Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie " a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2013 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a approuvé la modification n° 1 du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Meillerie et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1401015 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2015, 31 mai 2016 et 7 juillet 2016, l'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie ", agissant par son président en exercice, représentée par la SCP Sorel et associés, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 et l'arrêté attaqué du préfet de la Haute-Savoie ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise en vue de déterminer si les études réalisées suffisent à prendre en compte les aléas constatés dans la zone concernée et si les travaux réalisés sont suffisants pour justifier la réduction de la " zone rouge " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est illégal en conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2012 lequel, en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement, est entaché de vice de procédure, dès lors que le délai minimum de mise à disposition du public du projet et de l'exposé des motifs n'a pas été respecté ; qu'une telle irrégularité n'a pu être régularisée par l'arrêté du 2 juillet 2013 qui n'est que complémentaire à l'arrêté du 26 juillet 2012, qu'il n'a pas retiré ;
- c'est à tort que le préfet a opposé l'irrecevabilité du recours gracieux présenté à l'encontre de cet arrêté au motif qu'il n'était qu'un acte préparatoire et ne lésait aucun intérêt alors que son article 8 prévoyait la possibilité de recours ;
- l'arrêté en litige est illégal en conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 2013 lequel est aussi entaché de vice de procédure dès lors qu'il n'a pas fait l'objet de publication dans les conditions prévues par le I de l'article R. 562-10-2 du même code ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les risques en amont de la cascade n'ont pas été pris en compte par le bureau Hydrétudes qui n'est compétent que dans le domaine hydraulique ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en estimant que les travaux réalisés sont suffisants et justifient une réduction de la " zone rouge " ;
- ils ont dénaturé les pièces du dossier et ont commis une erreur matérielle dans la désignation des terrains concernés par la réduction de la " zone rouge " ;
- les documents visés par le plan de prévention des risques naturels de 2004 comportaient une erreur matérielle ;
- la cartographie de l'aléa torrentiel manque de précision ;
- le principe de précaution n'a pas été respecté ;
- la modification en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 562-1 du code de l'environnement ;
- la réduction de la " zone rouge " n'a pour but que de régulariser une construction irrégulière et méconnaît l'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens tirés des vices de procédure par voie d'exception sont irrecevables et qu'aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.
L'instruction a été close en dernier lieu le 8 juillet 2016 par ordonnance du 6 juin 2016, puis rouverte par ordonnance du 7 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Alfonsi, président,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
1. Considérant que par sa requête susvisée, l'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie " relève appel du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 12 décembre 2013 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a approuvé la modification n° 1 du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Meillerie ;
Sur l'exception d'illégalité :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, (...)ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté. / Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : / - soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; / - soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; / - soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques. " ;
3. Considérant, d'autre part, que selon l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1 et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) " ; que l'article L. 562-4 du même code, alors applicable, dispose : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels constituent des documents d'urbanisme tenant lieu de plan d'occupation des sols ou de plan local d'urbanisme au sens des dispositions sus rappelées de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'association requérante n'est pas recevable à soulever, pour la première fois en appel, les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 26 juillet 2012 prescrivant la modification du plan de prévention des risques naturels de la commune de Meillerie et du 2 juillet 2013, complémentaire au précédent, en raison, pour le premier, du non respect du délai minimum de mise à disposition du public du projet et de l'exposé des motifs et, pour le second, de l'insuffisance des modalités de sa publication ;
Sur les autres moyens de légalité interne :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; (...) " ; que l'article R. 562-10-1 du même code dispose : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être modifié à condition que la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan. La procédure de modification peut notamment être utilisée pour : / a) Rectifier une erreur matérielle ; / b) Modifier un élément mineur du règlement ou de la note de présentation ; / c) Modifier les documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1, pour prendre en compte un changement dans les circonstances de fait. " ;
7. Considérant, en premier lieu, que le bureau Hydrétudes a préconisé, dans son étude du 5 mai 2011, le remplacement de deux buses jugées insuffisantes pour réduire le risque d'inondation ; qu'il ressort de son analyse du 7 novembre 2011 que ce nouvel aménagement " permettra de faire transiter un débit plus important et d'éviter les débordements sur la route en rive droite pour la crue centennale et d'assurer une sécurité en cas de débordement par-dessus l'ouvrage, avec surverse et un retour au ruisseau " ; que le même bureau d'études, dans son analyse du 16 novembre 2012, a conclu que le remplacement de ces buses " DN 800 " par un ouvrage cadre 2,25*1,15, la mise en place d'un entonnement en enrochements bétonnés et le reprofilage du chemin de manière à concentrer les écoulements en cas de débordements, a permis d'améliorer grandement la situation et de supprimer les débordements sur le chemin de l'Abbaye pour la crue centennale Q100 et de diminuer le risque lié aux inondations, présent dès la crue décennale ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'étude réalisée le 5 mai 2011 par le bureau Hydrétudes, dont la compétence dans les domaines non strictement hydrauliques n'est pas sérieusement remise en cause, que le ruisseau de la Corne, classé torrent à laves dans le plan de prévention des risques, " présenterait des glissements de terrain sur la partie amont pouvant laisser supposer une activité de transports de matériaux ", mais que les données historiques laissent seulement apparaître, " à la fin du XVIIIème siècle, un glissement de terrain qui aurait alimenté ledit ruisseau et produit une lave torrentielle débordant à Meillerie " ; qu'il ressort de l'étude complémentaire du 16 novembre 2012, réalisée par le même bureau d'études, que les principaux risques de transport solide, engravements, érosions de berges, au demeurant limitées, et risques réduits d'embâcles ont été analysés et que si la vocation de l'ouvrage n'est pas de prévenir les glissements de terrain et les chutes de pierres, l'entretien, le curage du bac et l'enlèvement des embâcles constituent les précautions les mieux adaptées pour la gestion de ce risque ; qu'ainsi, et alors qu'il ressort des études précitées que les risques autres que ceux liés aux débits liquides en amont de la cascade de la Corne ont été pris en compte, l'association requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de la survenue, au mois de mai 2015, de " violentes inondations et glissements de terrain " sur le territoire d'autres communes, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait, pour ce motif, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la modification, par le préfet, du zonage réglementaire approuvé le 23 novembre 2004 est fondée sur le changement dans les circonstances de fait constitué par l'aménagement décrit au point 7, qui a permis la réduction de l'aléa fort d'inondation illustrée par la cartographie de cet aléa, dont l'imprécision alléguée n'est nullement établie, réalisée par le service de restauration des terrains en montagne qui a tenu compte des études réalisées par le bureau Hydrétudes et qui a intégré, outre les risques relatifs aux débits liquides, ceux liés au transport solide décrits au point 8 ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article L. 562-1 du code de l'environnement dont serait entachée la modification litigieuse doivent être écartés ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les études et travaux réalisés ont suffisamment tenu compte des risques et justifiaient une délimitation nouvelle de la " zone rouge " 4X de risque fort ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient, à tort, considéré que la réduction de la largeur de la " zone rouge " concernerait à la fois des terrains bâtis et non bâtis est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
12. Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de l'erreur matérielle dont seraient affectés les documents visés par le plan de prévention des risques naturels approuvé en 2004, consistant en une confusion entre les glissements de terrain ayant provoqué une crue du ruisseau des Etalins en 1888, alors que cet évènement concernait en réalité celui de la Corne, doit être écarté pour le motif retenu par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;
13. Considérant, en septième lieu, qu'en soutenant que " la morphologie de la commune est celle d'un versant assez raide peu propice à l'occupation humaine ", l'association requérante n'établit pas que le principe de précaution n'aurait pas été respecté ;
14. Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à faire état d'un arrêté préfectoral interruptif de travaux daté du 29 juin 2010, l'association requérante n'établit pas que, comme elle le soutient, que l'arrêté qu'elle conteste n'aurait été pris que dans le but, étranger à l'intérêt général, de régulariser une construction irrégulière ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise qu'elle demande à titre subsidiaire, l'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'appelante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie " est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Collectif pour le respect des lois à Meillerie " et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Marc Clément, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
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N° 15LY03075
mg