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05/06/2018 | FRANCE | N°17LY00145

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 17LY00145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiées (SAS) SAI E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009, 2010 et des pénalités correspondantes ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010, et d'autre part, le remboursemen

t des rappels de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie pour la période...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiées (SAS) SAI E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009, 2010 et des pénalités correspondantes ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010, et d'autre part, le remboursement des rappels de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et de la majoration de 10 % pour absence de dépôt et de paiement de la retenue à la source.

Par un jugement nos 1401366-1401839 du 31 octobre 2016, modifié selon ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 16 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête enregistrée le 12 janvier 2017 sous le n° 17LY00145, la SAS SAI E..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de retenue à la source et des majorations correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités et subsidiairement d'en prononcer la réduction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS SAI E...soutient que :

- contestant pas requête parallèle les rappels d'impôt sur un revenu considéré comme distribué sur le fondement des dispositions de l'article 111 c) du code général des impôts et assujetti comme tel à une retenue à la source prévue à l'article 119 bis du même code au motif que leurs bénéficiaires n'étaient pas des résidents français, elle conteste l'application de cette retenue à la source tant sur le fond que sur le quantum du taux retenu ;

- l'assiette étant contestée par ailleurs, elle sollicite la décharge de la retenue à la source pour le même motif ;

- ayant produit en cours d'instance le formulaire d'attestation de résidence conforme aux prescriptions du d du 2 de l'article 31 la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, contrairement à ce qu'à retenu le tribunal administratif de Grenoble, elle sollicite à titre subsidiaire la décharge du surplus correspondant à l'application du taux conventionnel aux revenus distribués à son dirigeant M. E....

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SAS SAI E...n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 20 avril 2018, la SAS SAI E...conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que, par les pièces produites, et notamment les avis d'imposition à l'impôt fédéral direct des années litigieuses, elle établit que M. E... était résident fiscal en Suisse au titre de la période litigieuse et doit se voir imposer au titre des revenus distribués selon le taux conventionnel de 15 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics persiste dans ses écritures.

Le ministre expose que l'administration fiscale a fait droit à la demande de la SAS SAI E... tendant à l'application, pour le calcul de la retenue à la source sur les sommes considérées comme distribuées au bénéfice de M. E..., du taux conventionnel de 15 % en lieu et place du taux de 25 % prévu par les dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts et a prononcé un dégrèvement en conséquence.

II°) Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2017 sous le n° 17LY00146, la SAS SAI E..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS SAI E...soutient que :

- l'administration fiscale aurait dû procéder à la compensation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée avec la taxe sur la valeur ajoutée régularisée y compris postérieurement à la période vérifiée ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des honoraires de traduction et de prospection commerciale, lesquels sont justifiés par les programmes en cours ; le paiement direct par le dirigeant est sans incidence ; le montant de ces dépenses n'est pas excessif ;

- les frais de déplacement et de réception sont justifiés, étant à l'origine de retombées économiques, la circonstance qu'ils aient eu lieu le week-end est justifiée par les modalités commerciales ;

- la location d'un bureau à Genève est justifiée par le caractère international de la clientèle ;

- les pénalités ne sont pas fondées en droit comme en fait, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière de charges déductibles du résultat imposable ; elle a régularisé la taxe sur la valeur ajoutée collectée avant les opérations de contrôle ; eu égard à la personnalité des peines, les sanctions fiscales ne peuvent lui être appliquées puisque l'alerte liée à l'anomalie d'un solde de taxe sur la valeur ajoutée collectée créditeur au 30 juin 2008 aurait dû conduire le cabinet comptable à réagir ; la faute ne peut dès lors lui être imputée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SAS SAI E...n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 20 avril 2018, la SAS SAI E...conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que le solde de taxe sur la valeur ajoutée a été régularisé puisqu'il a été pour 989 751 euros d'excédent à la clôture de l'exercice le 30 juin 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics persiste dans ses écritures.

Le ministre expose que les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la société ne font apparaître aucune régularisation et que la compensation demandée ne peut être accordée, les excédents au demeurant non établis n'étant pas intervenus au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 mai 2018, qui n'a pas été communiqué, la SAS SAI E... conclut aux mêmes fins que sa requête initiale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS SAIE..., qui exerce une activité de promotion immobilière et de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a appliqué une retenue à la source, assortis de majorations pour manquement délibéré, dont la société a sollicité la décharge devant le juge de l'impôt. Par deux requêtes enregistrées sous les numéros n° 17LY00145 et n° 17LY00146, la SAS SAI E...relève appel du jugement du 31 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

2. Les deux requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a, par suite, lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'étendue du litige :

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a admis de calculer la retenue à la source sur les sommes considérées comme distribuées au bénéfice de M. E..., son gérant, au taux conventionnel de 15 % prévu par la convention fiscale franco-suisse en lieu et place du taux de 25 % prévu par les dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts et a prononcé un dégrèvement de 47 013 euros par avis du 2 mai 2018. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête n° 17LY00145 , à concurrence d'une somme de 47 013 euros.

Sur la demande de compensation en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ".

5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a relevé dans la proposition de rectification du 20 décembre 2011 adressée à la SAS SAIE..., que, sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, cette société avait omis de déclarer un montant de 166 223 euros de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant aux encaissements perçus de ses clients sur cette période dans le cadre de ses opérations d'achats-reventes de terrains à bâtir en sa qualité de marchand de biens. Pour déterminer la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible, l'administration fiscale a repris les tableaux de rapprochement de taxe sur la valeur ajoutée établis par le cabinet d'expertise comptable de l'entreprise. L'appelante se prévaut de la régularisation partielle de ces montants à laquelle elle a spontanément procédé à compter de septembre 2009, antérieurement aux opérations de contrôle. L'administration fiscale a pris en compte ces régularisations effectuées avant la clôture de l'exercice le 30 juin 2010 dans la proposition de rectification du 20 décembre 2011 ce qui l'a conduit, après l'intervention de l'interlocuteur régional, à prononcer un dégrèvement d'un montant de 117 529 euros. La compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ne peut être accordée que si elle concerne des impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige, relatif à la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010. Par suite, la société n'est pas fondée à demander le bénéfice de la compensation prévue par l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, en se prévalant d'excédents de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos les 30 juin 2011 et 2012, soit hors de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement. Par ailleurs il n'appartient pas au juge de l'impôt d'apprécier l'usage fait par l'administration des pouvoirs de prononcer des dégrèvements d'office qu'elle tient de l'article R. 211-1 et R. 211-2 du livre des procédures fiscales et dont elle n'est pas tenue de faire usage.

Sur le bien-fondé de l'imposition en matière d'impôt sur les sociétés :

6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (...) f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. (...) ".

En ce qui concerne les frais de déplacements :

7. En application des dispositions précitées du 5. de l'article 39 du code général des impôts, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les frais de réception, de voyages et de déplacement exposés par lui, ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise.

8. Au cas d'espèce, l'administration fiscale, estimant que les dépenses déduites par la société au titre des frais de déplacements et de réception ne présentaient pas, au regard de leur nature, un caractère professionnel mais avaient été engagées au profit personnel de son dirigeant, a réintégré dans les résultats imposables de la SAS SAI E...les montants correspondants de 75 213 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008, 54 219 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2009 et 60 297 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010. La société, qui a admis qu'une partie des frais exposés l'avait été pour des déplacements privés de son dirigeant, se borne à soutenir que les dépenses engagées sur des périodes de week-ends étaient justifiées par la circonstance que les clients négocient les contrats dans ce cadre. Si elle produit un tableau de synthèse des personnes invitées par la société durant ces périodes, elle ne précise toutefois, ni la nature, ni le montant de ces dépenses, et n'établit pas que les dépenses litigieuses auraient effectivement donné lieu à la conclusion des contrats commerciaux. Par suite, elle ne démontre pas l'existence d'une contrepartie réelle permettant de justifier de la déductibilité des frais de réception, de déplacement et de voyages en cause.

En ce qui concerne les autres frais et charges engagés par la société :

9. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

10. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

11. L'administration a remis en cause le caractère déductible des frais d'honoraires versés à MmesF..., C...et A...qu'elle estime injustifiés et d'un montant excessif. L'administration fiscale fait valoir que la réalité des services rémunérés n'est pas démontrée alors que les honoraires correspondants ont été payés par la société à son dirigeant. L'administration fiscale relève que ces honoraires, pour certains facturés comme des frais de prospection et non de traduction comme l'allègue la société appelante, n'ont pas été comptabilisés comme tels. En se bornant à invoquer des travaux de traduction en langue cyrillique de documents commerciaux et des frais de prospection qui seraient justifiés par une clientèle issue des pays d'Europe de l'Est, la société appelante n'établit pas davantage l'existence d'une contrepartie économique réelle à ces dépenses en omettant de démontrer l'intervention effective des intéressées. Dans ces conditions, la société ne démontre pas l'existence d'une contrepartie économique dans l'intérêt de l'exploitation de nature à justifier la prise en charge de ces dépenses et leur déductibilité.

12. Des charges de loyers ne peuvent être admises en déduction des résultats imposables d'une entreprise, que si l'opération de location, dans son principe, est réalisée effectivement dans l'intérêt de l'entreprise et si le montant des versements effectués est considéré comme normal. L'administration est en droit de refuser la déduction du résultat de l'entreprise de loyers versés pour l'occupation d'un local dans lequel aucune activité professionnelle n'est exercée.

13. L'administration fiscale a réintégré dans le résultat fiscal imposable de la société E..., au titre de chacun des trois exercices vérifiés, des sommes correspondant aux loyers versés par la société à raison de l'occupation d'un bureau situé à Genève dans le logement loué par Mme A..., présentée comme la concubine du dirigeant, au motif que l'utilisation professionnelle effective de ce bureau n'est pas établie. Elle fait également valoir que celui-ci ne fait l'objet d'aucune mention dans les documents officiels de la société. Pour justifier de la location de ce bureau, la SAS SAI E...produit un tableau de participation financière d'investisseurs étrangers, un extrait de publication d'un magazine suisse daté du 30 novembre 2012 faisant état de l'installation à Genève de M. G..., ainsi qu'un organigramme du groupe E...et de ses filiales. Toutefois, ces documents ne sont pas de nature à démontrer que ce local aurait été effectivement exploité par la société, alors que comme le soutient l'administration fiscale, celui-ci n'a pas été immatriculé en Suisse en tant que bureau de représentation ou établissement par la société, et n'est mentionné ni sur ses documents commerciaux ou juridiques, ni sur son site internet, ni sur la carte de visite de son dirigeant. L'administration fiscale fait, en outre, valoir que le bailleur propriétaire n'a pas donné son accord au contrat de sous-location conclu entre Mme A..., sa locataire et la société appelante, et que les charges de loyers ont été rétrocédées au dirigeant dont la résidence à Genève pour des convenances personnelles ne saurait justifier la prise en charge par la société des dépenses générées par ce choix personnel. Dans ces conditions, l'administration démontre l'absence d'intérêt de ces dépenses pour l'exploitation de la SAS SAIE.... Par suite, elle a pu, à bon droit réintégrer ces charges à son résultat imposable au titre de chacun des exercices contrôlés.

Sur le bien-fondé de la retenue à la source :

14. Aux termes de l'article 108 du code général des impôts : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa version applicable à l'espèce : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 1672 du même code : " La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est versée au Trésor par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus ".

15. La SAS SAI E...ayant contesté les rectifications mises à sa charge selon la procédure contradictoire, il incombe à l'administration fiscale de démontrer, en vertu des dispositions de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales le bien-fondé de l'application de la retenue à la source.

16. L'administration fiscale a imposé les charges injustifiées et les dépenses payées à M. E... comme des revenus distribués au profit du dirigeant et de sa compagne, Mme A.... La société appelante, considérée comme établissement payeur des distributions, a donc été assujettie à une retenue à la source d'un montant de 88 617 euros en droits assortis de pénalités à hauteur de 18 061 euros, qu'elle estime indue dans son principe, eu égard, selon elle, au caractère justifié des dépenses, et excessive dans son montant. Toutefois, elle n'est pas fondée à contester la retenue à la source des distributions dès lors que l'administration fiscale démontre le caractère injustifié des dépenses d'honoraires, de loyers et des charges locatives, dont certaines n'ont pas été comptabilisées, supportées sans contrepartie tout comme les frais de déplacements et de réception dont la société n'a pas justifié le caractère professionnel. Par suite, c'est à bon droit que ces charges et dépenses injustifiées ont été imposées comme des revenus distribués au profit de leurs bénéficiaires, résidents à l'étranger, et ont entraîné l'application de la retenue à la source.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration.".

18. S'agissant de l'application des majorations pour manquement délibéré aux rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale fait valoir que la société ayant eu connaissance de l'existence d'omissions de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par ses rapprochements de taxe n'a régularisé que partiellement ses insuffisances déclaratives dont elle est personnellement responsable et qu'elle ne pouvait ignorer et dont elle ne saurait rendre responsable son cabinet comptable. Ce faisant, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements imputables à la SAS SAI E...quant à ses omissions déclaratives, qui n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le principe de personnalité des peines ferait obstacle à l'application de ces pénalités.

Sur les frais d'instance :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS SAI E...une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17LY00145 de la SAS SAI E... à hauteur d'une somme de 47 013 euros.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SAS SAI E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 17LY00145 et la requête n° 17LY00146 sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée SAI E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Meynasseyre, présidente assesseure assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme D..., première conseillère,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 5 juin 2018.

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Nos 17LY00145, 17LY00146

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00145
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-05;17ly00145 ?
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