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15/05/2018 | FRANCE | N°16LY03681

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16LY03681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 7 mai 2015 du maire de Chalon-sur-Saône prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune de lui verser son traitement et les indemnités afférences ainsi que de rétablir ses droits auprès de l'IRCANTEC et de condamner la commune à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du harcèlement moral subi ainsi que de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros au titre

des frais irrépétibles.

Par un jugement n° 1501929 du 11 août 2016, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 7 mai 2015 du maire de Chalon-sur-Saône prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune de lui verser son traitement et les indemnités afférences ainsi que de rétablir ses droits auprès de l'IRCANTEC et de condamner la commune à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du harcèlement moral subi ainsi que de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par un jugement n° 1501929 du 11 août 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistré le 3 novembre 2016 et le 22 novembre 2016, Mme A... B..., représentée par Me Clemang, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 mai 2015 du maire de Chalon-sur-Saône prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'enjoindre à la commune de lui verser son traitement et les indemnités afférences ainsi que de rétablir ses droits auprès de l'IRCANTEC ;

3°) de condamner la commune à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du harcèlement moral subi ;

4°) de mettre à charge de la commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'insuffisance professionnelle alléguée ne pouvait être fondée sur des faits antérieurs à l'entrée en fonction du nouveau maire qui n'avaient donné lieu à aucune remarque de la part de l'ancien maire ; que les faits survenus en 2013 ne peuvent fonder une sanction en 2015 ; elle n'a exercé aucune fonction depuis l'arrivée de la nouvelle municipalité ;

- l'audit ayant fondé la décision de licenciement ne lui a pas été communiqué intégralement ;

- son intervention auprès d'un administré était appropriée comme en témoigne le procureur de la République ;

- ses compétences sont établies par les témoignages au dossier ;

- ses difficultés professionnelles avec la police nationale sont inhérentes à ses fonctions ;

- la situation de travail dégradée constitue une situation de harcèlement moral ; elle a été écartée de toutes ses fonctions, privées de ses documents et mise à l'écart dans un bureau sans moyen de communication dès l'arrivée de M. C... ; elle ne disposait pas à son retour des clés des bâtiments ;

- cette situation a conduit à un arrêt maladie ;

- son préjudice financier résultant de l'éviction illégale doit être évalué aux traitements et indemnités dont elle n'a pu bénéficier jusqu'au terme de son contrat déduction faite de son indemnité de licenciement ; elle doit être rétablie dans ses droits à pension ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2016, la commune de Chalon-sur-Saône, représentée par Me Petit, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B... à lui verser 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête d'appel n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,

- les observations de Me Sovet avocat, pour la commune de Chalon-sur-Saône,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 avril 2018, présentée par Me Petit pour la commune de Chalon-sur-Saône ;

1. Considérant que Mme B..., recrutée par la commune de Chalon-sur-Saône, en qualité d'agent contractuel pour une durée de trois ans à compter du 4 janvier 2010 pour occuper les fonctions de directrice de la prévention, de la médiation et de la tranquillité locale, a été renouvelée dans ses fonctions pour la même durée par arrêté du 31 décembre 2012 ; que, par sa requête susvisée, elle relève appel du jugement du 11 août 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2015 par lequel le maire de Chalon-sur-Saône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle et, d'autre part, à la condamnation de cette commune à réparer les préjudices qui ont résulté du harcèlement moral dont elle aurait été victime ;

Sur le licenciement :

2. Considérant qu'aucun principe général du droit ni aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisent à l'autorité administrative de prendre en compte des faits anciens pour établir l'insuffisance professionnelle d'un agent ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, le maire de Chalon-sur-Saône pouvait se fonder sur sa manière de servir avant 2014 pour prendre la décision de licenciement en litige ;

3. Considérant toutefois que s'il peut être tenu pour établi que Mme B... entretenait des rapports difficiles avec le service de police municipale avant l'arrivée de la nouvelle municipalité, il est constant que ni le maire alors en fonction, ni aucun responsable hiérarchique de la requérante ne lui avait adressé d'observation à cet égard ni demandé de modifier son comportement ; que le comportement de Mme B... à l'égard d'un administré auquel elle a fait croire qu'elle rachetait son arme afin d'éviter des troubles à l'ordre public, ne peut davantage lui être compté à charge dès lors que les responsables de la municipalité et le directeur général des services alors en place, qui ont par ailleurs attesté qu'elle exécutait ses fonctions à la satisfaction de son employeur, n'ont pas considéré que cette manière de procéder, pour peu orthodoxe qu'elle puisse paraître, était critiquable ; que le maire de Chalon-sur-Saône ne peut relever, par ailleurs, aucun grief d'insuffisance professionnelle à l'égard de Mme B... qui serait fondé sur l'appréciation qu'il aurait personnellement portée sur sa manière de servir depuis l'entrée en fonction de la nouvelle municipalité, au service de laquelle elle n'a pas été mise en mesure, comme il sera précisé ci-dessous, d'accomplir aucun travail ; qu'il ne pouvait dès lors, sans commettre d'erreur d'appréciation, se fonder sur les seuls griefs mentionnés ci-avant, lesquels se rapportent à des situations sur lesquelles son prédécesseur n'avait pas estimé devoir porter d'appréciation péjorative, pour décider de licencier Mme B... au motif allégué de sa prétendue insuffisance professionnelle ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2015 par lequel le maire de Chalon-sur-Saône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;

Sur le harcèlement moral :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.(...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des élections municipales de mars 2014, les services de police municipale et de surveillance du stationnement voie publique, le " GIP médiation locale " et le " contrat local de sécurité ", auparavant dirigés par Mme B..., ont été placés directement sous l'autorité de l'adjoint au maire chargé de la sécurité et du chef de la police municipale, la requérante étant, de ce fait, privée de ses fonctions ; que Mme B... soutient sans être contredite qu'ayant dû changer de bureau, elle a été privée de moyens de communication avec ses interlocuteurs et qu'à sa reprise du travail, le 18 août 2014, elle ne disposait plus des clés lui permettant d'accéder à son bureau ; que l'ensemble de ces éléments est susceptible de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme B... ;

7. Considérant que la commune de Chalon-sur-Saône expose que la requérante, du fait d'arrêts maladie, n'a pas travaillé sous l'autorité de l'adjoint au maire chargé de la sécurité ; qu'une telle circonstance ne permet cependant d'expliquer ni la privation des fonctions de la requérante, ni son affectation dans un nouveau bureau, l'affirmation selon laquelle la réaffectation des locaux a résulté de la nécessité de " rééquilibrer l'allocation des ressources " n'étant étayée par aucun élément précis ; que dans ces conditions, et faute pour la commune d'apporter des éléments convaincants susceptibles d'expliquer la situation dans laquelle s'est trouvée Mme B..., cette dernière doit être regardée comme établissant qu'elle a effectivement été victime de harcèlement moral ;

Sur les réparations :

8. Considérant qu'en l'absence de service fait, Mme B... ne peut prétendre au paiement du traitement et des indemnités dont elle a été privée du fait de son licenciement ; que ses conclusions tendant à de telles fins doivent, dès lors, être rejetées ;

9. Considérant, en revanche, que Mme B... a droit à la réparation intégrale des préjudices que lui a causé le harcèlement moral dont elle a été victime ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation des troubles de toute nature qui ont résulté du comportement de son employeur à son égard et du préjudice moral en relation avec ce même comportement par l'allocation d'une indemnité de 10 000 euros ;

Sur les frais du litige :

10. Considérant qu'il y a lieu de condamner la commune de Chalon-sur-Saône à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Chalon-sur-Saône ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501929 du 11 août 2016 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La commune de Chalon-sur-Saône est condamnée à verser à Mme B... une indemnité de 10 000 euros.

Article 3 : La commune de Chalon-sur-Saône versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Chalon-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

M. Marc Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 16LY03681

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03681
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

60 Responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;16ly03681 ?
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