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31/05/2018 | FRANCE | N°16LY01976

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 16LY01976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 23 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi d'Auvergne a autorisé la SA Laboratoires Cyclopharma à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1500358 du 6 avril 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 23 décembre 2014 de l'ins

pectrice du travail.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 23 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi d'Auvergne a autorisé la SA Laboratoires Cyclopharma à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1500358 du 6 avril 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 23 décembre 2014 de l'inspectrice du travail.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 juin 2016, présentée pour la SA Laboratoires Cyclopharma, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500358 du 6 avril 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la réalité des difficultés économiques à l'origine du licenciement de Mme C... est établie, dès lors qu'elle a été contrainte de mettre en oeuvre une réorganisation impliquant l'arrêt temporaire de la production sur son site historique de Saint-Beauzire et la suppression sur ce site de quatre postes de travail ; le tribunal ne pouvait valablement tenir compte de embauches intervenues sur le site de Dijon ni considérer que la société aurait transféré et non supprimé des emplois ;

- elle a respecté son obligation de recherche de reclassement ;

- le licenciement de Mme C... est sans lien avec son mandat.

Par un mémoire, enregistré le 24 août 2016, présenté pour Mme A... C..., il conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SA Laboratoires Cyclopharma d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SA Laboratoires Cyclopharma n'est fondé.

La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Prunevieille, avocat de la SA Laboratoires Cyclopharma, et de Me Kolenda, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Laboratoires Cyclopharma, créée en 2000 pour développer en France la maîtrise technologique et pharmaceutique de la fabrication de traceurs radioactifs de courte durée de vie utilisés dans les domaines de la cancérologie, de la neurologie et de la cardiologie, qui avait connu dès 2012 des difficultés économiques et financières importantes, conduisant à une procédure devant le tribunal de commerce qui avait abouti à un redressement fin 2013, a engagé, en septembre 2014, une réorganisation de ses activités, caractérisée par une " mise en sommeil " du site de production de Saint-Beauzire, impliquant l'arrêt temporaire de la production dans cet établissement. Cette réorganisation a entraîné la suppression de quatre postes, trois postes de techniciens de production et contrôle qualité et un poste d'adjoint de production. En conséquence de la suppression du poste de technicien de production et contrôle qualité occupé par Mme C..., qui exerçait par ailleurs le mandat de membre suppléant de la délégation unique du personnel, et à la suite de son refus des postes de reclassement proposés par la SA Laboratoires Cyclopharma, cette société a sollicité, le 17 novembre 2014, l'autorisation de procéder à son licenciement pour un motif économique. La SA Laboratoires Cyclopharma interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 23 décembre2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne l'a autorisé à procéder au licenciement de Mme C....

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit la SA Laboratoires Cyclopharma a décidé, en septembre 2014, de réorganiser son système de production, en mettant en sommeil l'activité de son site de Saint-Beauzire, eu égard aux capacités et à la flexibilité de production de ce site, comportant une capacité de production réduite et connaissant des difficultés pour produire de nouvelles molécules, et en augmentant la production sur d'autres sites, afin de permettre une réduction significative des coûts de production. Cette réorganisation a fait suite à une succession de résultats nets négatifs, caractérisés par une perte nette du chiffre d'affaires pour 2014 d'un montant de 1,5 million d'euros, après un résultat net négatif de 1 million d'euros en 2013 et compte tenu d'une prévision de résultat net négatif pour 2014 de 3 millions d'euros. La nouvelle organisation impliquait la suppression à Saint-Beauzire de trois emplois de technicien de production et contrôle qualité, dont celui occupé par Mme C..., et la création d'emplois, en particulier sur le site de Dijon. Dès lors, l'inspectrice du travail de la DIRECCTE d'Auvergne, qui n'avait pas à apprécier l'opportunité de l'option de gestion faite par l'employeur et ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, a pu légalement estimer que la demande adressée le 17 novembre 2014 par la SA Laboratoires Cyclopharma en vue d'obtenir l'autorisation de licencier ce salarié était justifiée par un motif économique et, par suite, délivrer l'autorisation administrative de licenciement. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de difficultés économiques de la SA Laboratoires Cyclopharma pour annuler la décision du 23 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la DIRECCTE d'Auvergne l'a autorisée à procéder au licenciement de Mme C....

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C....

6. En premier lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, qui a reçu Mme C... en entretien le 27 novembre 2014, n'aurait pas procédé à une enquête contradictoire ni qu'il ne l'aurait pas mise à même de présenter ses observations en lui communiquant l'ensemble des éléments sur lesquels il entendait fonder sa décision.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

9. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans l'entreprise et, le cas échéant, dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

10. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 23 septembre 2014, la SA Laboratoires Cyclopharma a proposé à Mme C... cinq postes de reclassement, dont deux postes de technicien de production, respectivement sur les sites de Janneyrias et de Dijon, et trois postes sur son site d'emploi à Saint-Beauzire, soit un poste de technicien qualité, un poste de technicien de production pharmaceutique et un poste temporaire de gestion documentaire en remplacement d'un départ en congé de maternité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la SA Laboratoires Cyclopharma aurait disposé, à la date de cette lettre et avant la décision en litige, d'autres postes de reclassement accessibles à l'intéressée qu'elle se serait abstenue de lui proposer. Il n'en ressort pas davantage que les postes de technicien offerts à Mme C... sur le site de Saint-Beauzire n'auraient pu être occupés sans une formation complète, alors au demeurant qu'il ressort des écritures de l'intéressée qu'un autre salarié occupant le même poste que Mme C..., également supprimé, avait accepté l'un des postes ainsi proposés. Dès lors que figuraient parmi les cinq postes de reclassement proposés trois postes sur le site de Saint-Beauzire, Mme C... ne peut soutenir que son reclassement ne pouvait intervenir conjointement avec celui de son conjoint, M. B..., occupant un emploi identique et exerçant également un mandat représentatif. Dès lors, la SA Laboratoires Cyclopharma a satisfait à son obligation de reclassement.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les critères, énoncés par l'article L. 1233-5 du code du travail, déterminant l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise, n'ont pas été respectés ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle l'autorité administrative autorise un licenciement.

12. En dernier lieu, les seules circonstances que Mme C... a fait l'objet d'une lettre de rappel à l'ordre, le 2 décembre 2014, pour son comportement et que son employeur ne lui aurait pas permis durant sa carrière d'accéder à des formations complémentaires, sans qu'il soit démontré que d'autres salariés dans une situation comparable à la sienne en auraient bénéficié, ne permettent pas, à elles-seules d'établir un lien entre le licenciement envisagé et le mandat exercé par Mme C.... L'existence d'un tel lien ne résulte pas davantage des refus opposés, notamment le 25 septembre 2014, à la demande présentée par Mme C... afin qu'il soit mis fin au congé parental d'éducation à temps partiel dont elle bénéficiait, alors que l'intéressée ne justifiait pas, à la date de sa demande, remplir les conditions, posées par les dispositions de l'article L. 1225-52 du code du travail, d'interruption d'un tel congé, résultant du décès de l'enfant ou d'une diminution importante des ressources du foyer.

13. Il résulte de ce qui précède que la SA Laboratoires Cyclopharma est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 23 décembre 2014 de l'inspectrice du travail de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi d'Auvergne.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la SA Laboratoires Cyclopharma et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C... bénéficie d'une somme à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500358 du 6 avril 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SA Laboratoires Cyclopharma et de Mme C... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Laboratoires Cyclopharma, au ministre du travail et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2018.

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N° 16LY01976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01976
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-31;16ly01976 ?
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