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31/05/2018 | FRANCE | N°16LY02178

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 16LY02178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M.C..., représenté par MeE..., a demandé le 12 août 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 10 mars 2015 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de lui appliquer les contributions spéciales prévues aux articles R. 8251-1 et suivants du code du travail, ainsi que la décision du 17 juin 2015 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du c

ode de justice administrative ;

Par jugement n° 1502327 du 7 avril 2016, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M.C..., représenté par MeE..., a demandé le 12 août 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 10 mars 2015 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de lui appliquer les contributions spéciales prévues aux articles R. 8251-1 et suivants du code du travail, ainsi que la décision du 17 juin 2015 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par jugement n° 1502327 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 10 mars 2015 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en tant qu'elle met à sa charge une somme de 2 398 euros au titre de la contribution représentative des frais de réacheminement et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juin 2016, M.C..., représenté par l'AARPI BDF avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du 7 avril 2016 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à la contribution spéciale ;

2°) d'annuler la décision du 10 mars 2015 et la décision du 17 juin 2015 rejetant son recours gracieux en tant qu'elle porte sur la contribution spéciale ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des dépens ;

Il soutient que :

- par lettre du 10 mars 2015, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale pour infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail pour un montant de 17 550 euros et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine en application des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 398 euros ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est fondée sur des faits inexacts, les éléments permettant l'application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ne sont pas réunis en l'espèce ; la présence de M. F...C..., son frère, sur le chantier ne démontre pas l'existence d'une embauche ; M. F... C...s'est borné à l'aider en lui rendant un service ponctuel de transport à sa propre initiative, dans le cadre d'une simple entraide familiale ; M. F...C...a le statut de personne handicapée au Kosovo, pays dont il a la nationalité ;

- il n'a pas été destinataire du procès-verbal du 14 août 2014 établi par l'inspection du travail et n'a pas pu le discuter voire le contester ; le procès-verbal du 14 août 2014 comporte des incohérences et des lacunes ; ce procès-verbal a été produit de manière tronquée ;

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeD..., conclut à la réformation du jugement du 7 avril 2016 ayant annulé partiellement sa décision du 10 mars 2015, au rejet de la requête de M. C...et à ce qu'il soit mis à la charge de ce dernier une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le 9 avril 2014, l'inspection du travail a trouvé sur le chantier de M. et Mme B..." allée des troubadours " M. F...C...en situation de travail à 3 m de hauteur sans protection contre le risque de chute et en tenue de travail dont des chaussures de sécurité empoussiérées ; il effectuait des travaux de maçonnerie sur la dalle de sol du premier étage sous forme d'assemblage de blocs de béton ; M. F...C...était le jour du contrôle démuni d'un titre de travail et d'un titre de séjour ; le récépissé de demande d'asile valant demande provisoire de séjour produit par M. F...C...dans le cadre de l'instance contentieuse ne peut pas être reconnu comme authentique, la mention valant autorisation de travail différant de la police utilisée sur le reste du document ; l'office produit l'intégralité du procès-verbal d'audition de M. B... ; l'emploi d'un étranger démuni d'un titre de travail constitue l'infraction prévue à l'article L. 8251-1 et suivants du code du travail ; c'est à bon droit qu'a été mise à la charge du requérant la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision du 10 mars 2015 est suffisamment motivée ; elle respecte les articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation et les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; elle comporte les bases de liquidation des sommes dues, les textes applicables et un relevé d'infraction par référence au procès-verbal dont le requérant a eu entièrement connaissance et sur lequel il a mis à même de faire part de ses observations ;

- il n'y a pas eu violation du respect du contradictoire et des droits de la défense ; le requérant s'est volontairement abstenu de présenter des observations ;

- il a pris en considération les procès-verbaux établis par l'inspection du travail ; il appartient au requérant de contester devant l'inspection du travail s'il le souhaite le contenu de tels procès-verbaux ;

- la matérialité de l'infraction est établie, le procès-verbal a force probante jusqu'à preuve du contraire et en droit public la preuve est libre et n'est pas liée aux règles de l'enquête et de flagrance régie par le code de procédure pénale ; il appartient au requérant de rapporter la preuve que son frère trouvé en situation de travail détenait les documents nécessaires l'autorisant à exercer une activité salariée en France et d'établir l'emploi régulier de ce dernier ;

- la circonstance que le procès-verbal établi par le contrôleur du travail n'a pas été communiqué au requérant ne remet pas en cause la matérialité des faits ; il n'y a pas méconnaissance du respect du contradictoire et des droits de la défense car les procès-verbaux n'avaient pas à être transmis au requérant lors de sa prise de décision du 10 mars 2015 ; l'obligation de communiquer n'a été prévue que par l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 ; l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 ne prévoit pas de communication du procès-verbal en matière de procédure administrative ; le requérant n'a pas demandé communication de ce procès-verbal en cours de procédure devant l'office et s'est abstenu de toute observation alors que l'office l'avait informé des griefs susceptibles d'être retenus, l'a mis à même de demander la communication de son dossier et l'a informé de son droit à présenter des observations ; il n'a pas non plus demandé communication de ce procès-verbal dans son recours gracieux ; le défaut de transmission de ce procès-verbal ne l'a pas privé d'une garantie et n'a pas méconnu le respect du principe du contradictoire ;

- il appartenait à M. C...en qualité d'employeur de vérifier la régularité de la situation administrative de l'étranger qu'il entendait employer et notamment de la détention d'une autorisation de travail en cours de validité ;

- la contribution spéciale est une sanction administrative ;

- il n'est pas nécessaire qu'un salaire soit versé, des avantages en nature notamment logement et nourriture pouvant constituer la contrepartie d'un travail ; en l'espèce le requérant loge et nourrit son frère ; il ne s'agit pas d'une simple entraide familiale ; la preuve de l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et ses employés, comme de l'existence de leur rémunération et de la nature des tâches effectuées par ces derniers pour le compte de l'employeur, n'a pas à être rapportée ;

- le récépissé sur la demande d'asile ne peut être qu'un faux, les contrôles opérés par les contrôleurs du travail établissant que M. F...C...était en situation illégale de travail et de séjour ;

- il n'est pas nécessaire qu'un étranger soit reconduit pour que puisse être demandée la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine ; cette contribution est prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 avril 2018 :

- le rapport de Mme Cottier,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle effectué le 9 avril 2014 à Chevigny-Saint-Sauveur (Côte d'Or), sur le chantier de construction d'une maison réalisé par l'entreprise individuelle artisanale de M. A...C..., les contrôleurs du travail ont constaté " la présence en situation de travail à 3 m de hauteur de M. F...C..., frère de M. A...C... " ; qu'un procès-verbal a été établi à l'encontre de M. A...C..., en qualité de responsable de la société éponyme, pour emploi d'un étranger démuni de titre de travail et aide au séjour d'un étranger en situation irrégulière en situation de travail ; que, par un courrier du 5 novembre 2014, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué à M. A... C...en sa qualité de dirigeant de la société éponyme employant M. F...C..., qu'il envisageait de mettre à la charge de ladite société la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, au taux de 5 000 fois le taux horaire minimum garanti, et la contribution forfaitaire de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'OFII l'a invité à présenter ses observations ; qu'après avoir pris connaissance des observations formulées par son conseil, l'OFII, par décision du 10 mars 2015, a mis à la charge de l'entreprise individuelle de M. A...C...le paiement de la contribution spéciale, fixée à un montant de 17 550 euros, et la contribution forfaitaire, d'un montant de 2 398 euros ; que, par jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision en tant qu'elle mettait à la charge de la société de M. C...la somme de 2 398 euros au titre de la contribution représentative des frais de réacheminement ; que M. A...C..., pour le compte de sa société, interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives à la contribution spéciale ; que, par la voie de conclusions en appel incident, l'OFII demande la réformation du même jugement en tant qu'il a annulé la décision relative à la contribution représentative des frais de réacheminement ;

Sur l'appel principal :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 susvisée aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) - infligent une sanction ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que la décision du 10 mars 2015 vise les dispositions du code du travail dont il est fait application, lesquelles sont par ailleurs rappelées au verso de cette décision, ainsi que l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle se réfère en outre au procès-verbal d'infraction dressé à l'encontre de M.C..., en tant que responsable de l'entreprise éponyme, et à la lettre du 4 novembre 2014 l'informant de la mise en oeuvre des contributions forfaitaire et spéciale fixées par ces textes ; qu'elle précise également sur la liste nominative annexée le nom du salarié étranger employé irrégulièrement, en l'espèce M. F...C... ; que, par suite, la décision du 10 mars 2015 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande ; que, dès lors, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative ;

5. Considérant que si M. A...C...soutient ne pas avoir été destinataire du procès-verbal du 14 août 2014 des services de l'inspection du travail, il n'établit ni même n'allègue avoir demandé, préalablement à l'intervention de la décision du 10 mars 2015, communication de ce procès-verbal alors que ce dernier était explicitement mentionné dans la lettre du 4 novembre 2014 de l'OFII l'informant qu'il était susceptible de se voir infliger des sanctions pécuniaires et l'invitant à faire part de toute observation utile sur ces éventuelles sanctions ; qu'en ce qui concerne la décision portant rejet du recours gracieux et à supposer un tel moyen soulevé contre cette décision, ni sa lettre du 4 décembre 2014 d'observations en réponse au courrier du 4 novembre 2014 de l'OFII, ni son recours gracieux en date du 14 avril 2015, ni la contestation en date du 12 août 2015 des titres de perception, ne comportent une telle demande ou ne font état d'une telle demande que ce soit préalablement à la décision de sanction du 10 mars 2015 ou préalablement à la décision portant rejet de son recours gracieux ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense pour défaut de communication du procès-verbal du 14 août 2014 doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicables au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 dudit code : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. (...°) " ;

7. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux dressés par les contrôleurs du travail, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que lors du contrôle du 9 avril 2014 effectué sur le chantier de construction d'une maison à Chevigny-Saint-Sauveur, une personne, identifiée ultérieurement comme étant M. F...C..., frère du requérant, a été vue sur le chantier en tenue professionnelle dont des chaussures de sécurité, à plus de trois mètres de hauteur, sans aucune protection contre la chute, en train d'effectuer des travaux de maçonnerie et de montage de mur ; qu'invité à présenter ses papiers par les contrôleurs du travail, il a pris la fuite ; que trois autres personnes ont été également vues sur le chantier, dont un salarié de l'entreprise, régulièrement déclaré, et deux autres personnes qui ont également pris la fuite lors du contrôle ; qu'il ressort aussi des mêmes procès-verbaux que M. F...C...était déjà venu à plusieurs reprises sur ce chantier aux fins d'y apporter du matériel ; que M. A... C..., pour contester la qualification d'emploi d'un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail retenue par les contrôleurs du travail puis par l'OFII, oppose que son frère s'est borné de sa propre initiative à effectuer un transport de quelques matériaux dans le cadre d'une simple entraide familiale ponctuelle ; qu'il fait également état de la circonstance que son frère aurait un statut de personne handicapée au Kosovo ; qu'il allègue encore que son frère était en France " de manière tout à fait temporaire et dans un but essentiellement médical "; que, toutefois, le requérant n'apporte aucune explication concernant les travaux de montage de mur et de maçonnerie réalisés par son frère, et qui ont été constatés le 9 avril 2014 par l'administration ; que, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, les pièces produites relatives à l'état de santé de son frère ne permettent pas d'établir une incapacité physique de ce dernier à mener toute activité ; que l'argumentation relative à une simple présence temporaire en France de son frère pour des raisons médicales est contredite par la demande d'asile formulée par M. F...C...le 10 juin 2013 et le recours introduit devant la Cour nationale du droit d'asile à la suite de la décision du 16 décembre 2013 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande ; que le requérant ne conteste pas avoir hébergé son frère et pourvu à ses besoins financiers depuis le 4 février 2014 et ne contredit pas l'analyse de l'OFII selon laquelle de tels avantages en nature sont assimilables à un salaire ; que, par suite, les pièces du dossier permettent d'établir la matérialité des faits d'embauche et d'emploi par le requérant de M. F...C..., son frère, dans le cadre d'une activité salariée au sein de son entreprise individuelle ; qu'il est également constant que M. F...C...ne disposait pas à la date dudit contrôle d'un titre lui permettant de travailler ; qu'ainsi l'OFII pouvait à bon droit mettre à la charge de l'entreprise individuelle A...C...la contribution spéciale prévue à l'article L. 825-1 du même code ;

9. Considérant que l'administration du travail a mentionné dans le procès-verbal du 14 août 2014 la commission de deux infractions par l'entreprise C...: " délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié L. 8221-1 du code du travail" et " utilisation d'un travailleur non autorisé à travailler (article L. 8251-1 du code du travail) "; que l'OFII fait référence à ce procès-verbal comme fondement de sa décision ; que le requérant n'entre ainsi pas dans le cas de minoration prévu au II de l'article R. 8253-2 du code du travail ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu par suite de maintenir cette contribution spéciale à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision mettant à la charge de son entreprise une contribution spéciale d'un taux de 5 000 fois le taux horaire minimum garanti, soit 17 550 euros ;

Sur les conclusions d'appel incident :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur au 9 avril 2014, date du contrôle : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile " ;

13. Considérant que M. F...C...bénéficiait du 14 février au 24 avril 2014 d'une autorisation provisoire de séjour durant l'examen de sa demande d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile ; que si l'OFFI indique qu'il a fait l'objet d'un refus d'asile par décision du 8 avril 2014 de la Cour nationale du droit d'asile, il ne résulte pas de l'instruction qu'au 9 avril 2014, date du contrôle, M. F...C...avait reçu notification de cette décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile et avait ainsi perdu le droit de se maintenir en France ; que, dès lors, à la date du contrôle, M. F...C...ne se trouvait pas en situation irrégulière sur le territoire français ; que, par suite, l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 10 mars 2015 en tant qu'elle met la charge de M. A... C...une somme de 2 398 euros au titre de la contribution représentative des frais de réacheminement ;

Sur les frais relatifs au litige :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce et M. A...C...étant la partie principalement perdante dans la présente instance, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'OFII au même titre et de mettre à la charge de M. A...C..., entrepreneur individuel, le versement d'une somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : M. A...C...versera une somme de 1 500 euros à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2018.

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N° 16LY02178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02178
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : AARPI BDF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-31;16ly02178 ?
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