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14/05/2018 | FRANCE | N°17LY03947

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 mai 2018, 17LY03947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1705157 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé à M. B... un délai de départ vol

ontaire et la décision du même jour par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1705157 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé à M. B... un délai de départ volontaire et la décision du même jour par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à l'encontre de M. B...une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 octobre 2017 susmentionné en tant qu'il a annulé les décisions de refus de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français prises contre M. B...;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que la situation personnelle et familiale de l'intéressé constituait une circonstance exceptionnelle s'opposant à ce qu'aucun délai de départ volontaire ne lui soit accordé ; qu'en effet, le concubinage dont il se prévaut est récent et il n'a apporté aucun élément de nature à établir la date de naissance prochaine de son enfant ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision d'interdiction de retour pendant une durée d'un an méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2018, M.B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Savoie et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet de la Haute-Savoie le 8 septembre 2017 ;

2°) d'annuler ladite obligation de quitter le territoire français ;

3°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire sans délai :

- la décision a été adoptée par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée et n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation ;

- le préfet en adoptant une interdiction de retour sur le territoire français a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2018, présenté pour M.B..., par MeA..., après la clôture d'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 9l-647 du l0 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Carrier.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, est entré irrégulièrement en France en mai 2015 , selon ses dires ; qu'à la suite d'un contrôle routier, le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 8 septembre 2017, prononcé à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français sans délai et une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ; que, par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions susmentionnées de refus de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions de refus de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...demande l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français susmentionnée ;

Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant que le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Lyon a, par de décision du 20 février 2018, accordé à M. B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de départ volontaire :

3. Considérant qu'aux termes du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : ( ...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) )) ;

4. Considérant qu'il est constant que M. B...qui est entré irrégulièrement sur le territoire national n'avait, à la date de la décision attaquée, pas formellement présenté de demande de titre de séjour, même s'il avait obtenu un rendez-vous auprès des services de la préfecture en vue de déposer le 20 octobre 2016 une telle demande ; que, par suite, il entrait dans le champ d'application des dispositions précitées ; que, certes, le requérant fait valoir qu'il vivait en concubinage depuis plusieurs mois avec une ressortissante française enceinte de ses oeuvres ; que, toutefois, la vie commune avec sa concubine présentait un caractère récent et il n'est pas établi qu'à la date de la décision attaquée, le 8 septembre 2017, la naissance de son enfant présentait un caractère imminent ; que, d'ailleurs, M. B...indique dans son mémoire en défense produit devant la cour que cette naissance est intervenue à la fin de l'année 2017 ; qu'ainsi, en l'absence de circonstance particulière, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'accordant à M. B...aucun délai de départ volontaire ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, annulé la décision du 8 septembre 2017 refusant d'accorder un délai à M. B...pour quitter le territoire français ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Grenoble à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

7. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 21 novembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de la Haute-Savoie a donné à M. Guillaume Douheret, secrétaire général, délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives à l'éloignement des étrangers ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée qui fait apparaître les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ;

10. Considérant que la circonstance qu'à la date de la décision contestée, M. B...vivait depuis quelques mois en concubinage avec une ressortissante française enceinte de ses oeuvres n'est pas de nature à établir que le préfet aurait en adoptant cette décision porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, dans les circonstances susrappelées, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Considérant que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, le requérant n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ; qu'en outre, il n'est pas établi que sa compagne, née en Algérie, ne pourrait pas, le cas échéant, rejoindre M. B...dans ce pays pendant la durée de l'interdiction du territoire français dont la durée a été limitée à un an ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; qu'il ensuit que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français susvisée ;

12. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Grenoble à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

13. Considérant, en premier lieu et à supposer que M. B...ait entendu reprendre ce moyen à l'encontre de cette décision, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut être accueilli ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de la décision attaquée que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prononcer à l'encontre du requérant une interdiction de séjour d'une durée d'un an ;

15. Considérant, en troisième lieu, que dans les circonstances susrappelées au point 11, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur l'appel incident à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire français fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la situation du requérant rappelée au point 11, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M.B... ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueillie ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 8 septembre 2017 refusant d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire et lui interdisant un retour sur le territoire français pendant une période d'un an ; que l'appel incident présenté par M. B...contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli ; que les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. B...doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il annulé les décisions du 8 septembre 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est annulé.

Article 3 : L'appel incident et la demande de première instance de M. B...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

M. Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mai 2018.

2

N° 17LY03947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03947
Date de la décision : 14/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MORLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-14;17ly03947 ?
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