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15/05/2018 | FRANCE | N°16LY02377

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16LY02377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 3 juin 2014 retirant sa décision implicite de rejet du recours de la SAS Ecodis contre la décision de l'inspecteur du travail de la 19ème section du Rhône du 28 novembre 2013 refusant d'autoriser son licenciement, annulant ce refus et autorisant ce licenciement ;

- de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des conséquence

s dommageables de cette décision.

Par un jugement n° 1406227 du 17 mai 2016, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 3 juin 2014 retirant sa décision implicite de rejet du recours de la SAS Ecodis contre la décision de l'inspecteur du travail de la 19ème section du Rhône du 28 novembre 2013 refusant d'autoriser son licenciement, annulant ce refus et autorisant ce licenciement ;

- de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des conséquences dommageables de cette décision.

Par un jugement n° 1406227 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2016 et le 26 mai 2017, M. D..., représenté par la SCP Revel, Mahussier, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommage et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'État, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 3 500 euros et 2 000 euros au titre des frais exposés, respectivement, en première instance et en appel.

Il soutient que :

- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur matérielle portant sur la date de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ;

- les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- il existe un lien entre son licenciement et ses mandats représentatifs.

Par deux mémoires enregistrés le 25 janvier 2017 et le 23 août 2017, la SAS Ecodis, représentée par Me Renaud, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... ou de l'État de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires de M. D...sont irrecevables ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

- les observations de Me F..., substituant Me Mahussier, avocat de M. D..., ainsi que celles de Me E..., substituant Me Renaud, avocat de la SAS Ecodis ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été embauché le 1er septembre 2008 par la SAS Ecodis, dont l'activité consiste en la fabrication d'éléments en matière plastique pour la construction, pour occuper le poste d'opérateur sur commande numérique. Il détenait les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise, délégué syndical et délégué du personnel titulaire. Il lui est reproché d'avoir fait preuve d'une négligence ayant causé des dommages à du matériel de l'entreprise, le 3 octobre 2013. Il a fait l'objet, le 4 octobre 2013, d'une mise à pied conservatoire. Le 28 novembre 2013, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son employeur à le licencier. Par lettre du 18 décembre 2013, reçue le 19 décembre 2013, la SAS Ecodis a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Le 3 juin 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet de ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. D.... Celui-ci relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre chargé du travail et à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des conséquences dommageables qu'elle a comportées pour lui.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la décision du directeur général du travail du 24 mars 2014, publiée au Journal officiel de la République française du 28 mars 2014 : " Délégation est donnée à M. C... A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. " Dès lors, M. A... était compétent pour signer la décision contestée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le recours de la SAS Ecodis contre le refus de l'inspecteur du travail de l'autoriser à licencier M. D... est parvenu au ministre chargé du travail le 19 décembre 2013. Ainsi, ce recours a été implicitement rejeté le 19 avril 2014. Si l'article 1er de cette décision mentionne une décision implicite de rejet du 19 avril 2011, et non de 2014, cette erreur matérielle reste sans incidence sur sa légalité. Cette décision implicite pouvait être retirée, pour illégalité, dans le délai du recours contentieux.

5. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions syndicales ou de représentation bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. Il ressort des pièces du dossier que le 3 octobre 2013, alors que M. D..., se trouvant aux commandes d'un pont roulant, procédait au chargement de barres d'aluminium dans un camion, le câble du palan de cet appareil a été coincé dans un montant de l'armature de la remorque. Le câble et le palan ont été endommagés ce qui a rendu le pont roulant inutilisable pendant deux semaines. La SAS Ecodis reproche à ce salarié de ne pas avoir fait face au palan lors de la manoeuvre et, ainsi, de s'être rendu compte trop tard de ce que le câble et le palan étaient pris dans un montant de l'armature de la remorque. Il ressort des termes du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 octobre 2013, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation par l'intéressé, que M. D... " a reconnu les faits qui lui sont reprochés : c'est bien lui qui a abîmé le pont et il reconnaît avoir tourné le dos pendant la manoeuvre alors que le pont n'était manifestement pas dégagé de tout obstacle ". Dans un courriel daté du 4 octobre 2013, soit le lendemain de l'incident, son supérieur hiérarchique a relaté les propos tenus par M. D... aux termes desquels il se tenait dos au palan pendant la manoeuvre en cause. Si, dans une lettre du 15 mai 2014 adressée au ministre chargé du travail, M. D... a déclaré : " je me suis dirigé vers le second fagot restant attentif à ma direction (pour ne pas trébucher sur des palettes), tout en regardant régulièrement le crochet du palan qui était sans charge ", il ressort des pièces du dossier qu'il devait se tenir immobile et suivre le mouvement du palan pendant la manoeuvre de chargement. Ainsi, l'exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés est établie.

7. Selon les éléments recueillis au cours de l'enquête menée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dont les conclusions sont consignées dans le procès-verbal de la réunion du 14 octobre 2013, " les conséquences de ce manque de surveillance et de respect des consignes élémentaires de sécurité auraient pu être très graves ". En effet, l'employeur ajoute, sans avoir été contredit, que les barres de la remorque auraient pu, sous l'effet de la pression exercée par le câble, se détacher et être projetées sur plusieurs mètres au risque de blesser quelqu'un. Si M. D... soutient que le pont roulant " n'était pas neuf " et présentait un état de vétusté, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il était défectueux et que son état serait à l'origine de l'incident, alors que la SAS Ecodis justifie d'une vérification du bon fonctionnement de cet équipement effectuée par un bureau de contrôle technique le 25 septembre 2013, soit peu de temps auparavant. M. D..., qui est titulaire d'un certificat d'aptitude aux fonctions de pontier élingueur délivré le 6 novembre 2012 et valable jusqu'au 5 novembre 2017, qui l'habilite à la conduite de ponts roulants, ne saurait, dès lors, se prévaloir de ce que les opérations de chargement et déchargement n'entraient pas dans ses attributions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme il l'allègue, cette tâche requiert la détention du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité des engins de chantier (CACES). M. D... avait fait l'objet, le 19 juin 2013 et le 16 juillet 2013, de deux avertissements dont un pour manquement aux règles élémentaires de sécurité propres à ses fonctions d'opérateur. Ainsi, le manquement aux règles de sécurité caractérisant un acte de négligence professionnelle commis par l'intéressé le 3 octobre 2013, ayant causé un grave préjudice à l'entreprise et fait courir des risques à lui-même et aux autres membres du personnel, revêt, en l'espèce, le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. D... présente un lien avec les mandats représentatifs qu'il détient.

9. En cinquième et dernier lieu, la décision ci-dessus mentionnée du 3 juin 2014 n'étant pas entachée d'illégalité, le ministre chargé du travail n'a, en la prenant, commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre chargé du travail, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. D... au titre des frais exposés à l'occasion du litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... le paiement à la SAS Ecodis d'une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la SAS Ecodis la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la SAS Ecodis et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 16LY02377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02377
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP REVEL et MAHUSSIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;16ly02377 ?
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