La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2018 | FRANCE | N°17LY03730

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17LY03730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence, ou, à titre subsidiaire, de rée

xaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702840 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017, MmeE..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du 17 février 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit en France depuis neuf ans, qu'elle y a tissé des liens amicaux intenses, qu'elle est hébergée par sa soeur qui réside en France durablement et qu'elle est bien intégrée ; elle a obtenu un contrat de travail avec la société Polyser en date du 1er juin 2016 ; elle est la mère de deux enfants nés en France ; la décision a pour effet de la séparer de ses enfants, de sa soeur et de ses amis ; si elle a une fille en Algérie, elle n'a plus de lien avec elle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les motifs indiqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur chacune des conditions légales et cumulatives ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation pour les motifs précédemment explicités à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de MmeE....

Il soutient que :

- la requérante se maintient irrégulièrement en France au mépris des mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet ;

- Mme E...a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de quarante-huit ans et elle y a une fille ;

Par ordonnance du 13 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2018.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

1. MmeE..., ressortissante algérienne née le 26 février 1962, est entrée en France le 31 août 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'elle a déposé une demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 août 2008 ; que, le 2 avril 2010, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitte le territoire français ; que, le 23 juillet 2013, le préfet du Rhône a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2013 ; que, le 28 octobre 2014, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour et, par décisions du 1er juin 2015, le préfet du Rhône a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 février 2016 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 novembre 2016 ; que, le 4 juillet 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sur le fondement du 5 de l'article 6 et du 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ; que, par décisions du 17 février 2017, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que Mme E...relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance..." et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

3. Considérant que Mme E...fait valoir qu'elle vit en France depuis neuf ans, qu'elle est hébergée par sa soeur, qu'elle est la mère de deux enfants nés en France, qu'elle travaille et est bien intégrée ; que, toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, la requérante a résidé pendant 46 ans en Algérie jusqu'à son arrivée en France en août 2008 ; qu'elle a fait l'objet, antérieurement aux décisions critiquées du 17 février 2017, de trois refus de délivrance de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment une de ses filles et alors qu'elle n'apporte aucun élément quant à la naissance et la présence en France de deux enfants ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir d'un contrat de travail non visé par les autorités compétentes ; qu'ainsi, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet du Rhône en adoptant la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; que, dans les circonstances susrappelées, Mme E...n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ni de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que les moyens invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

5. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision faisant obligation à Mme E...de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

6. Considérant que les moyens invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ayant été écartés, Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

9. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;

10. Considérant que si Mme E...soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée, il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet, après avoir rappelé l'ensemble des critères susmentionnés, relève que l'intéressée est entrée en France en 2008 à l'âge de 46 ans afin d'y présenter une demande d'asile, qui a été rejetée, qu'elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, et qu'elle a fait l'objet de trois décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français ; que la décision contestée comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée et ne saurait être regardée comme insuffisamment motivée au seul motif qu'elle ne précise pas que l'intéressée ne constitue pas une menace pour l'ordre public, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, le préfet n'est pas tenu d'en faire mention lorsque, comme en l'espèce, il ne retient pas cette circonstance ;

11. Considérant que, pour les motifs énoncés au point 10, le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de Mme E...cette mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et en fixer la durée à deux ans, alors même que sa présence ne constituait pas une menace à l'ordre public ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfecture du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mmes B...etC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

2

N° 17LY03730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03730
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BEY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-07;17ly03730 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award