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05/07/2018 | FRANCE | N°15LY03541

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2018, 15LY03541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Ecole normale supérieure de Lyon à lui verser la somme de 127 620 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont il a été victime le 26 septembre 2002 alors qu'il effectuait des travaux de rénovation dans cet établissement.

L'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon a conclu, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées

à son encontre par la société Axima en charge des travaux en vertu d'un marché public.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Ecole normale supérieure de Lyon à lui verser la somme de 127 620 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont il a été victime le 26 septembre 2002 alors qu'il effectuait des travaux de rénovation dans cet établissement.

L'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon a conclu, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la société Axima en charge des travaux en vertu d'un marché public.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé au tribunal de condamner l'ENS de Lyon à lui verser une somme totale de 226 180,44 euros au titre de sa créance.

Par un jugement n° 1202090 du 31 août 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ENS de Lyon à verser à M. E...la somme totale de 86 100 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, d'une part, la somme de 183 355,08 euros correspondant aux frais d'hospitalisation, aux indemnités journalières et à la pension d'invalidité versées à M. E...échus à la date du jugement et, d'autre part, la pension d'invalidité et la rente d'accident du travail qu'elle aura servies à M. E...postérieurement à la date de lecture du jugement, au fur et à mesure qu'elles seront exposées, dans la limite d'un montant annuel de 4 910,88 euros, correspondant au montant annuel de la pension d'invalidité versée à M. E...et dans la limite de 4 565,89 euros correspondant au montant annuel de la rente d'accident de travail. Il a également condamné la société Axima Concept venant aux droits de la société Axima à garantir l'ENS de Lyon à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre par le jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 octobre 2015, le 6 janvier 2016, le 18 juillet 2016 et le 8 février 2017, la société Axima Concept, venant aux droits de la société Axima, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 août 2015 ;

2°) à titre principal, de déclarer irrecevable l'appel en garantie formé par l'ENS de Lyon à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter au fond l'appel en garantie formé par l'ENS de Lyon ;

4°) de mettre à la charge de l'ENS de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- à titre principal, que l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement de relaxe du tribunal de grande instance de Lyon fait obstacle à ce qu'elle soit condamnée à garantir l'ENS de Lyon ;

- à titre subsidiaire, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que le risque explosif était imprévisible, qu'elle a accompli toutes les diligences requises avant l'opération et que l'ENS ne lui a pas délivré une information correcte sur l'atmosphère acide du réduit, le risque d'explosion et l'interdiction d'utiliser une scie électrique.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par MeG..., demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il condamne l'ENS de Lyon à lui verser, d'une part, la somme de 183 355,08 euros correspondant aux frais d'hospitalisation, aux indemnités journalières et à la pension d'invalidité versées à M. E... échus à la date du jugement et, d'autre part, la pension d'invalidité et la rente d'accident du travail qu'elle aura servies à M. E... postérieurement à la date de lecture du présent jugement, au fur et à mesure qu'elles seront exposées, dans la limite d'un montant annuel de 4 910,88 euros, correspondant au montant annuel de la pension d'invalidité versée à M. E... et dans la limite de 4 565,89 euros correspondant au montant annuel de la rente d'accident de travail, et de mettre à la charge de l'ENS de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2017, l'ENS de Lyon, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Axima Concept venant aux droits de la société Axima une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- que le jugement de relaxe du tribunal de grande instance de Lyon n'a pas autorité de chose jugée ;

- que la société Axima ne pouvait ignorer le risque explosif encouru, qu'elle avait reçu des indications suffisamment fermes et précises de sa part et qu'elle n'a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité de son salarié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Rougerie, avocat de la société Axima Concept, et de Me Sorrentino, avocat de l'école normale supérieure de Lyon.

1. Considérant que M. E..., salarié intérimaire de la société Adia Interim, a été mis à la disposition de la société Axima pour réaliser des travaux en matière de ventilation dans les locaux de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon ; que, le 26 septembre 2002, lors de l'exécution de travaux de rénovation au dessus du laboratoire de géochimie, une explosion s'est produite, entraînant pour M. E...des brûlures au cou, au visage et aux membres supérieurs ; que M. E...a demandé la condamnation de l'ENS de Lyon à l'indemniser des préjudices subis et que parallèlement la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a demandé à l'ENS de Lyon le paiement de ses débours ; que, par un jugement du 31 août 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ENS à verser, d'une part, à M. E... une somme de 86 100 euros et, d'autre part, à la CPAM du Rhône une somme de 183 355,08 euros correspondant au remboursement des frais d'hospitalisation, des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versées à M. E... échus à la date du jugement, ainsi que la pension d'invalidité et la rente d'accident du travail qu'elle aura servies à M. E...postérieurement à la date de lecture du jugement, au fur et à mesure qu'elles seront exposées, dans la limite d'un montant annuel de 4 910,88 euros, correspondant au montant annuel de la pension d'invalidité versée à M. E...et dans la limite de 4 565,89 euros correspondant au montant annuel de la rente d'accident du travail ; que la société Axima Concept, venant aux droits de la société Axima, relève appel de ce jugement en tant qu'il condamne la société Axima à garantir l'ENS de Lyon à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'exception de chose jugée par le juge pénal :

2. Considérant que l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif ; que la même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ;

3. Considérant que dans son jugement du 8 décembre 2011, définitif sur ce point, le tribunal correctionnel de Lyon a retenu que " l'information n'a pas rapporté les preuves que la société Axima, entreprise intervenante, avait été informée correctement des risques chimiques d'explosion, sur l'interdiction d'utiliser une scie électrique, sur le caractère acide du réduit ", que " dans ces conditions l'accident dont s'agit ne pouvait entrer raisonnablement dans son champ de prévisibilité " et a renvoyé la société Axima des fins de poursuite ; que ces motifs ne bénéficient pas de l'autorité de la chose jugée dès lors que le juge pénal a estimé que les faits reprochés n'étaient pas établis ; que ce moyen doit par suite être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'appel en garantie :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. F..., établi après réquisition à personne qualifiée en date du 3 octobre 2002 par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête pénale initiée suite à l'accident, que l'explosion du 26 septembre 2002 s'est produite dans une des cellules de la spécialité géo-chimique d'un laboratoire de l'ENS et résulte d'une accumulation " dans l'intervalle des deux plafonds de poussière, de sciure de bois et de vapeurs de perchlorethylène ", alors que la scie électrique, servant à effectuer les ouvertures dans le plancher support, a émis des étincelles résultant du fonctionnement même du moteur électrique, et / ou de l'impact de la lame de scie sur un objet métallique ;

5. Considérant que l'ENS de Lyon et la société Axima ont conclu le 26 décembre 2000 un marché public portant sur trois lots, à savoir la maintenance des installations sanitaires et de traitement de l'eau (1), la maintenance des installations liées au chauffage, à la ventilation et au traitement de l'air (2), et la fourniture d'énergie et la maintenance de la centrale de production (3) ; qu'en application d'un avenant du 8 décembre 2001, la réalisation de travaux ou l'aménagement de locaux ne relevant pas de la maintenance habituelle des bâtiments ont également été confiés à la société Axima ; que cette société, spécialisée notamment dans l'installation et la maintenance des systèmes de ventilation et de climatisation, disposait de deux salariés, un chef de site et un technicien, affectés en permanence au sein de l'ENS de Lyon ; que l'accident est survenu dans le réduit de la salle blanche du laboratoire de géochimie, une pièce particulièrement confinée ; que l'intervention de M. E...sur l'extracteur d'air faisait suite à des plaintes du personnel sur l'atmosphère acide de ce réduit ; que, lors de la visite préalable effectuée conjointement par le chef de site de la société Axima et le responsable du laboratoire de géochimie, des traces d'acide ont été relevées sur la planche devant être retirée pour déplacer l'extracteur d'air ; qu'en présence de ces éléments, et conformément au plan de prévention en vigueur du 1er février 2001 au 1er février 2002, la société Axima aurait dû veiller à ce que le risque d'explosibilité soit mesuré et aurait dû donner des consignes à M. E...sur le matériel spécifique à utiliser pour éviter toute déflagration et s'en protéger ; que, dans ces circonstances, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'ENS aurait dûment informé la société Axima du risque d'explosion ou aurait formellement interdit l'utilisation d'une scie sauteuse électrique pour découper la planche supportant l'extracteur d'air, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de la part de responsabilité incombant à la société Axima dans les dommages causés à M. E...en fixant celle-ci à 60 % ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Axima n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à garantir l'ENS de Lyon à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENS de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, les sommes que demandent la société Axima et la CPAM du Rhône au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

8. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axima une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ENS de Lyon et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Axima est rejetée.

Article 2 : La société Axima versera à l'ENS de Lyon une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la CPAM du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axima Concept venant aux droits de la société Axima, à l'Ecole normale supérieure de Lyon, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à M.A... E....

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme D...et Mme Beytout, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

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N° 15LY03541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03541
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-05-01-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Personnes responsables. Collectivité publique ou personne privée. Action en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-05;15ly03541 ?
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