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15/05/2018 | FRANCE | N°16LY01169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16LY01169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 20 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 20 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1400356 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand

a annulé la décision du 20 décembre 2013 du ministre du travail, de l'emploi,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 20 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 20 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail avait refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1400356 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 20 décembre 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et mis à la charge de l'État et de la société Lafa Collectivités la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 mars 016, présentée pour la société Lafa Collectivités, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1400356 du 18 février 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du ministre du travail n'est entachée d'aucune illégalité tirée de ce qu'il n'aurait pas pris en compte la désignation de M. A..., le 17 décembre 2013, au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dès lors que le ministre aurait agi de la même façon s'il avait eu connaissance de cette désignation ;

- dès lors que, le 18 avril 2013, le comité d'entreprise a été réuni pour être informé et consulté sur le projet de licenciement de M. A..., le moyen tiré d'une irrégularité de la procédure de licenciement en raison de l'absence de consultation du comité d'entreprise préalablement au projet de licenciement économique doit être écarté ;

- aucun élément de fait n'établit une discrimination de son employeur à l'égard de M. A... en lien avec les mandats exercés ;

- la réalité du motif économique, non contesté par l'inspecteur du travail ni par le ministre, est établie ;

- l'obligation de recherche d'un reclassement a été satisfaite.

Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2016, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État et de la société Lafa Collectivités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Lafa Collectivités ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observation.

Par ordonnance du 15 novembre 2017 la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

- les observations de Me Tournaire, avocat de la société Lafa Collectivités ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Lafa Collectivités a saisi l'inspectrice du travail du Cantal, le 19 avril 2013, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif économique, concernant M. A..., salarié de la société depuis 1998, employé sur un poste de responsable " techniques industrielles " depuis 2006 et exerçant alors un mandat de délégué du personnel titulaire du collège cadre depuis le 22 février 2011. Par une décision du 20 juin 2013, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée. La société Lafa Collectivités a alors saisi le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le 18 juillet 2013, d'un recours hiérarchique contre cette décision. Une décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique est née, le 19 novembre 2013, du silence gardé par l'administration. Alors que M. A... venait d'être désigné représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le 17 décembre 2013, le ministre a, par une décision du 20 décembre 2013, retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 juin 2013 et autorisé le licenciement pour motif économique de M. A.... La société Lafa Collectivités interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ladite décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 20 décembre 2013.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

3. Dans le cas où l'inspecteur a refusé l'autorisation de licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit du salarié intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail. La légalité de la décision par laquelle le ministre, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, statue sur la demande présentée par l'entreprise, doit être appréciée au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date de la décision ministérielle.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L 2424-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de licenciement de M. A..., délégué du personnel titulaire du collège cadre, a été soumis au comité d'entreprise qui a exprimé un avis défavorable le 18 avril 2013. Ainsi qu'il a été dit, sur recours hiérarchique de la société Lafa Collectivités formé contre la décision de l'inspecteur en date du 20 juin 2013 refusant d'autoriser le licenciement de M. A..., le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, par une décision du 20 décembre 2013, a autorisé le licenciement de ce dernier alors que, le 17 décembre 2013, M. A... avait été désigné représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Dans ces conditions, le projet de licenciement aurait dû faire l'objet d'une nouvelle délibération du comité d'entreprise et, en l'absence de cette délibération, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le recours hiérarchique de la société Lafa Collectivités, ne pouvait légalement prendre une décision sur le projet de licenciement, en dépit de la circonstance, à la supposer établie, que ledit ministre n'aurait pas été informé, à la date de la décision en litige, du nouveau mandat exercé par M. A..., alors que, pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte l'ensemble des mandats détenus par le salarié.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour prendre la décision d'autorisation de licenciement en litige, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail, a apprécié la situation économique de la société Lafa Collectivités, caractérisée par des difficultés au cours de l'exercice clos en 2012, à la date à laquelle l'inspectrice du travail a statué et non, comme il aurait dû le faire, à la date où lui-même a pris sa décision. Il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il n'avait pris en compte que la situation économique de l'entreprise à la date à laquelle il s'est prononcé. Il en résulte que, ce faisant, le ministre a commis une erreur de droit.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si la société Lafa Collectivités avait initialement envisagé, dans le cadre de la réorganisation de son activité, la suppression de trois emplois et le licenciement des trois salariés qui les occupaient, seul M. A..., titulaire d'un mandat de représentant du personnel, a fait l'objet d'une procédure de licenciement. Il en ressort également que la société Lafa Collectivités, qui avait mentionné dans son projet de réorganisation soumis au comité d'entreprise qu'elle envisageait de supprimer des " postes indirects administratifs " et avait dressé un tableau relatif à l'utilisation des critères de sélection du personnel à licencier, n'a pu fournir aucune justification de la désignation du salarié protégé parmi ceux dont le licenciement était envisagé. Enfin, la société Lafa Collectivités n'a produit aucun élément de nature à contredire sérieusement les affirmations de M. A... relative aux pressions dont il avait fait l'objet depuis son élection comme délégué du personnel en 2011, alors que l'intéressé a produit notamment ses bulletins de salaires pour justifier de la disparition d'une prime importante à partir de mars 2012, des témoignages de salariés et l'organigramme de la société pour démontrer la réaffectation en 2012 du personnel qui était sous sa responsabilité, et l'absence de mention de son nom dans l'organigramme à partir de 2012. Dès lors, le licenciement de M. A... doit être regardé comme étant en lien avec le mandat exercé.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Lafa Collectivités n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 20 décembre 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lafa Collectivités, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État une somme quelconque au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lafa Collectivités est rejetée.

Article 2 : La société Lafa Collectivités versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lafa Collectivités, à M. B... A... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 16LY01169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01169
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;16ly01169 ?
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