Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société alpine d'isolation thermique a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 août 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section de l'unité territoriale de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement de M. B...D..., ainsi que la décision du 22 janvier 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1401509 du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique respectivement enregistrés le 5 août 2016 et le 14 novembre 2017, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société alpine d'isolation thermique en première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'inspecteur du travail a mené son enquête dans le respect du contradictoire ;
- les différents faits qui lui sont reprochés ne lui sont pas exclusivement imputables, ne sont pas fautifs ou pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec les mandats qu'il détenait alors.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2016, la société alpine d'isolation thermique, représentée par C'M'E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail n'a pas mené son enquête dans le respect du contradictoire ;
- les faits reprochés à M. D...sont fautifs et suffisamment graves pour justifier son licenciement ;
- la demande d'autorisation de licenciement n'est pas en lien avec les mandats qu'il détenait alors.
Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2017, le ministre du travail demande à la cour de faire droit aux conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 présentées par M.D....
Il indique qu'il s'associe aux moyens présentés par M.D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Charoin, avocat de M.D..., et de Me Brachet, avocat de la société alpine d'isolation thermique.
1. Considérant que M. D...a été recruté par la société alpine d'isolation thermique en contrat à durée indéterminée le 19 août 1991, en qualité d'échafaudeur ; que M. D... a été élu délégué du personnel titulaire et membre titulaire du comité d'entreprise le 9 juillet 2010 ; que, par un courrier du 18 mars 2013, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute, qui s'est déroulé le 18 avril 2013 ; que le comité d'entreprise a été consulté sur son licenciement lors d'une réunion qui s'est tenue le 14 mai 2013 ; que, le 22 mai 2013, la société alpine d'isolation thermique a saisi l'inspecteur du travail de la 9ème section de l'unité territoriale de l'Isère d'une demande d'autorisation de licenciement de M. D... qui lui a été refusée par une décision du 5 août 2013 ; que, le 4 octobre 2013, elle a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui l'a rejeté par une décision du 22 janvier 2014 ; que M. D... relève appel du jugement du 13 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions à la demande de la société alpine d'isolation thermique ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
En ce qui concerne l'existence de fautes de nature à justifier un licenciement :
Quant à la matérialité et au caractère fautif des faits reprochés :
3. Considérant, en premier lieu, que M.D..., en sa qualité de chef d'équipe échafaudeur, a dirigé le montage de l'échafaudage sur le chantier de la société Air Liquide à Crolles les 4 et 5 février 2013 ; que, le 5 février 2013, il a signé le bon de réception de l'échafaudage et ainsi autorisé sa mise en service ; que, le 11 février 2013, le contrôle de conformité de l'échafaudage établi par l'APAVE a relevé l'existence de cinq anomalies, notamment la présence de planches non clouées, l'absence de plinthes, une hauteur des garde-corps insuffisante et des clous saillants sur certaines planches ; que M.D..., eu égard à ses fonctions de chef d'équipe, doit réceptionner et mettre à la disposition du client un échafaudage conforme à son utilisation ; que sa formation relative à la réception et à la conformité des échafaudages était par ailleurs en cours de validité à la date des faits et qu'au demeurant, il n'allègue pas que les anomalies pointées par l'APAVE concerneraient des recommandations qui auraient évolué récemment et qui n'auraient pas été portées à sa connaissance ; qu'à supposer même qu'il n'ait pas participé à la préparation du matériel et n'ait pas pu repérer les lieux avant les opérations de montage, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait signalé à sa hiérarchie des anomalies dans la préparation du chantier ou qu'il aurait subi des contraintes matérielles ou de délai l'empêchant de monter un échafaudage conforme à sa destination ; que les faits reprochés à M. D...sont ainsi établis et constituent de la part du salarié un manquement fautif à ses obligations professionnelles ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la société reproche également à M. D...d'avoir laissé un coffret électrique sous la pluie dans la benne ouverte d'une camionnette dans la nuit du 8 avril 2013, le rendant ainsi inutilisable ; qu'en sa qualité de chef d'équipe échafaudeur, et même en l'absence de consignes expresses à ce sujet, il appartenait à M. D...de veiller à la bonne conservation du matériel qui lui était confié ; que si ce matériel comportait déjà des anomalies, M. D...n'allègue pas qu'il ne fonctionnait plus et n'allègue pas davantage avoir signalé lesdites anomalies à sa hiérarchie ; que les faits reprochés à M. D...sont ainsi établis et constituent de la part du salarié un manquement fautif à ses obligations professionnelles ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la société reproche enfin à M. D...d'avoir délibérément refusé d'apporter son matériel le 11 avril 2013 malgré un contrôle opéré par sa hiérarchie la veille lui rappelant cette obligation ; que cet acte d'insubordination, dont la réalité est attestée par le témoignage du chef de production, constitue une faute disciplinaire ;
Quant à la gravité des faits reprochés :
6. Considérant qu'antérieurement aux faits reprochés , M. D...a déjà été sanctionné à trois reprises pour des faits similaires ; qu'il a ainsi fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une journée le 2 décembre 2010 pour un retard de présentation sur le chantier Minimax au Cheylas, d'une mise à pied de trois jours les 19, 20 et 21 avril 2011 pour des malfaçons dans le montage de l'échafaudage sur le chantier Rio Tinto Alcan à Saint-Jean-de-Maurienne et d'une mise à pied de trois jours les 18, 19 et 20 juin 2011 pour des malfaçons dans le montage des échafaudages et la non présentation du matériel réglementaire sur les chantiers Athanor et Saint-François-Longchamp ; que si M. D...a protesté contre ces sanctions, elles n'ont pas été retirées par l'employeur ni n'ont donné lieu à une quelconque procédure contentieuse ; que les faits alors retenus doivent donc être tenus pour établis ; qu'eu égard au niveau de responsabilité de M. D...et à ses antécédents disciplinaires, les faits qui ont donné lieu à la demande d'autorisation de licenciement, pris dans leur ensemble, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
En ce qui concerne l'existence d'un lien avec le mandat :
7. Considérant que M. D...a été titulaire d'un mandat de représentant du personnel au sein du CHSCT, qui a pris fin le 12 octobre 2012 ; que si dans l'exercice de ce mandat, il a été amené à plusieurs reprises à dénoncer les dysfonctionnements affectant cette institution, lesquels ont d'ailleurs donné lieu à plusieurs courriers adressés par l'inspection du travail à la société alpine d'isolation thermique, ces seules circonstances ne permettent pas de démontrer l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats syndicaux détenus par l'intéressé ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, la décision de l'inspecteur du travail du 5 août 2013 et, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 22 janvier 2014 ;
Sur les frais liés au litige :
9. Considérant que M. D...étant la partie perdante dans la présence instance, il ne peut prétendre au versement d'une quelconque somme de la part de l'Etat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
10. Considérant que l'Etat n'a pas formé contre le jugement du 13 juin 2016 l'appel que, défendeur en première instance, il aurait été recevable à présenter ; que s'il a été mis en cause pour produire des observations sur l'appel régulièrement formé par M.D..., cette circonstance n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'instance d'appel ; que, par suite, les conclusions présentées contre l'Etat par la société alpine d'isolation thermique au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société alpine d'isolation thermique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... D..., à la société alpine d'isolation thermique et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mme A...et Mme Beytout, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
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N° 16LY02811