Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société en nom collectif (SNC) Ineo Rhône Alpes Auvergne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de la 1ère section du Rhône du 30 juin 2014 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... B... et la décision implicite de rejet par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de son recours hiérarchique contre ce refus.
Par un jugement n° 1501983 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2017, la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne, représentée par Me Lachassagne, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre le ministre du travail de prendre une nouvelle décision concernant l'autorisation de licencier M. B..., dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée en ce qui concerne l'existence d'un lien entre la procédure de licenciement et le mandat détenu par le salarié ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que les griefs reprochés à M. B... sont de nature à justifier son licenciement pour motifs disciplinaires.
Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2017, M. A... B..., représenté par Me Mallard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 23 avril 2018, qui n'a pas été communiqué, la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- les conclusions de Me Lachassagne, avocat de la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne, ainsi que celles de Me Mallard, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été embauché le 17 juillet 1989 par la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne, spécialisée dans les domaines du génie électrique et des systèmes d'information et de communication, pour occuper le poste de monteur électricien, puis de chef d'équipe électricien. A compter du 19 mars 2013, il a été élu membre titulaire du comité d'établissement. Le 30 avril 2014, son employeur a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licencier ce salarié pour motif disciplinaire. Le 30 juin 2014, l'inspectrice du travail de la 1ère section du Rhône a refusé cette autorisation. Par lettre du 27 août 2014, reçue le lendemain, la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne a formé contre cette décision un recours hiérarchique qui a été implicitement rejeté. La SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail, devenu l'article R. 2421-5 : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. A ce titre, il incombe à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par un comportement fautif, d'exposer les faits reprochés au salarié de manière suffisamment précise et de rechercher si ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. La décision de l'inspectrice du travail du 30 juin 2014, après avoir mentionné les éléments de droit qui en constituent le fondement, indique que le grief fait par son employeur à M. B... de s'être immiscé dans ses relations avec un client dans le but de lui nuire n'est pas établi. Cette décision indique également que le manquement aux règles de sécurité reproché à l'intéressé alors qu'il était chargé de l'encadrement d'un stagiaire, s'il est avéré, ne revêt pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Ainsi, cette décision, qui ajoute qu'il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par le salarié, est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne reproche à M. B... l'envoi, sans en avoir informé sa hiérarchie, d'un courrier électronique du 18 janvier 2014, portant la signature : " les élus de Cofely Ineo Rhône Alpes Auvergne ", adressé à l'un de ses clients, pour lui demander d'apporter un éclairage quant à " l'existence d'une prime exceptionnelle de 10 000 euros pour récompenser les intervenants du chantier U46 du bâtiment 176 de Villefranche-sur-Saône ". Selon elle, l'envoi de ce courriel depuis l'adresse " dpineoraa@gmail.com ", est imputable à M. B..., qui l'aurait reconnu. Ce courrier aurait, selon la demande d'autorisation de licenciement, " provoqué des effets désastreux " sur sa relation commerciale avec ce client. Elle estime que cet agissement témoigne de la volonté de l'intéressé de nuire à l'entreprise. Toutefois, il ne ressort des pièces du dossier ni que M. B...ait pris l'initiative de l'envoi de ce courrier électronique, ni qu'il l'ait reconnu, ni que cet envoi ait comporté des conséquences défavorables sur la relation entre la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne et son client. Dès lors, les faits dont il s'agit ne peuvent justifier une mesure de licenciement.
5. En dernier lieu, selon l'article L. 4122-1 du code du travail, " (...) il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le 30 janvier 2014, M. B... travaillait comme chef d'équipe sur un chantier pour le client SFR, en vue du raccordement de câbles sur un tableau électrique à l'intérieur d'un local technique et avait sous la responsabilité un stagiaire mineur, en classe de seconde professionnelle, accueilli dans l'entreprise pour deux semaines et dont le tuteur était alors absent. Durant cette intervention, M. B... a quitté ce local pour appeler un de ses collègues, laissant seul le stagiaire avec un trousseau de clés utilisées pour les armoires électriques. L'utilisation intempestive d'une clé par ce stagiaire a provoqué la coupure de l'une des voies de l'alimentation électrique des bases informatiques de SFR. Ces faits ont été reconnus par l'intéressé lors de l'enquête contradictoire. Si la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne a dû se justifier auprès de son client, l'incident n'a pas comporté de conséquences pour ses équipements, qui étaient alimentés en double voie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'inspecteur du travail a pu légalement estimer que, si les faits reprochés à M. B... présentaient le caractère d'une faute, celle-ci n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son licnciement.
7. Il résulte de ce qui précède que la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne le paiement à M. B... d'une somme de 1 500 euros à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne est rejetée.
Article 2 : La SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la SNC Ineo Rhône Alpes Auvergne, au ministre du travail et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 17LY02624