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24/05/2018 | FRANCE | N°16LY02562

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 mai 2018, 16LY02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société D.A.N.E., représentée par MeB..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 9 avril 2014 par laquelle le ministre en charge du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Drôme du 7 octobre 2013 autorisant le licenciement de M. C...A... ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n

1402957 du 13 juin 2016 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société D.A.N.E., représentée par MeB..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 9 avril 2014 par laquelle le ministre en charge du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Drôme du 7 octobre 2013 autorisant le licenciement de M. C...A... ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n°1402957 du 13 juin 2016 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2016, la société D.A.N.E., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité du 13 juin 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 9 avril 2014 par laquelle le ministre en charge du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Drôme du 7 octobre 2013 autorisant le licenciement de M. C...A... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de l'acte n'était pas compétent ;

- la décision du ministre est intervenue au-delà du délai de 4 mois lui étant imparti pour statuer sur le recours hiérarchique ce qui entache d'irrégularité la procédure ;

- le ministre aurait dû rejeter le recours hiérarchique pour tardiveté car intervenu au-delà du délai de 2 mois ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car l'entreprise disposant d'un représentant du personnel elle n'avait pas à mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié en application de l'article L. 1232-4 du code du travail ; les dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail ne prévoient pas le cas où un délégué du personnel est convoqué à un entretien préalable au licenciement ; M. A...ne justifie pas d'un préjudice ;

- le non-respect éventuel de l'obligation de mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié ne peut être sanctionné que par une indemnité financière d'un montant maximal d'un mois de salaire brut et non par l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ;

- les faits de comportement agressif et violents sont matériellement établis ; ceci justifiait un licenciement pour faute ;

M. A...a produit le 30 septembre 2016 des écritures rédigées sans ministère d'avocat. Bien qu'invité par la cour le 3 octobre 2016 à régulariser ses écritures en recourant au ministère d'avocat, M. A...n'a pas produit de mémoire par avocat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 5 avril 2018 ;

- le rapport de Mme Cottier,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que la société DANE exerçant une activité de nettoyage à destination des professionnels a recruté M. A...le 11 décembre 2006 ; que ce dernier a été élu délégué du personnel suppléant lors des élections du 26 novembre 2009 ; qu'aucun autre salarié n'a été élu lors de ces élections ; qu'à la suite de menaces proférées à l'encontre de son chef d'équipe, la société DANE l'a convoqué, par lettre du 27 août 2013, à un entretien préalable en vue de son licenciement; que, par décision du 7 octobre 2013, l'inspecteur du travail de la Drôme a autorisé le licenciement de M. A...; que, par une décision du 9 avril 2014, le ministre en charge du travail, saisi par M. A...d'un recours hiérarchique en date du 4 décembre 2013, a annulé la décision du 7 octobre 2013 autorisant le licenciement de M. A...et a refusé d'autoriser ledit licenciement ; que la société D.A.N.E interjette appel du jugement du 13 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à fin d'annulation de cette décision ministérielle ;

2. Considérant, en premier lieu, que la société D.A.N.E reprend en appel, sans apporter d'éléments ou précisions supplémentaires, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée ; que ce moyen a été écarté à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. " ;

4. Considérant, d'une part, que le délai de deux mois dont dispose le salarié pour introduire le recours hiérarchique court à compter de la date de notification de la décision de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, aucun document versé au dossier ne permet de connaître la date de notification de cette décision à M.A... ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...a eu connaissance acquise d'une telle décision le 11 octobre 2013, date de réception du courrier en lettre recommandée avec accusé de réception de son employeur datée du 10 octobre 2013 l'informant de son licenciement suite à l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail; que, par suite, le 9 décembre 2013, date d'enregistrement du recours hiérarchique de M. A...par les services ministériels, le délai de recours hiérarchique n'était pas expiré ; que dès lors, le moyen tiré de la tardiveté de ce recours hiérarchique doit être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, que la société soutient que le ministre ayant rendu sa décision le 9 avril 2014, soit plus de 4 mois après le recours hiérarchique de M. A...daté du 4 décembre 2013, cette décision ministérielle est illégale ; que, toutefois, au 9 avril 2014, date de la décision du ministre, le délai de 4 mois qui courrait à compter du 9 décembre 2013 n'était pas encore venu à expiration ; qu'à supposer même que la décision du 9 avril 2014 soit intervenue au-delà du délai de 4 mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 2422-1 et ait retiré une décision implicite de rejet née à l'expiration du délai de 4 mois, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que le ministre peut, dans le délai du recours contentieux, procéder au retrait d'une décision implicite de rejet intervenue au-delà du délai de 4 mois ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition " ; qu'aux termes de l'article R. 1232-1 du même code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. / Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. / Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié " ;

7. Considérant que si la société requérante soutient que ces dispositions s'appliquent seulement aux procédures collectives et aux salariés régis par le code du commerce, il résulte au contraire de ces dispositions que tout salarié faisant l'objet d'un licenciement a le droit de se faire assister par une personne de son choix lors de l'entretien préalable au licenciement ; que, dans l'hypothèse où l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel, la lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié de son choix inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département ; que cette information constitue une formalité substantielle ; que lorsque le salarié concerné est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, sa situation doit être assimilée à celle dans laquelle se trouve tout salarié dont l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel ; que, dans cette hypothèse, l'omission, dans la lettre de convocation adressée par l'employeur, de l'indication de la faculté de se faire assister par un conseiller du salarié entache d'illégalité la décision administrative autorisant le licenciement du salarié ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...était le seul représentant du personnel au sein de la société D.AN.E ; que la lettre du 27 août 2013 par laquelle son employeur l'a convoqué à un entretien préalable le 5 septembre 2013 mentionnait uniquement la possibilité pour l'intéressé de se faire assister, lors de l'entretien, par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l'entreprise ; que, la société D.A.N.E, en omettant de mentionner dans le courrier du 27 août 2013 la faculté dont disposait M. A...de se faire assister par un conseiller du salarié, a méconnu la procédure prescrite par l'article L. 1232-4 précité du code du travail et a entaché d'illégalité la procédure de licenciement en ne mettant pas à même M. A...de se faire régulièrement assister par ledit conseiller du salarié ; que, dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit que le ministre en charge du travail a retenu ce motif pour déclarer illégale la procédure de licenciement, annuler la décision de l'inspecteur du travail et refuser d'autoriser le licenciement de M. A...;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence de dispositions législatives ou règlementaires qui en disposeraient ainsi, la société D.A.N.E ne peut utilement faire valoir que le non-respect des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail serait seulement susceptible d'être sanctionné par une indemnité financière ;

10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'eu égard au motif d'annulation retenu par le ministre dans sa décision tiré du non-respect par son employeur de la procédure d'information de M.A..., salarié protégé, relative à la possibilité d'être assisté par un conseiller du salarié, le moyen selon lequel les faits reprochés au salarié protégé seraient établis et de nature à justifier son licenciement est inopérant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société D.AN.E n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision ministérielle du 9 avril 2014 ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société D.A.N.E demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société D.A.N.E est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société D.A.N.E, au ministre du travail et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2018.

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N° 16LY02562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02562
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP AVOCATS ASSOCIES BARTHELEMY-MERESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-24;16ly02562 ?
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