La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2018 | FRANCE | N°17LY03729

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17LY03729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, à compter de la notification du jugement sous a

streinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1704419 du 3 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1704419 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a plus aucun membre de sa famille en Algérie ; il vit en France depuis huit ans et il dispose de contacts, d'opportunités et de relations en France ; il est bien intégré compte tenu de ses promesses d'embauche ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité affectant la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est parfaitement intégré et dispose de liens amicaux et professionnels ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité affectant la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été informé qu'il fera l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

- le préfet n'a pas tenu compte des quatre critères fixés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est bien intégré et qu'il dispose de liens amicaux et professionnels en France ;

Par un mémoire en défense, non communiqué, enregistré le 17 avril 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à son mémoire de première instance.

M. B...n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 6 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le réglement (CE) N°1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;

- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 20 avril 1967, est entré en France le 2 avril 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que, le 20 avril 2009, il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée, le 18 septembre 2009, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'à la suite de son mariage, le 5 décembre 2009 avec une ressortissante française, il a obtenu un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 15 décembre 2009 au 14 décembre 2010 ; que, le 17 novembre 2010, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, le 29 septembre 2011, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 1er mars 2012 ; que, le 2 octobre 2012, M. B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis a) de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ; que, le 13 août 2013, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon le 26 novembre 2013 ; que, le 26 mars 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 30 juin 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que la légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 29 avril 2016 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 15 décembre 2016 ; que, par une nouvelle demande en date du 29 septembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, par des décisions du 11 mai 2017, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois ; que M. B...relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que si M. B... invoque la durée de sa présence en France et son insertion, notamment professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il se maintient depuis plusieurs années de façon irrégulière en France ; que les membres de sa famille résident en Algérie ; qu'il ne justifie pas de l'existence de liens amicaux ou familiaux stables et anciens en France ; que si le requérant se prévaut de son insertion professionnelle compte tenu de ce qu'il a travaillé comme peintre dans une entreprise de décembre 2009 à février 2010 et de ce qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, cette volonté d'intégration ne saurait suffire à établir que la décision contestée porterait à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que les moyens tirés de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

5. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 3, le moyen que soulève M. B...au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle, doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. /.L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire./.Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. /.Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. /.Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. /.Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans./.L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ;

8. Considérant que l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;

9. Considérant que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois prononcée à l'encontre de M. B...vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est motivée par le rejet de sa demande d'asile, son maintien en situation irrégulière en France à la suite de trois décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire et par l'absence d'une vie privée et familiale stable et intense ; que le préfet du Rhône a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de l'intéressé et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour ; que le préfet du Rhône qui, après prise en compte des critères précités, n'a pas retenu la circonstance que M. B...représenterait une menace pour l'ordre public, n'était pas tenu de le préciser expressément ;

10. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...soutient qu'il n'a pas été informé de ce qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, la méconnaissance de cette obligation d'information qui n'a trait qu'à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de leurs données à caractère personnel, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la présence de M. B...sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public ne fait pas obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères, justifie légalement, dans son principe et sa durée, une telle mesure ; qu'ainsi qu'il a été dit, M. B...a fait l'objet de trois précédents refus de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français ; qu'en outre, il est célibataire et sans enfant à charge ; qu'ainsi et alors même que l'intéressé résidait en France depuis plusieurs années et qu'il pourrait occuper un emploi, le préfet a pu légalement prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois ; que, par suite, sa décision n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

6

N° 17LY03729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03729
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BEY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-07;17ly03729 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award