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14/06/2018 | FRANCE | N°17LY01645

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 17LY01645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les Bluets Bourgeonne a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403823 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, la SCI Les Bluets Bourgeonne, représentée par Me Berder, avocat, demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les Bluets Bourgeonne a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403823 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, la SCI Les Bluets Bourgeonne, représentée par Me Berder, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de vérification de comptabilité réalisée par un service territorialement incompétent est irrégulière ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas justifiés ;

- elle n'exerce pas une activité de marchand de biens et ne peut être soumise à l'impôt sur les sociétés dans la mesure où elle relève des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts ;

- le profit sur le Trésor n'est pas justifié ;

- les résultats et les charges qu'elle a déclarés sont corrects ;

- dès lors qu'elle ne relève pas de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de revenus distribués se trouve sans fondement juridique ; cette imposition est en outre injustifiée ;

- les intérêts de retard ne sont pas plus justifiés que les redressements en matière d'impôt sur les sociétés ;

- il en est de même de la majoration de 10 % pour défaut de souscription de déclaration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante a été destinataire d'une décision expresse de rejet le 5 juin 2014 ;

- la brigade départementale de vérification de Saône-et-Loire était compétente pour engager la vérification de comptabilité de la société ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont justifiés ;

- la requérante, qui exerce une activité immobilière avec intention spéculative, doit être regardée comme exerçant une activité commerciale ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée étant fondés, il en est de même du profit sur le Trésor ;

- les charges d'exploitation non admises en déduction ne sont pas justifiées ;

- la requérante étant assujettie à l'impôt sur les sociétés, les distributions notifiées sont justifiées ;

- l'intérêt de retard a été appliqué à bon droit ;

- la société n'a pas souscrit sa déclaration de résultat dans les délais légaux, ce qui justifie l'application de la majoration de 10 %.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Les Bluets Bourgeonne est détenue à hauteur de 50 % par la SARL Cinc, de 25 % par M. A... B... et de 25 % par M. C... B.... Elle a pour activité l'acquisition, la réhabilitation d'immeubles et plus généralement toutes opérations mobilières, immobilières ou financières s'y rattachant. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2010 au 31 décembre 2011. A l'issue de ce contrôle, son activité ayant été requalifiée en activité commerciale, elle a été assujettie à l'impôt sur les sociétés. Des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été également notifiés. La SCI Les Bluets Bourgeonne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. La SCI Les Bluets Bourgeonne persiste à présenter des conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a fait l'objet, alors que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables de telles conclusions au motif que les impositions contestées n'avaient pas fait l'objet d'une réclamation présentée par le contribuable à l'administration. En appel, la requérante ne conteste pas l'irrecevabilité de telles conclusions prononcées par les premiers juges. Il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée à la requérante par le tribunal administratif. Par suite, ses conclusions d'appel tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

3. En premier lieu, en vertu du I de l'article 239 ter du code général des impôts : " Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés. ". Ces dispositions limitent l'exemption d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent aux sociétés civiles qui réalisent uniquement des opérations de construction en vue de la vente.

4. Il résulte de l'instruction que la SCI Les Bluets Bourgeonne a pour objet statutaire l'acquisition d'immeubles et notamment l'acquisition du bâtiment de l'ancienne maternité de la clinique générale de Bourgogne à Saint-Rémy ainsi que la réhabilitation de ladite maternité en vue de la revente de trente-six logements locatifs sociaux à la société SCIC Habitat Bourgogne située 11 rue du colonel Marchand à Dijon. Au regard de ces disposions statutaires qui n'ont pas pour objet exclusif des opérations de construction en vue de la vente, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplit les conditions pour bénéficier du régime fiscal dérogatoire défini par l'article 239 ter du code général des impôts. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, que l'administration aurait reconnu à la société requérante le statut de société civile de construction-vente relevant de ces mêmes dispositions.

5. En second lieu, aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) " et aux termes de l'article 206 du même code, dans sa version applicable aux impositions en litige : " (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel.

6. L'intention spéculative de revendre qui était celle de la société lors de l'acquisition du terrain découle directement de l'objet social en vue duquel elle a notamment été constituée et qui impliquait l'acquisition du bâtiment de l'ancienne maternité de la clinique générale de Bourgogne à Saint-Rémy et sa réhabilitation en vue de sa revente en logements.

7. La condition d'habitude à laquelle est subordonnée l'application des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts, s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. Lorsque les associés qui jouent un rôle prépondérant ou bénéficient principalement des activités de la société sont des personnes qui se livrent elles-mêmes, de façon habituelle, à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles, la société étant l'un des instruments d'une activité d'ensemble entrant dans le champ d'application du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, doit être réputée remplie la condition d'habitude posée par ce texte.

8. Il résulte de l'instruction que la SARL Cinc, associée prépondérante de la SCI Les Bluets Bourgeonne a procédé, entre 2004 et 2010, à l'achat et à la revente de plusieurs biens immobiliers en se prévalant de la qualité de marchand de biens qu'elle a déclarée à compter de 2008 au service des impôts des entreprises de Lyon Bron et en sollicitant le bénéfice du régime spécial des achats en vue de la revente, prévu aux articles 1115 et 1020 du code général des impôts. En se fondant sur le nombre de ses transactions immobilières conduites pendant plusieurs années, l'administration établit la condition d'habitude posée par l'article 35 précité.

9. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

10. Aux termes de l'article L. 45-0 A du livre des procédures fiscales : " Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du code général des impôts, lorsque le lieu de déclaration ou d'imposition d'un contribuable a été ou aurait dû être modifié, les agents des impôts compétents à l'issue de ce changement peuvent également assurer l'assiette et le contrôle de l'ensemble des impôts ou taxes non atteints par la prescription ". Aux termes de l'article 38 de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " IV. les déclarations et les documents qui y sont joints doivent être remis en double exemplaire au service des impôts du siège de la direction de l'entreprise ou, à défaut, du lieu du principal établissement. Par dérogation au premier alinéa : (...) 2° les sociétés ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente et dont l'activité porte sur un seul immeuble ou groupe d'immeubles souscrivent cette déclaration auprès du service des impôts du lieu de situation des constructions (...) ". Enfin, aux termes de l'article 350 terdecies de la même annexe, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps de catégorie A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personnes de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement ".

11. La société requérante soutient que la vérification de comptabilité a été engagée par un service des impôts territorialement incompétent et que cette compétence n'appartenait qu'au service des impôts de Caluire-et-Cuire (Rhône) dans le ressort duquel se situait son siège social. Il résulte toutefois des dispositions précitées du IV de l'article 38 de l'annexe III et de l'article 350 terdecies de la même annexe que les sociétés ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente et dont l'activité porte sur un seul immeuble ou groupe d'immeubles souscrivent leur déclaration de résultat auprès du service des impôts du lieu de situation des constructions. Selon les dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au même code, les agents de ce service sont territorialement compétents pour procéder notamment aux vérifications de comptabilité intéressant ces sociétés.

12. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 1er octobre 2010, la société requérante a déclaré effectuer une activité de vente en l'état futur d'achèvement sur la commune de Saint-Rémy (71100) et a opté pour l'assujettissement sur les encaissements pour l'immeuble situé sur le territoire de cette commune. Ainsi, la société requérante devait déposer ses déclarations de résultats auprès du centre des impôts de Chalon-sur-Saône, lieu de situation de l'ensemble immobilier. Par suite, la deuxième brigade départementale de vérification de Saône-et-Loire était territorialement compétente pour engager la vérification de comptabilité de la société au titre de l'exercice en litige.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

13. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que le profit sur le Trésor d'un montant de 5 688 euros ne serait pas justifié doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

14. En deuxième lieu, la requérante ne justifie pas plus en appel qu'en première instance que les dépenses de 30 000 euros et de 20 455 euros correspondant respectivement à des honoraires versés à M. A... B..., son gérant, et à un régularisation de taxe sur la valeur ajoutée, dont la déduction a été remise en cause par l'administration, seraient justifiées dans leur principe et dans leur montant.

15. En troisième lieu, dès lors qu'aucune imposition n'a été mise à la charge de la société requérante au titre de revenus distribués, le moyen tiré de ce que l'administration ne démontrerait pas l'existence de distributions au profit de ses associés doit être écarté comme inopérant.

16. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les intérêts de retard et la majoration de 10 % ne seraient pas justifiés, en se prévalant de la circonstance qu'elle ne serait pas assujettie à l'impôt sur les sociétés.

17. Il résulte de ce qui précède que la SCI Les Bluets Bourgeonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Les Bluets Bourgeonne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Bluets Bourgeonne et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

7

N° 17LY01645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01645
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : AEQUALYS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-14;17ly01645 ?
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