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15/05/2018 | FRANCE | N°17LY02195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 17LY02195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 février 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé son transfert aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1700793 du 5 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin et 29 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me Khanifar, av

ocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 février 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé son transfert aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1700793 du 5 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin et 29 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me Khanifar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 mai 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de ce que la décision de remise méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 et celles de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a omis de viser le règlement (UE) n° 603/2013 ;

- la décision de remise méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ;

- il n'est pas établi qu'elle aurait reçu les informations requises dans une langue qu'elle comprend, prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... née le 15 mars 1985, de nationalité russe, est entrée en France le 19 juin 2016. Elle a présenté une demande d'asile le 28 juin 2016. Les autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile en application du 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait connaître leur accord pour sa réadmission, le 30 septembre 2016. Par arrêté du 23 février 2017, le préfet du Puy-de-Dôme a décidé sa remise aux autorités polonaises. Mme B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, au point 5 du jugement attaqué, le tribunal a répondu au moyen tiré de ce que la décision de remise contestée méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'a pas omis de répondre à ce moyen.

3. En second lieu, il ne ressort pas des écritures de première instance de Mme B... qu'elle ait soulevé le moyen tiré de ce que la décision de remise méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de répondre à ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision de remise aux autorités polonaises :

4. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté de transfert ne fait pas mention du règlement (UE) n° 603/2013 est sans incidence sur sa légalité.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) ".

6. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'État français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l' application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que les brochures d'information A et B et le guide du demandeur d'asile, traduits en russe, langue qu'elle a déclaré comprendre, ont été remis à Mme B... le 6 juillet 2016 conformément au 2. de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités polonaises méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et les garanties du droit d'asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un entretien individuel avec les services préfectoraux le 6 juillet 2016 et s'est vu remettre le même jour le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires ainsi que la copie du compte-rendu de l'entretien individuel permettant de déterminer l'État membre responsable. Ainsi, elle ne pouvait ignorer qu'une procédure était engagée afin de déterminer l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un transfert aux autorités d'un autre État européen. Elle a été mise à même de s'exprimer au cours de cet entretien, ainsi que le résumé de son entretien individuel l'établit, soit en temps utile pour faire valoir ses observations. Il n'est pas établi qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision de son transfert, tout élément pertinent susceptible d'influer sur le sens de la décision préfectorale. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 17LY02195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02195
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : KHANIFAR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;17ly02195 ?
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