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28/06/2018 | FRANCE | N°18LY00277

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18LY00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... E... et Mme B... F..., épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions 28 septembre 2017 par lesquelles le préfet de la Drôme leur a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement et a interdit leur retour sur le territoire français pendant trois ans ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de s

éjour.

Par un jugement nos 1705834-1705835 du 29 décembre 2017, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... E... et Mme B... F..., épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions 28 septembre 2017 par lesquelles le préfet de la Drôme leur a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement et a interdit leur retour sur le territoire français pendant trois ans ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour.

Par un jugement nos 1705834-1705835 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a :

- annulé les décisions du préfet de la Drôme du 28 septembre 2017 ;

- enjoint au préfet de la Drôme de délivrer aux demandeurs des titres de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de date de notification du jugement ;

- mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1705834-1705835 du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme E....

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation des intéressés au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il se réfère à ses écritures de première instance pour les autres moyens.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2018, présenté pour M. et Mme E..., ils concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Drôme ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. G...E..., né le 31 décembre 1980, et son épouse, Mme B... F..., née le 8 mai 1981, de nationalité arménienne, déclarent être entrés en France le 21 février 2012 avec leurs enfants mineursA..., né le 19 décembre 2003, et Vanek, né le 28 février 2008. Après le rejet de leurs demandes d'asile, par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 juillet 2012 confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 mars 2013, le préfet de la Drôme, par des décisions du 1er octobre 2012, a refusé de leur délivrer un titre de séjour et a assorti ces refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Les recours formés contre ces décisions ont été rejetés par des jugements du tribunal administratif de Grenoble du 28 mars 2013 puis par des arrêts de la cour du 26 novembre 2013. Par une décision du 22 avril 2015, ledit préfet a obligé M. E... à quitter sans délai de territoire français. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 septembre 2015 puis par un arrêt de la cour du 29 janvier 2016. Par des décisions du 22 avril 2015, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer à Mme E... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays d'éloignement. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 septembre 2015 puis par un arrêt de la cour du 29 janvier 2016. M. et Mme E..., qui se sont maintenus sur le territoire, ont sollicité, le 27 avril 2017, la délivrance de titres de séjour sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Drôme interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 28 juillet 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai d'un mois, fixant la destination d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit, M. et Mme E... se sont maintenus sur le territoire, après le rejet tant par l'OFPRA que par la CNDA des demandes d'asile qu'ils avaient présentées et après les décisions de refus de titre de séjour assorties d'obligation de quitter le territoire français prises par le préfet de la Drôme, en dépit du rejet à plusieurs reprises, tant par le tribunal administratif de Grenoble que par la cour, de leur demandes d'annulation de ces décisions. Dans ces conditions, en se bornant à faire valoir que tous les membres de cette famille résident en France depuis 2012, la scolarisation de leurs deux enfants, leur maîtrise de la langue française ainsi que la circonstance qu'ils vivent dans un logement pour l'occupation duquel ils ont souscrit un bail, leurs relations amicales et l'exercice d'une activité professionnelle lorsqu'ils ont disposé d'une autorisation de séjour, les intimés ne justifient pas d'une circonstance humanitaire exceptionnelle qui permettrait d'estimer que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de les admettre au séjour à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler les décisions de refus de titre en litige et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français, sur le motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard de ces dispositions.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de la demande par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E....

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, les décisions de refus de titre de séjour comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient insuffisamment motivées, au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, reprenant les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des mentions mêmes de la délégation de signature du préfet de la Drôme, établie le 4 septembre 2017, produite au dossier, que cette dernière donne délégation à M. D... C... à l'effet de signer notamment tous les actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture, à l'exception de certains cas parmi lesquels ne figurent pas les refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit, les intimés sont entrés en France en février 2012, un peu plus de cinq ans avant la date des décisions. Aucun des membres de cette famille n'était titulaire d'un titre de séjour à la date des décisions en litige et n'avait vocation à séjourner durablement sur le territoire français. S'ils soutiennent être insérés socialement en France, notamment du fait de leur apprentissage de la langue française, de la scolarisation de leurs enfants, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de leur séjour en France et de l'absence d'attaches familiales sur le territoire français et de la possibilité pour les intéressés de repartir en Arménie, dont ils possèdent la nationalité et où résident, ainsi qu'ils l'avaient mentionné dans leurs demandes d'asile, leurs parents ainsi que des frères et soeurs, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Elles n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, M. et Mme E... ne sauraient, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 en tant qu'elles portent sur la régularisation, à titre gracieux et exceptionnel, d'étrangers en situation irrégulière.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...). "

10. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit M. et Mme E... n'ont pas exécuté les précédentes mesures d'éloignement prise à leur encontre les 1er octobre 2012 et 22 avril 2015. Par suite, ils entraient dans le champ du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, alors même que leur présence ne constituerait aucune menace pour l'ordre public.

Sur la légalité des décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, qui mentionnent les éléments de droit et de fait qui les fondent, sont, par suite, suffisamment motivées.

12. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) ".

13. M. et Mme E..., qui ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, se trouvent dans le cas que prévoit le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit, les intéressés n'ont pas respecté deux précédentes mesures d'éloignement des 1er octobre 2012 et 22 avril 2015. La durée de présence en France des intéressés ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. et Mme E....

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 28 septembre 2017 en litige. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1705834-1705835 du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. et Mme E... et leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à M. G... E... et Mme B... F..., épouse E....

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

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N° 18LY00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00277
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DERBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-28;18ly00277 ?
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