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07/06/2018 | FRANCE | N°15LY01731

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 15LY01731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, de condamner la commune de Saint-Egrève à réparer leurs préjudices résultant de l'inaction fautive du maire de la commune qui n'a pas fait cesser des troubles de voisinage et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété, si mieux n'aime de la condamner à leur verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice permane

nt résultant de la configuration des lieux.

Par un jugement n° 1105277 du 19 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, de condamner la commune de Saint-Egrève à réparer leurs préjudices résultant de l'inaction fautive du maire de la commune qui n'a pas fait cesser des troubles de voisinage et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété, si mieux n'aime de la condamner à leur verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice permanent résultant de la configuration des lieux.

Par un jugement n° 1105277 du 19 mars 2015, le tribunal a partiellement fait droit à leur demande en condamnant la commune de Saint-Egrève à leur verser la somme de 12 467 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 mai 2015 et 31 mars 2016, la commune de Saint-Egrève, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme E...la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué ultra-petita en retenant sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dont les dispositions n'étaient invoquées par M. et Mme E...qu'en vue d'établir une carence de son maire à faire procéder à l'enlèvement de grosses pierres apportées le long de l'avenue du Collège ;

- l'action en responsabilité pour faute de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police est mal dirigée ;

- ils ont actualisé leurs préjudices au stade de l'appel ; il s'agit ainsi de conclusions nouvelles qui sont irrecevables ;

- aucune carence fautive ne peut être reprochée à son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de voirie communale ; aucune grosse pierre n'a été déposée ou abandonnée le long de l'avenue du Collège, susceptible de justifier par son maire l'exercice de ses pouvoirs de police ; à tout le moins l'Etat est responsable avec la commune ;

- le lien entre les désordres dont la réparation est demandée et des jets de pierres et un chantier et/ou un ouvrage public communal n'est pas établi, en particulier pour la période postérieure à la mi-2011 ;

- les époux E...ont été indemnisés par les compagnies assurant la responsabilité civile des auteurs des jets de pierres ;

- l'étendue de leur préjudice matériel n'a pas été établie de manière contradictoire ; les devis produits sur la base desquels ils évaluent ce préjudice ne portent pas pour la plupart mention qu'ils ont été acceptés et réglés ; le taux de réactualisation de la TVA est erroné ;

- leur préjudice moral est imputable à l'inaction fautive des services de police d'Etat ; ce poste de préjudice sera à tout le moins ramené à de plus justes proportions ;

- sa condamnation à leur verser une somme de 30 000 euros à défaut de réaliser des travaux sur la voirie conduirait à indemniser deux fois leur préjudice moral ;

- la voirie communale a été transférée le 1er janvier 2016 à Grenoble Alpes Métropole, faisant obstacle à une condamnation alternative à faire ;

- il n'appartient pas au juge d'ordonner la mesure d'expertise demandée par les époux E...pour pallier les insuffisances de leur dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, M. et MmeE..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Egrève au titre des frais liés au litige ; ils demandent en outre, par la voie de l'appel incident, d'une part, que le montant de la somme que la commune a été condamnée à leur verser par le jugement attaqué soit porté à 32 726,08 euros à parfaire et, d'autre part, qu'elle soit condamnée à leur verser la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice permanent découlant de la configuration des lieux ou si mieux n'aime à procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété et à la mise en place d'un revêtement sur les abords de l'avenue du Collège au droit de leur tènement ; à titre subsidiaire, que soit ordonnée avant dire droit une expertise et de désigner un expert à fin de détermination de la nature de leur préjudice et des désordres et de leur provenance exacte.

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Saint-Egrève ne sont pas fondés ;

- sa responsabilité est engagée pour dommages de travaux publics et défaut d'entretien normal aux abords de leur propriété ; elle doit être condamnée en conséquence à supporter la réparation du préjudice permanent et futur en découlant et si mieux n'aime à réaliser des travaux pour y mettre fin ;

- ils évaluent leur préjudice matériel à la somme de 19 726,08 euros et leur préjudice moral à la somme de 13 000 euros ;

- ils justifient d'un préjudice distinct résultant de l'absence d'enlèvement des projectiles bordant la voie au droit de leur propriété.

Par une ordonnance du 4 avril 2016, l'instruction a été close au 11 mai 2016.

Un mémoire présenté pour les époux E...enregistré le 11 mai 2016 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel ;

- les conclusions de M.D... ;

- et les observations de MeF..., représentant la commune de Saint-Egrève, et de Me B..., représentant M. et MmeE... ;

1. Considérant que la commune de Saint-Egrève (38) a décidé la réfection de la voie communale avenue du Collège ; que les travaux, qui se sont déroulés du 19 mai au 8 octobre 2008, ont consisté notamment en la reprise de l'accotement avec des matériaux concassés ; que, dès le 19 juin 2008, les épouxE..., qui sont propriétaires d'une maison individuelle d'habitation sise 9 avenue du Collège, ont constaté que des pierres étaient projetées sur leur immeuble par des élèves du collège Barnave sis 30 avenue du Collège ; qu'ils ont porté plainte à plusieurs reprises et déposé de nombreuses mains courantes ; qu'estimant que les projectiles provenaient des résidus du chantier selon eux inachevé, les époux E...ont, après l'échec de la tentative à leur initiative d'une médiation , demandé par lettre du 28 décembre 2009 au maire de la commune de Saint-Egrève de faire usage de ses pouvoirs de police pour assurer la sécurité publique et de procéder à l'exécution des travaux de réfection des trottoirs au droit de leur propriété ; qu'en l'absence de réponse à ce courrier, ils ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, de condamner la commune de Saint-Egrève à réparer leurs préjudices résultant de l'inaction fautive du maire de la commune qui n'a pas fait cesser des troubles de voisinage et, d'autre part, soit d'enjoindre à la commune de procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété, soit de la condamner à leur verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice permanent résultant de la configuration des lieux ; que, par un jugement du 19 mars 2015, le tribunal a partiellement fait droit à leur demande en condamnant la commune de Saint-Egrève à leur verser la somme de 12 467 euros ; que la commune relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, les époux E...demandent à la cour, d'une part, de porter à 32 726,08 euros la somme à la charge de la commune et, d'autre part, soit de condamner la commune à leur verser la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice permanent découlant de la configuration des lieux, soit, si mieux n'aime, procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété et à la mise en place d'un revêtement sur les abords de l'avenue du Collège au droit de leur tènement ; à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise et de désigner un expert à fin de déterminer la nature de leur préjudice et des désordres et de leur origine exacte ;

Sur la responsabilité pour faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous les actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il incombe au maire de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune des agissements de nature à troubler la tranquillité des habitants ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme E...ont sollicité l'intervention du maire de Saint-Egrève pour faire cesser les nuisances provoquées depuis l'été 2008 par des jets de pierres récurrents en direction de leur domicile ; qu'il ressort des plaintes et des mains courantes qu'ils ont déposées à compter du 19 juin 2008, que des projectiles lancés par des adolescents scolarisés au collège Barnave ont brisé des vitres de leur maison d'habitation ainsi que des tuiles et endommagé des volets roulants notamment ; que les époux E...ont également été victimes en 2013 de coups de sonnette intempestifs et de jets d'oeufs, de pierres, gravillons et déchets de béton ;

4. Considérant, d'une part, que les projectiles utilisés ne peuvent provenir du chantier de réfection des accotements de l'avenue du Collège qui a été achevé et nettoyé, ainsi que cela ressort du procès-verbal de réception des travaux, ni des matériaux concassés d'une granulométrie inférieure à 23 mm utilisés pour la reprise des accotements ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que la gendarmerie nationale et la police municipale patrouillent régulièrement aux abords du collège Barnave et du cheminement piéton qui relie l'avenue du Collège à la rue de Chantemerle ; que M. E...a d'ailleurs félicité le commandant de gendarmerie de Saint-Egrève au mois de novembre 2010 pour l'extrême efficacité de son action et le rétablissement du calme dans le quartier ; qu'enfin, la commune de Saint-Egrève établit que le passage piétonnier est régulièrement entretenu par ses services ; que la circonstance que son maire n'ait pas fait procéder à la fermeture de ce cheminement, emprunté par les collégiens pour leurs déplacements, ne peut dès lors caractériser une carence fautive de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, par suite, la commune de Saint-Egrève est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à indemniser les époux E...sur ce fondement ;

Sur la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage public à l'égard des tiers :

5. Considérant que si le lien existant entre l'ouvrage public et le dommage subi par la victime est de nature à engager sans faute la responsabilité de la commune, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'état de l'accotement Sud de l'avenue du Collège ne présente pas de danger particulier ; que la commune doit être regardée comme rapportant la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage et qu'elle est ainsi exonérée de toute responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Saint-Egrève et d'ordonner l'expertise demandée, M. et Mme E...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation alternative de la commune à procéder à l'enlèvement des graviers, cailloux et déchets divers présents aux abords de leur propriété et à la mise en place d'un revêtement sur les abords de l'avenue du Collège au droit de leur tènement ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Egrève, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Egrève à ce même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1105277 du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 est annulé en tant qu'il condamne la commune de Saint-Egrève à verser à M. et Mme E...la somme de 12 467 euros.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Grenoble, leurs conclusions présentées par la voie de l'appel incident et les conclusions des parties au titre des frais liés au litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Egrève et à M. et Mme C...E....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2018.

5

N° 15LY01731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01731
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Police générale - Tranquillité publique.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Entretien normal - Accotements.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : LE GULLUDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-07;15ly01731 ?
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