Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 27 mars 2014 par laquelle le président du conseil général de la Drôme l'a licenciée de son emploi d'assistante familiale et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1403309 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision du 27 mars 2014 et mis à la charge du département de la Drôme le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 4 mai 2016, 20 avril 2018, 27 avril 2018 et 25 mai 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le département de la Drôme, représenté par Me D... (E...-D... -F... et Associés), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en l'absence, sur la minute du jugement, de toutes les signatures imposées par les dispositions du code de justice administrative, le jugement du tribunal administratif de Grenoble est irrégulier ;
- il justifie qu'aucun des vingt-trois enfants en attente de placement pendant la période d'attente de Mme B... ne pouvait lui être confié ;
- aucun des autres moyens soulevés par Mme B... devant les premiers juges n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2016, Mme B..., représentée par Me Lamamra, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Drôme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- le département, qui a retenu l'absence d'enfant à lui confier au cours de cette période, ne pouvait légalement se fonder sur le fait qu'elle a refusé, au cours de cette période, d'accueillir deux enfants ;
- le département de la Drôme ne justifie pas que le projet éducatif des mineurs en attente de placement impliquait qu'aucun ne puisse lui être confié au cours de la période du 1er novembre 2013 au 28 février 2014 ;
- le refus de lui confier des enfants est fondé sur un motif autre que celui allégué ;
- elle reprend les moyens qu'elle a soulevés en première instance, tirés de ce que la décision en litige est entachée de vice de procédure, de détournement de pouvoir et de discrimination et de ce qu'elle fait suite à une décision illégale, prise le 2 juillet 2012, de lui retirer les deux enfants qu'elle accueillait.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour le département de la Drôme, et celles de Me Lamamra pour Mme B... ;
1. Considérant que Mme B..., recrutée depuis le 30 août 2002 en qualité d'assistante familiale par le département de la Drôme, a fait l'objet, par décision du président du conseil général de la Drôme du 27 mars 2014, d'une mesure de licenciement pour défaut de placement d'enfant à son domicile pendant plus de quatre mois consécutifs ; que le département de la Drôme relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de Mme B..., annulé cette décision ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ; que, si le département de la Haute-Garonne soutient que le jugement qui lui a été notifié ne comporte pas les signatures requises, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est, conformément aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-7, revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de celle du rapporteur et de celle du greffier d'audience ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. " ; que l'autorité administrative qui décide de licencier un assistant familial auquel elle n'a plus confié d'enfant depuis quatre mois consécutifs, doit justifier devant le juge des raisons d'intérêt général qui l'ont contrainte à ne plus confier d'enfant à la personne concernée ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la période du 1er novembre 2013 au 28 février 2014 précédant son licenciement, le département s'est abstenu de proposer à Mme B... l'accueil d'au moins cinq enfants en attente de placement au motif qu'il s'agissait d'accueils provisoires et que, comme elle l'a d'ailleurs elle-même fait valoir pour justifier son refus, en février 2014, d'accueillir un enfant de quatre ans et demi, son contrat lui donnait vocation à recevoir des enfants de manière permanente ; que, par ailleurs, le département de la Drôme justifie de motifs tenant notamment à l'âge des enfants et à la proximité géographique de leurs centres d'intérêts, l'ayant conduit, au cours de la période considérée, à choisir d'autres assistants familiaux que Mme B... ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que cette dernière a refusé, en novembre 2013, d'accueillir un enfant de seize ans que lui a proposé le département ; que, toutefois, il est constant qu'une fratrie de deux enfants, Mathéo et Léa, a été confiée le 13 novembre 2013 à une autre famille d'accueil ; que, si le département de la Drôme soutient qu'il n'a pas pu confier ces enfants à Mme B... au motif qu'il s'était, dès l'été 2013, orienté vers une autre solution d'accueil pour ceux-ci alors que Mme B... accueillait à cette époque, et au moins jusqu'au 31 octobre 2013, deux autres enfants, Rose et Rayan, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'un dispositif de dérogation, dont Mme B... a d'ailleurs bénéficié dans le passé, permet d'augmenter la capacité d'accueil prévue par l'agrément d'un assistant familial et, d'autre part, que Mme B... avait, dès le mois d'août 2013, fait part au département de ses difficultés à assumer l'accueil des enfants Rose et Rayan, indiquant, par courrier électronique du 10 septembre 2013, qu'elle ne serait pas en mesure de le poursuivre au-delà du 30 septembre, qui était au demeurant la date initialement prévue pour la fin de cet accueil d'urgence estivale ; que, si le département lui a légitimement demandé de poursuivre cet accueil jusqu'au 21 octobre 2013, date prévue de l'audience du juge des enfants, rien ne faisait obstacle, alors que la famille d'accueil pressentie en août 2013 se trouvait elle-même en surcapacité d'accueil à son domicile, situé dans un lieu géographiquement plus éloigné des centres d'intérêts des enfants Mathéo et Léa que celui de Mme B..., à ce que le département examine la possibilité de confier cette fratrie à Mme B... ; que, par suite, le département ne justifiant pas des motifs d'intérêt général qui l'ont conduit à ne pas confier ces enfants à Mme B..., la décision du 27 mars 2014 par laquelle il l'a licenciée faute d'enfant à lui confier pendant une période de quatre mois consécutifs est illégale ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 mars 2014 du président du conseil général prononçant le licenciement de Mme B... ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Drôme le versement d'une somme de 1 000 euros à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas partie perdante, la somme que demande le département de la Drôme au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département de la Drôme est rejetée.
Article 2 : Le département de la Drôme versera une somme de 1 000 euros à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Drôme et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 juin 2018
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N° 16LY01539
mg