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21/06/2018 | FRANCE | N°16LY02081

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2018, 16LY02081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Dijon, à titre principal, de condamner la commune de Perrigny-sur-Armançon à lui régler la somme de 22 282,71 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, assortie des intérêts au taux légal, à titre subsidiaire de condamner cette commune à lui verser la somme de 86 040 euros sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle et à titre infiniment subsidiaire, de la condamner à lui verser la somme de 23 282 euros sur le fondement de

l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1502130 du 28 avril 2016, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Dijon, à titre principal, de condamner la commune de Perrigny-sur-Armançon à lui régler la somme de 22 282,71 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, assortie des intérêts au taux légal, à titre subsidiaire de condamner cette commune à lui verser la somme de 86 040 euros sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle et à titre infiniment subsidiaire, de la condamner à lui verser la somme de 23 282 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1502130 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 15 juin 2016, 28 avril et 30 novembre 2017, M. C..., représenté par la SELARL Edou de Buhren, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 avril 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perrigny-sur-Amançon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les travaux pour lesquels il a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la commune de Perrigny-sur-Amançon sont exclus du champ d'application de la loi du 12 juillet 1985, dite loi MOP ; le contrat de maîtrise d'oeuvre a donc vocation à s'appliquer et il peut prétendre au versement de l'indemnité de résiliation prévue par les stipulations de ce contrat pour un montant de 23 282,71 euros ;

- il n'a commis aucune faute en signant ce contrat ; au contraire, c'est la commune qui est fautive d'avoir conclu un contrat dans des conditions irrégulières et de ne pas avoir défini de programme ni d'enveloppe financière prévisionnelle ;

- la décision de résiliation est illégale car elle est fondée sur la nullité du contrat, or, seul le juge peut prononcer la nullité d'un contrat administratif ;

- il a exécuté des prestations de maîtrise d'oeuvre et notamment un dossier complet présenté aux élus le 20 juin 2005 puis un second le 30 janvier 2012 à la demande la commune ; il a été privé d'une rémunération à ce titre de l'ordre de 10% des travaux soit 86 040 euros HT ;

- il est en tout état de cause bien fondé à demander la condamnation de la commune sur le terrain de l'enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 février et 18 septembre 2017, la commune de Perrigny-sur-Armançon, représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les travaux en cause revêtent le caractère de travaux de réhabilitation au sens des dispositions de la loi du 12 juillet 1985 laquelle s'applique au présent litige ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Dijon ; l'illicéité des clauses contractuelles, en particulier sur le prix des prestations, aboutit à exclure l'application du contrat ; l'appelant ne peut donc prétendre à l'indemnité de résiliation prévue par les stipulations de ce contrat ;

- M. C... n'établit pas avoir réalisé d'autres prestations utiles que celles déjà rémunérées ; sa demande d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ne peut donc qu'être rejetée ;

- contrairement à ce que l'appelant affirme, il n'a subi aucun appauvrissement corrélatif à l'enrichissement de la commune dès lors qu'il n'a effectué aucune prestation au titre de la deuxième partie du contrat relatif à la maîtrise d'oeuvre mais s'est borné à effectuer des études pour lesquelles il a été rémunéré ;

- en tout état de cause, la faute à l'origine de la nullité du contrat a été commise par l'architecte lui-même.

Par une ordonnance du 30 novembre 2017, l'instruction a été close au 15 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeB..., représentant M. C...et celles de Me D...représentant la commune de Perrigny sur Armancon ;

1. Considérant que la commune de Perrigny-sur-Armançon et M. C..., architecte du patrimoine, ont conclu, le 27 septembre 2004 un contrat de maîtrise d'oeuvre concernant des " travaux de grosses réparations à réaliser sur l'église Saint-Martin " ; que ce contrat, conclu hors du champ d'application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, prévoyait la réalisation par M. C... d'une étude générale pour un montant forfaitaire de 4 500 euros hors taxe (HT) ainsi que des missions de maîtrise d'oeuvre complémentaires liées à l'exécution des travaux pour un montant HT calculé au taux de 10 % du montant HT des travaux ; que les prestations d'études ont été réalisées et payées pour un montant de 5 471,70 euros toutes taxes comprises ; que si la commune de Perrigny-sur-Armançon a envisagé la réalisation d'une première tranche de travaux à compter de 2011 et elle a finalement décidé, le 13 octobre 2014, de résilier le contrat conclu avec M. C... au motif qu'il avait été passé en méconnaissance des règles de passation des marchés publics, faute d'avoir été précédé de publicité et de mise en concurrence ; que M. C... a demandé à la commune le versement de l'indemnité contractuelle de résiliation puis a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande de condamnation de la commune de Perrigny-sur-Armançon à lui verser la somme de 23 282,71 euros au titre de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux légal, ou celle de 86 040 euros sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ou celle de 23 282 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la commune ; que par un jugement du 28 avril 2016, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au versement de l'indemnité de résiliation prévue par le contrat de maîtrise d'oeuvre :

2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

3. Considérant que pour écarter l'application du contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la commune de Perrigny-sur-Armançon et M. C..., le tribunal administratif de Dijon a considéré que ce contrat entrait dans le champ d'application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et que le contenu de ce contrat était illicite dès lors qu'il ne respectait pas les prescriptions de cette loi portant sur la détermination de la rémunération du maître d'oeuvre ; que M. C..., qui soutient que les travaux envisagés sur l'église Saint-Martin de Perrigny-sur-Armançon étaient qualifiables de grosses réparations et non des travaux de réhabilitation, conteste l'application de la loi du 12 juillet 1985 au contrat en litige ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1985 : " Les dispositions de la présente loi sont applicables à la réalisation de tous ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure ainsi qu'aux équipements industriels destinés à leur exploitation " ; qu'il en résulte que sont exclus du champ d'application de cette loi notamment les travaux ponctuels de gros entretiens ou de grosses réparations n'entraînant aucune modification de l'ouvrage existant ;

5. Considérant qu'il ressort des écritures de l'appelant que la commune de Perrigny-sur-Armançon a pris contact avec M. C... en 2004 pour lui " demander son avis sur les travaux à réaliser sur l'église Saint-Martin " ; que M. C... s'est rendu sur place le 7 juin 2004 et a adressé, le 25 juin suivant, une proposition de contrat portant non seulement sur la réalisation d'une étude générale mais aussi sur des prestations de maîtrise d'oeuvre complémentaires liées à l'exécution de marchés de travaux ; que le dossier d'études remis par M. C... le 20 juin 2005 comprenait un programme prévisionnel des travaux décomposés en 7 tranches pour un montant total de 860 402,44 euros HT portant sur la réfection des charpentes et couvertures, la réalisation d'un drainage périphérique avec reprises des murs enterrés et réseau collecteur des eaux pluviales, les ravalements extérieurs et intérieurs de la nef, du choeur et des chapelles latérales ; que ces travaux, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été de simples travaux de remise en état sans modification de l'existant, et dans la mesure où il était par ailleurs prévu la création d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales, sont, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Dijon des travaux de réhabilitation d'un ouvrage ancien entrant dans le champ d'application de la loi du 12 juillet 1985 ;

6. Considérant que, eu égard au caractère illicite du contenu du contrat, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Dijon, faisant application des principes rappelés au point 2 et sans que l'appelant le conteste, a écarté l'application du contrat conclu entre la commune de Perrigny-sur-Armançon et M.C..., pour rejeter les conclusions de ce dernier tendant au versement de l'indemnité de résiliation prévue par les stipulations contractuelles ;

Sur les conclusions fondées sur la responsabilité extracontractuelle de la commune :

7. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un fondement quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où le contrat est écarté en raison d'une faute de l'administration, le cocontractant de l'administration peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que, saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice ; que toutefois, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après la remise de son étude générale par M. C..., aucun des travaux prévus n'a été engagé ; que M. C... a, pour la réalisation de cette mission, perçu la somme de 5 471,70 euros TTC ; que s'il soutient qu'il a dû reprendre son étude à compter de 2011, à la demande de la commune de Perrigny-sur-Armançon, il résulte de l'instruction qu'il a fait de nouveau parvenir à la commune son étude de 2005, pour laquelle il avait déjà été rémunéré forfaitairement, avec seulement quelques mises à jour ; que l'appelant n'établit pas que les travaux qu'il aurait réalisés auraient constitué des dépenses utiles à la collectivité ; qu'il ne peut donc, en tout état de cause, prétendre au versement d'une somme de 88 040 euros HT correspondant à 10 % du coût prévisionnel des travaux qu'il avait proposés mais qui n'ont pas été validés par la commune ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que M. C... ne peut davantage prétendre, sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle, au paiement de la somme de 23 282 euros correspondant au montant de l'indemnité de résiliation prévue par le contrat entaché de nullité ; que cette somme ne peut être regardée, contrairement aux affirmations de l'appelant, comme une dépense utile à la collectivité ;

10. Considérant, en dernier lieu, que M. C... ne peut pas davantage prétendre au versement de ces sommes sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elles correspondraient à des dépenses qu'il aurait exposées pour l'exécution du contrat entaché de nullité ; qu'au surplus, la faute imputée à la commune pour n'avoir pas fait précéder la conclusion du contrat des mesures de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics ne constitue pas la cause directe du préjudice invoqué par l'appelant, qui procède de la nullité du contrat en raison de son contenu illicite ; qu'en outre, si M. C... soutient que la commune a également commis une faute en signant le contrat litigieux sans avoir défini d'enveloppe financière prévisionnelle affectée aux travaux, il résulte de l'instruction que contacté par la commune de Perrigny-sur-Armançon pour obtenir son avis sur les travaux à réaliser sur l'église Saint-Martin, M. C... a, le 25 juin 2004, proposé la conclusion d'un contrat non seulement pour la réalisation de l'étude générale demandée par la commune mais aussi pour la réalisation de prestations complémentaires de maîtrise d'oeuvre portant sur les marchés de travaux, dont le contenu était illicite ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Dijon, cette faute commise par l'intéressé constitue la seule cause directe du préjudice subi par M. C... ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ;

Sur les frais liés à l'instance :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... dirigées contre la commune de Perrigny-sur-Armançon qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C..., le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Perrigny-sur-Armançon sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la commune de Perrigny-sur Armançon une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à la commune de Perrigny-sur-Armançon.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

6

N° 16LY02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02081
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL EDOU - DE BUHREN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-21;16ly02081 ?
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