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31/05/2018 | FRANCE | N°15LY00481

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 15LY00481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B..., représenté par Me A...a demandé le 12 avril 2011 au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner solidairement la commune de Cranves-Sales, la société Electricité de France (EDF) et la société Electricité et travaux publics Degenève à lui verser des indemnités de 33 804,01 euros et 12 735,96 euros actualisées suivant l'indice BT 01 du coût de la construction, ainsi que des indemnités de 5 000 euros et 9 040,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du dépôt du rappo

rt d'expertise et capitalisation ;

2°) d'enjoindre à la société EDF de réaliser les trava...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B..., représenté par Me A...a demandé le 12 avril 2011 au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner solidairement la commune de Cranves-Sales, la société Electricité de France (EDF) et la société Electricité et travaux publics Degenève à lui verser des indemnités de 33 804,01 euros et 12 735,96 euros actualisées suivant l'indice BT 01 du coût de la construction, ainsi que des indemnités de 5 000 euros et 9 040,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du dépôt du rapport d'expertise et capitalisation ;

2°) d'enjoindre à la société EDF de réaliser les travaux préconisés par l'expert dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de condamner solidairement la commune de Cranves-Sales, la société EDF et la société Electricité et travaux publics Degenève à supporter les dépens ;

4°) de les condamner solidairement au versement d'une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Par jugement n° 1101928 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a mis la société EDF hors de cause et a condamné la société Electricité réseau distribution de France (ERDF) venant aux droits de la société EDFet la société Electricité et travaux publics Degeneve à verser solidairement à M. B...une indemnité de 19 610,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011. Il a également décidé que les intérêts échus à la date du 12 avril 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Le tribunal administratif a par son article 3 condamné la société Electricité Réseau Distribution de France, venant aux droits de la société Electricité de France, et la société Electricité et travaux publics Degenève à verser solidairement à M. B... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le tribunal administratif a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels en garantis présentés par la commune de Cranves-Sales et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2015, les sociétés EDF et ERDF, représentées par la SCP Girard-Madoux et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant seulement qu'il a rejeté l'appel en garantie de la société ERDF dirigé à l'encontre de la société Electricité et travaux publics Degenève ;

2°) de condamner la société Electricité et travaux publics Degenève à relever et garantir la société ERDF de l'ensemble des condamnations prononcées par le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner la société Electricité et travaux publics Degenève à verser à la société ERDF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que

- la société EDF a transféré à la société ERDF à compter du 1er janvier 2008 les missions de service public lui ayant été confiées par les lois n° 46-628 du 18 avril 1946 et n° 2000-108 du 10 février 2000 ; la société ERDF exploite depuis le 1er janvier 2008 le réseau de distribution d'électricité et vient aux droits et obligations de la société EDF pris en tant que distributeur d'électricité ; ERDF est recevable à interjeter appel aux côtés de la société EDF à l'encontre de ce jugement et faire valoir ses droits dans le cadre de l'appel en garantie contre la société ETP Degenève ;

- la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie exercé par la société ERDF à l'encontre de la société ETP Degenève dès lors qu'à la date de la conclusion du marché entre EDF et la société ETP Degenève, EDF était un établissement public industriel et commercial ; ce n'est qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-803 qu'EDF est devenue une société anonyme, personne de droit privé dont les droits ont été repris par ERDF ; la transformation d'une personne publique en personne privée n'a pas d'incidence sur la qualification du contrat alors souscrit ; les travaux sur lequel portaient le contrat concernent un ouvrage public et une mission d'intérêt général liée à la mission de service public de distribution de l'énergie électrique ; le contrat souscrit est exorbitant du droit commun ; le contrat conclu entre EDF et la société ETP Degenève est un contrat administratif ;

- la responsabilité contractuelle de la société ETP Degenève peut être engagée dans le cadre de l'appel en garantie; EDF puis ERDF est concessionnaire des installations affectées à la distribution de l'énergie électrique ; les dommages ayant affecté la propriété de M. B...sont en lien avec la tranchée réalisée pour le compte d'EDF par la société ETP Degenève sur le domaine public de la commune de Cranves-Sales ; la société ETP Degenève a commis des fautes d'exécution dans la réalisation des travaux ; la responsabilité de la société ETP Degenève est totale malgré la réception sans réserve du 5 avril 2004 car l'article 34 du CCAG prévoit que la responsabilité contractuelle persiste après la réception des travaux notamment en cas de dommages aux tiers et après le paiement des travaux; cet article 34 du CCAG déroge aux effets classiques de la réception ;

- la société ETP Degenève ne justifie pas de ses allégations sur des dommages résultant de la conduite des travaux par EDF, ou des modalités d'exécution des stipulations du marché ou de prescriptions d'ordres de service ; l'expert judiciaire a conclu que la société ETP Degenève aurait dû prévoir les conséquences de son intervention et a commis des fautes d'exécution ; l'existence d'une faute de conception de la part d'EDF n'est pas démontrée ;

Par mémoire enregistré le 19 mai 2015, la société Electricité et travaux publics Degenève, représentée par la SCP Mermet et associés, conclut à ce que l'appel principal d'ERDF et l'appel incident soient déclarés recevables, à ce que la juridiction administrative se déclare compétente pour traiter des appels en garantie réciproques ERDF-société ETP Degenève, et à que la société ERDF soit condamnée à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées par le tribunal administratif de Grenoble. Elle conclut également à ce qu'il soit mis à la charge de la société ERDF les dépens et le versement par cette dernière d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour trancher la question des appels en garantie réciproques entre ERDF et ETP Degenève ; la juridiction judiciaire s'est déclarée incompétente pour connaître du litige ; le contrat conclu entre ERDF et elle-même est un contrat administratif car la nature juridique sauf dispositions législatives contraires s'apprécie à la date de sa conclusion ; le contrat a été conclu le 3 octobre 2003 entre EDF et elle-même avant la modification du statut d'EDF ; les contrats administratifs passés par EDF avec des cocontractants privés ne deviennent pas des contrats privés du fait de changement de statut d'EDF ; les travaux sur lesquels porte ce contrat concernent un ouvrage public et plus généralement une mission d'intérêt général liée à la mission de service public de distribution de l'énergie ; les travaux sont intervenus sur le domaine public pour l'enfouissement des réseaux électriques sur le terrain ; la juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'action en responsabilité dès lors que le dommage se rattache à des travaux publics sauf cas d'emprise, de voie de fait ou de qualité d'usager d'un service public industriel et commercial ; la juridiction administrative est également compétente pour traiter des appels en garantie ; si actuellement ce sont deux sociétés de droit privée (du fait du changement de statut d'EDF) qui exercent ces appels en garantie, elles ont participé à un travail public ;

- l'expert judiciaire a considéré que le dommage est en lien avec la création de la tranchée d'électricité sous un fossé sans que le fonds du fossé soit rendu étanche ; l'expert judiciaire a conclu que la faute relative à l'étanchéité est imputable aux documents d'études fournis par EDF et à des fautes de la commune de Cranves-Sales qui n'a pas assuré le suivi des travaux conformément à l'arrêté préfectoral dès lors que les concessionnaires intervenaient sur le domaine public, le fossé étant situé sur un terrain appartenant à la commune ; la commune n'a pas voulu procéder à l'étanchéité du fossé ; l'expert mandaté par l'assureur du tiers victime avait conclu à l'absence d'incidence de la creusée tranchée ; c'est le défaut de conception des travaux par EDF qui est la cause des désordres ;

- la réception sans réserve a mis fin à la relation contractuelle avec EDF ; elle demande à être entièrement garantie par EDF ; le maître de l'ouvrage public ne peut plus après le prononcé de la réception appeler en garantie le constructeur pour des dommages causés à un tiers ; l'article 34 du CCAG ne permet pas d'engager sa responsabilité contractuelle après réception sans réserve ;

- les désordres dont se plaint M. B...trouvent leur cause dans la conception des travaux ; les travaux ont été réalisés pour le compte, à la demande et selon les plans d'EDF ; EDF a oublié de traiter le fond du fossé ; elle a comme entrepreneur réalisé les travaux selon les règles de l'art et en respectant les consignes du donneur d'ordre en passant dans le fossé déjà existant ; il y a lieu de mettre à la charge d'ERDF les dépens de première instance et d'appel dont les frais d'expertise judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n 2004-803 du 9 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 avril 2018 :

- le rapport de Mme Cottier,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que, par jugement du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement la société Electricité Réseau Distribution de France (ERDF) venant aux droits d'Electricité de France (EDF) ainsi que la société Electricité et travaux publics Degenève à verser à M. B...une somme de 19 610,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011 et de la capitalisation des intérêts à compter du 12 avril 2012 ; que les sociétés ERDF et EDF interjettent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente les conclusions présentées à l'encontre de la société Electricité et travaux publics Degenève tendant à ce que cette société les garantisse des condamnations prononcées ; que, par la voie de conclusions en appel incident, la société Electricité et travaux publics Degenève demande à être garantie de toute condamnation par la société ERDF ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que la création par la société Electricité et travaux publics Degenève pour le compte d'EDF en 2003 d'une tranchée, ouvrage public, dans laquelle a été déposé un câble électrique sous fourreau/canalisation, et le fonctionnement de cette tranchée, qui draine les eaux du fossé d'eaux collectives pluviales situé à proximité, sont à l'origine de désordres causés à la propriété de M. B..., tiers à cet ouvrage public, désordres consistant en des venues d'eaux inondant sa propriété et ayant notamment endommagé des arbres et la voirie interne de la propriété B...; que ni la société ERDF ni la société Electricité et travaux publics Degenève ne contestent cette analyse des premiers juges sur le lien de causalité entre cette tranchée et les désordres subis par M. B... ; que n'est pas contesté en appel le montant des indemnités fixées par le tribunal administratif comme devant être versées à M. B...en réparation de tels préjudices ; que le jugement est, dans cette mesure, devenu définitif ;

Sur la recevabilité des conclusions de la société EDF :

3. Considérant qu'en application des dispositions de l'article 14 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, dans sa rédaction issue de l'article 23 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, les autorisations, droits et obligations relatifs à l'activité du gestionnaire de réseau de distribution d'électricité, consentis à EDF, établissement public à caractère industriel et commercial puis société anonyme, ont été transférés à une personne morale distincte, la société ERDF ; que ce transfert a pris effet à compter du 1er janvier 2008 ; qu'ainsi, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, à la date du jugement la responsabilité de la société ERDF était substituée à celle de la société EDF et par suite cette dernière devait être mise hors de cause ; que, dès lors, la société EDF n'a pas intérêt à agir à l'encontre du jugement du 20 décembre 2014 ; que ses conclusions, lesquelles au demeurant n'ayant pas été présentées par mémoire distinct ne peuvent regardées comme produites dans le cadre d'une intervention au soutien des conclusions d'ERDF, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Sur la régularité du jugement et la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que sauf disposition législative contraire, la nature juridique d'un contrat s'apprécie à la date à laquelle il a été conclu ; que le contrat conclu en 2003 par EDF, alors établissement public à caractère industriel et commercial, avec la société Electricité et travaux publics Degenève avait pour objet de réaliser ou faire réaliser des travaux et ouvrages de bâtiment ou génie civil ; que ce contrat a été conclu par EDF pour satisfaire à ses obligations de service public en matière de fourniture d'électricité ; que les travaux mis à la charge de la société Electricité et travaux publics Degenève par le contrat en litige avaient ainsi pour but de permettre à EDF de satisfaire à ses obligations, étaient à la date de la conclusion du contrat réalisés pour le compte d'une personne publique, dans un but d'intérêt général et présentaient en conséquence le caractère de travaux publics ; que, par suite, à la date de sa conclusion, le contrat litigieux passé entre EDF et la société Electricité et travaux publics Degenève présentait le caractère d'un contrat administratif ressortissant à la compétence de la juridiction administrative ; que la modification du statut d'EDF, devenu société anonyme à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, et la circonstance que la société ERDF est venue aux droits de la société EDF n'ont pas eu pour effet de modifier la nature juridique de ce contrat ; que, par suite et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il appartient à la juridiction administrative de connaître des appels en garantie réciproques de la société ERDF et de la société Electricité et travaux publics Degenève ; que, par suite, tant la société ERDF que la société Electricité et travaux publics Degenève sont fondées à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'appel en garantie réciproque comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que le jugement du tribunal administratif de Grenoble doit être annulé dans cette mesure ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel d'évoquer et de se prononcer sur les conclusions en appel réciproques présentées par la société ERDF et la société Electricité et Travaux publics Degenève ;

Sur les appels en garantie réciproques de la société ERDF et de la société Electricité et Travaux publics Degenève :

6. Considérant que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ;

7. Considérant que le contrat conclu en 2003 entre l'établissement public EDF, aux droits duquel est venue la société ERDF, et la société Electricité et Travaux publics Degenève stipulait que : " Cette commande est soumise 1- aux conditions particulières ci-dessous/ 2- aux modalités d'exécution (annexe)/ 3- aux conditions du CCAG 35 20 408 ", c'est-à-dire aux clauses du cahier des clauses administratives générales applicables au marché de travaux courants d'EDF ; que son chapitre IV, relatif à la réalisation des ouvrages, comprend un article 34 intitulé " Dommages causés par la conduite des travaux ou par les modalités de leur exécution " dont le paragraphe 1 stipule que : " L'entrepreneur a, à l'égard d'EDF GDF, même après paiement des travaux, la responsabilité pécuniaire des dommages aux personnes et aux biens causés par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution, sauf s'il établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de service, ou sauf si EDF, poursuivi par des tiers victimes de tels dommages a été condamnée sans avoir appelé l'entrepreneur en garantie devant la juridiction saisie " ;

8. Considérant que le contrat litigieux conclu en 2003 entre EDF et la société Electricité et Travaux publics Degenève, portant sur la réalisation de travaux de creusement d'une tranchée pour le passage d'un câble électrique sous fourreau/canalisation rend applicable les stipulations précitées de l'article 34-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux courants d'EDF ; que ces stipulations dérogent à l'effet extinctif des relations contractuelles s'attachant à la réception sans réserve des travaux ; que, par suite, la circonstance que le 5 avril 2004, EDF a prononcé la réception sans réserve des travaux exécutés par la société Electricité et Travaux publics Degenève n'est pas de nature à faire obstacle à l'engagement de la responsabilité de cette société à raison de la conduite ou des modalités d'exécution des travaux qu'elle a ainsi réalisés, dans le cadre d'un appel en garantie formé par ERDF à la suite de sa condamnation à réparer le préjudice résultant de dommages causés à un tiers, en l'espèce M.B... ;

9. Considérant que la société ERDF se prévaut de plusieurs fautes d'exécution de la part de la société Electricité et Travaux publics Degenève dans le cadre de la réalisation de la tranchée en cause ; que la société Electricité et Travaux publics Degenève expose qu'elle a respecté les consignes d'EDF ainsi que les règles de l'art et qu'EDF a commis des erreurs dans la conception des plans, dans les études et le tracé en omettant notamment la question de l'étanchéité du fossé ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise judiciaire ordonnée le 7 novembre 2006 par le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, que l'eau recueillie par le fossé collectif d'eaux pluviales s'infiltre au niveau de la tranchée réalisée par la société Electricité et travaux publics Degenève sous le fossé collectif d'eaux pluviales ; que l'expert relève que le fond du fossé n'est pas étanche et que la tranchée fonctionne comme un drain ; que l'expert souligne que " créer une tranchée, telle que réalisée sous un fossé destiné à évacuer de forts débits d'eau, sans rendre étanche le fond du nouveau fossé, est l'erreur qui a été la cause des désordres " ; que l'expert impute cette erreur " aux documents d'études fournis par EDF, à l'exécution des travaux par la société Electricité et Travaux publics Degenève, entreprise spécialisée qui devait prévoir les conséquences de son intervention et à la commune de Cranves-Sales qui devait assurer le suivi de ces travaux conformément à l'arrêté préfectoral " ; qu'il résulte de l'instruction que c'est à tort que l'expert a mentionné l'existence d'un suivi de tels travaux par la commune de Cranves-Sales ; que, par suite, doivent être retenues une faute d'EDF dans la conception des travaux à réaliser et une faute de la société Electricité et Travaux publics Degenève dans l'exécution des travaux ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de retenir un partage de responsabilité à hauteur de 50 % entre la société ERDF et la société Electricité et Travaux publics Degenève et de condamner la société Electricité et Travaux publics Degenève et la société ERDF à se garantir réciproquement à hauteur de la moitié de la somme mise à leur charge mentionnée à l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2014 ;

Sur les dépens :

10. Considérant que la société Electricité et travaux publics Degenève demande la condamnation de la société ERDF au paiement des dépens en incluant dans ceux-ci les frais relatifs à l'expertise judicaire réalisée ; que, toutefois, il ressort des mentions du jugement que les frais et honoraires de l'expertise judiciaire, diligentée par le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, utile à la solution du litige, d'un montant de 9 040,62 euros, ont été intégrés au préjudice indemnisable de M. B...et sont donc inclus dans le montant de l'indemnité mise à la charge des sociétés ERDF et Electricité et travaux publics Degenève par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2014 ; que, par suite, ils ne peuvent être regardés en l'espèce comme des dépens ; qu'il ne résulte pas de l'instruction l'existence de dépens ; que, par suite les conclusions présentées au titre des dépens par la société Electricité et travaux publics Degenève ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais relatifs au litige :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions formulées réciproquement par la société ERDF et la société Electricité et Travaux publics Degenève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions d'appel en garantie réciproques présentées par la société ERDF et la société Electricité et Travaux publics Degenève.

Article 2 : Les sociétés ERDF et Electricité et Travaux publics Degenève sont condamnées à se garantir réciproquement à hauteur de 50 % de la somme mise à leur charge par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2014.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société EDF et les conclusions de la société Electricité et Travaux publics Degenève relatives aux dépens sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société ERDF et par la société Electricité et Travaux publics Degenève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ERDF et à la société Electricité et Travaux publics Degenève. Copie en sera adressée à la société EDF.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2018.

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N°° 15LY00481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00481
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GIRARD MADOUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-31;15ly00481 ?
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