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07/06/2018 | FRANCE | N°16LY02978

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 16LY02978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 octobre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Loire du 7 avril 2014 refusant d'autoriser la société Ipackchem à le licencier pour inaptitude et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1409756 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 octobre 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Loire du 7 avril 2014 refusant d'autoriser la société Ipackchem à le licencier pour inaptitude et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1409756 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 24 août 2016 et 31 août 2017, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 3 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la société Ipackchem une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- qu'une décision implicite de rejet de son recours hiérarchique est intervenue le 4 octobre 2014 ;

- que la compétence du signataire de la décision du 3 octobre 2014 n'est pas justifiée ;

- que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat au motif que l'inaptitude médicale était établie ;

- qu'en présence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat, l'autorisation de licenciement aurait dû être refusée ;

- que son employeur n'a pas rempli ses obligations en matière de reclassement dès lors qu'il lui incombait d'interroger de nouveau le médecin du travail sur la compatibilité du seul poste proposé avec son état de santé, qu'il existait des postes disponibles au sein de l'entreprise et qu'il n'a pas opéré des recherches sérieuses au sein du groupe auquel l'entreprise appartient.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 janvier 2017 et 8 septembre 2017, la société Ipackchem, représentée par Me de la Brosse, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de mettre à la charge de M. E...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir :

- que la requête d'appel, qui est une reproduction intégrale de la demande de première instance, est irrecevable ;

- qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Collomb-Lefevre, avocat de la société Ipackchem.

1. Considérant que la société Boxmore Emballage, devenue la société Chesapeake Plastics et désormais dénommée Ipackchem, fabrique des emballages en plastique ; que M. E... a été recruté par la société Boxmore en qualité d'opérateur en 3x8 le 1er octobre 1999, avant de devenir conseiller qualité en 3x8 le 1er janvier 2002 ; qu'il a été élu membre titulaire de la délégation unique du personnel en 2007 et réélu le 22 juillet 2013 ; que le médecin du travail l'a déclaré inapte au travail de nuit par avis des 19 novembre et 3 décembre 2013 ; qu'après consultation du comité d'entreprise le 3 février 2014, la société Chesapeake Plastics a sollicité l'autorisation de le licencier le 14 février 2014 ; que l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de la Loire a refusé d'autoriser son licenciement par une décision du 7 avril 2014 ; que, saisi d'un recours hiérarchique par la société Chesapeake Plastics devenue la société Ipackchem, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. E... par une décision du 3 octobre 2014 ; que M. E...relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail :

2. Considérant que si le mémoire introductif d'appel de M. E... reprend pour l'essentiel sa demande de première instance, il n'en reprend pas exclusivement les termes mais comporte de nouveaux développements relatifs à la mise en examen de la société Chesapeake, en page 8 ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail et tirée du défaut de motivation de la requête doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision du ministre du travail :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ;

4. Considérant que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude ; que toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale ; que, par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée ; que le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport ;

5. Considérant que, par avis du médecin du travail des 19 novembre 2013 et 3 décembre 2013, M. E...a été déclaré inapte au travail de nuit et donc inapte au poste de conseiller qualité en 3 x 8 qui était le sien depuis le 1er janvier 2002 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...exerçait activement son mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel et était en conflit avec son employeur au sujet de la rémunération de ses heures de délégation ; qu'étant reconnu travailleur handicapé, il a sollicité par courrier du 1er mars 2011 un poste de jour et non plus en cycle 3 x 8 ; qu'en juillet 2011 s'est libéré un poste de conseiller qualité en journée, sur un horaire 7h30-16h30 ; que ce poste n'a pas été proposé à M. E..., sans que la société Chesapeake n'en donne les raisons objectives, malgré la demande de l'inspecteur du travail en ce sens ; que si, en novembre 2011, la société Chesapeake a décidé de créer un second poste de conseiller qualité en journée et l'a proposé à M.E..., celui-ci l'a légitimement refusé dès lors que le poste proposé comportait des horaires injustifiés, d'abord 15h-23h, puis 13h30-18h et 18h30-21h30, horaires différents de ceux du poste de conseiller qualité en journée existant et ne correspondant pas aux besoins du service ou comportant une pause repas non rémunérée ; que, d'ailleurs, l'organisation du service qualité comprenait à la date de la décision du ministre en litige deux postes de conseiller qualité en journée dont les horaires étaient totalement différents de ceux du poste proposé à M. E... en novembre 2011 ; qu'en refusant d'attribuer un véritable poste de conseiller qualité en journée à M.E..., la société Chesapeake détient une part de responsabilité dans l'inaptitude de celui-ci, comme l'a d'ailleurs admis le ministre du travail dans sa décision ; que, faute de raison objective de nature à justifier un tel refus, l'autorisation de licenciement sollicitée apparaît ainsi en lien avec le mandat détenu par M.E... ; que la décision du ministre du travail du 3 octobre 2014 accordant l'autorisation de licenciement doit par suite être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ipackchem une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens ;

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Ipackchem au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 2016 et la décision du ministre du travail du 3 octobre 2014 sont annulés.

Article 2 : La société Ipackchem versera à M. E... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Ipackchem tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la société Ipackchem et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme A...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

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N° 16LY02978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02978
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PEYRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-07;16ly02978 ?
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