L. 512-3, 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a été prise en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par l'appelante n'est fondé.
Par une décision du 28 mars 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme D....
Par une ordonnance du 27 février 2018, l'instruction a été close au 28 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux ;
- les observations de Me B... y'Ekoko Ngoy représentant MmeD... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D..., née le 13 mars 1959, de nationalité marocaine, est entrée une première fois en France en 2003, de manière irrégulière et a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière le 24 avril 2007 ; qu'elle a épousé, le 26 juillet 2008, en France, un ressortissant de nationalité française ; qu'après un séjour de plus d'un an au Maroc, elle est entrée une nouvelle fois sur le territoire français, le 30 septembre 2009, sous couvert d'un visa de long séjour valable du 29 septembre 2009 au 29 septembre 2010 ; qu'à cette date, elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français valable jusqu'au 28 septembre 2011 puis a été placée sous récépissés de demande de titre de séjour jusqu'au 30 juillet 2014, date à laquelle le préfet de l'Ain a refusé le renouvellement de son titre de séjour en raison de l'annulation de son mariage par un jugement du 3 février 2014 du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse ; que par un jugement du 21 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté préfectoral et qu'en exécution de ce jugement, le préfet de l'Ain a délivré à Mme D... un titre de séjour en qualité de conjoint de français valable jusqu'au 16 mars 2016 ; que la cour d'appel de Lyon ayant, par un arrêt du 19 mai 2015, confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, le préfet a l'Ain a, par un arrêté du 24 juin 2016, refusé à l'intéressée le renouvellement de son titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que par un jugement du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de ces décisions ; que Mme D... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que devant le tribunal administratif, Mme D... invoquait un moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui n'est pas inopérant ; que dès lors, en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme D... dirigées contre la décision du préfet de l'Ain lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel, avant de se prononcer par la voie de l'évocation sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;
Sur l'arrêté dans son ensemble :
4. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par Mme Caroline Gadou, secrétaire générale de la préfecture de l'Ain ; que Mme A...bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Ain en date du 16 décembre 2015, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment toutes les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, sous réserve de certaines exceptions parmi lesquelles ne figurent pas les mesures prises en matière de police des étrangers ; que par suite, le moyen infondé tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté ;
Sur le refus de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, que la décision refusant à Mme D... le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, tant au regard des dispositions du 4° de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel l'intéressée avait fondé sa demande de titre de séjour qu'au regard de sa situation personnelle et familiale en France ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 3 du jugement attaqué, qui est d'ailleurs suffisamment motivé sur ce point, le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision tous les éléments caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressée sur le territoire français ; que l'appelante n'établit, en outre, pas en quoi le préfet aurait, en motivant sa décision de refus de séjour sur la circonstance qu'elle n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'accord franco-marocain ", fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts ; que par suite, Mme D..., qui n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité, n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'erreurs de fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent utilement être invoquées à l'encontre d'une décision de refus de séjour prise en réponse à une demande formulée par l'intéressée ; que la circonstance que le préfet, qui a refusé le titre de séjour sollicité sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a également mentionné que Mme D... n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ", révèle seulement que le préfet a fait usage de son pouvoir discrétionnaire en vérifiant, en l'état des éléments portés à sa connaissance, si l'intéressée pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement que celui par elle invoqué, sans pour autant que cette circonstance soit de nature à rendre opérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-1 précité ; qu'il appartenait, en tout état de cause, à Mme D... au cours de l'instruction de sa demande, de faire connaître au préfet, si elle s'y croyait fondée, tout élément nouveau ayant trait à sa situation personnelle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été empêchée de présenter les éléments pertinents de nature à influer sur le sens de la décision contestée ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet de l'Ain d'avoir recueilli ses observations avant de lui opposer un refus de titre de séjour sur un fondement qui n'était pas celui de sa demande, doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que Mme D... soutient qu'elle est entrée régulièrement en France plus de 7 ans avant la date de la décision contestée, qu'elle est bien insérée dans la société française notamment par le travail, que ses attaches familiales sont en France et qu'elle s'occupe au quotidien de sa mère, titulaire d'une carte de résident, en situation de dépendance ; que toutefois, il ressort de pièces du dossier que Mme D... a pu séjourner en France et y travailler sous couvert d'un titre de séjour en raison du mariage qu'elle avait contracté avec un ressortissant français ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a prononcé l'annulation de ce mariage en raison de son caractère frauduleux et que le jugement de ce tribunal a été confirmé par la cour d'appel de Lyon ; qu'en outre, Mme D..., célibataire et sans enfant à charge, est entrée pour la dernière fois en France, à l'âge de 50 ans après avoir passé l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine où elle ne démontre pas être dépourvue de toutes attaches familiales ; qu'en invoquant la circonstance que ses frère et soeur vivent en Espagne et ne peuvent s'occuper de leur mère, elle ne justifie pas du caractère indispensable de sa présence auprès de celle-ci et ce alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'un de ses frères, en situation régulière, réside à proximité de leur mère ; qu'il en résulte que la décision contestée ne porte pas au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle ne méconnaît dès lors ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. " ;
10. Considérant que l'accord franco-marocain renvoie sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail ;
11. Considérant que si Mme D... soutient qu'elle a conclu avec sa mère un contrat de travail à durée indéterminée en tant qu'employée familiale et qu'elle pouvait prétendre à un titre de séjour portant la mention " salarié ", il ne ressort pas des pièces du dossier et ainsi que le fait valoir le préfet de l'Ain en défense, que l'appelante, qui a fondé sa demande de titre de séjour sur sa qualité de conjoint de français, serait titulaire d'une autorisation de travail en France, délivrée dans les conditions fixées par les dispositions précitées du code du travail ; qu'il en résulte que le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en considérant qu'elle ne pouvait pas prétendre à un titre de séjour sur le fondement de cet accord ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. " ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;
13. Considérant, d'une part, que lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive précitée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions du I de l'article L. 511-1 précitées, dans sa version issue de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui a procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, seraient incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de cette directive doit être écarté ;
14. Considérant, d'autre part, que la décision en litige, qui vise les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur laquelle elle se fonde, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle relative au droit au séjour de Mme D... en France, laquelle est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 3 ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté ;
15. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
16. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, cité au point 4 du présent arrêt, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-1 de ce code, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
17. Considérant, en troisième lieu, que Mme D... ne peut utilement invoquer le deuxième alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dispose que l'introduction d'un recours contre l'obligation de quitter le territoire français a par elle-même pour effet de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que le tribunal administratif se soit prononcé, pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
18. Considérant, en dernier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 8, que c'est sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de Mme D..., que le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en considérant qu'elle n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'accord franco-marocain ; qu'il en résulte que le préfet de l'Ain pouvait légalement, sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger Mme D... à quitter le territoire français ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
19. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;
20. Considérant que la décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et précise que Mme D... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qu'elle est entrée en France en 2009 à l'âge de 50 ans, que son mariage avec un ressortissant français a été annulé par décision du juge judiciaire, qu'elle est célibataire et sans enfant à charge et que les liens personnels et familiaux dont elle se prévaut, et notamment la présence régulière de sa mère, titulaire d'une carte de résident, ne sont pas tels que son droit au respect de sa vie privée et familiale aurait été méconnu ; qu'il en résulte que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
21. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 15 et 16 ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2016 du préfet de l'Ain lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office, ni à demander l'annulation de la décision du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605639 du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2017 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... à l'encontre de la décision du préfet de l'Ain du 24 juin 2016 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... devant le tribunal administratif et dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.
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N° 17LY01806