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26/04/2018 | FRANCE | N°17LY02922

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 17LY02922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

Par un jugement n° 1700878-1700892 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2017, M. A...B...et Mme E.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

Par un jugement n° 1700878-1700892 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2017, M. A...B...et Mme E...D..., représentés par Me Bidault, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 3 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. B...et à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Ils soutiennent que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- les décisions ne sont pas motivées quant au refus d'admission exceptionnelle au séjour pris en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce alors que la cour administrative d'appel de Lyon, par un arrêt du 15 novembre 2016, constatait que M. B...justifiait d'une résidence ininterrompue sur le territoire français de 15 ans ; les décisions ne mentionnent pas le décès de leur premier enfant inhumé en France ;

- les décisions méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'est établie sa présence en France depuis plus de 15 ans ; le couple ne présente pas de menace à l'ordre public ; ils vivent en France avec leurs enfants ; il a travaillé dès que sa situation administrative le lui a permis , leur premier enfant est décédé et est inhumé en France ; elle est suivie en France en raison de sa pathologie post-traumatique nécessitant un suivi alliant psychothérapie et traitement médicamenteux ;

- les décisions méconnaissent le 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis février 2002 et qu'elle vit en France depuis 2009 ; ces durées démontrent leur intégration et leurs attaches en France ; leur vie familiale se situe en France ; il a travaillé de 2005 à 2009 et a travaillé en qualité de stratifieur du 17 novembre 2016 au 14 février 2017 ; il établit être bénéficiaire d'une promesse d'embauche à la date de la décision critiquée ; elle bénéficie des soins réguliers compte tenu des troubles psychologiques dont elle est atteinte qui ne peuvent être délivrés qu'en France ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que leurs enfants sont nés en France ; elle ne peut retourner vivre dans son pays d'origine compte tenu des traumatismes subis ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- les décisions seront annulées en conséquence de l'illégalité affectant les refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

- les décisions seront annulées en conséquence de l'illégalité affectant les refus de délivrance d'un titre de séjour et les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

M. A...B...et Mme E...D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- et les observations de Me Bidault, avocat de M. B...A...et Mme D...E....

1. Considérant que M.B..., né en 1976 et MmeD..., née en 1986, tous deux de nationalité kosovare, sont entrés en France respectivement le 20 février 2002 et le 18 mai 2009, selon leurs déclarations ; que la demande d'asile présentée par M. B...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 5 août 2002, confirmée le 18 février 2003 par la Commission des recours des réfugiés ; que, par décision du 29 mars 2004, le ministre de l'Intérieur a rejeté sa demande d'asile territoriale ; qu'il a fait l'objet d'un premier refus de délivrance d'un titre de séjour le 10 juin 2004 ; que, le 30 août 2004, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de réexaminer sa demande d'asile, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 19 octobre 2004 ; que, le 25 novembre 2008, il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que le 28 juillet 2009, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 3 novembre 2009, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que la légalité de ce refus a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon le 7 février 2012 ; que, s'agissant de MmeD..., sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 mars 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 3 février 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le préfet du Rhône a pris à son encontre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 22 mars 2011, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon le 23 juin 2011 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon le 19 mars 2012 ; qu'après lui avoir délivré un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 6 août 2013, le préfet du Rhône a, par décision du 20 décembre 2013, refusé de renouveler ce titre ; qu'en se prévalant de sa relation avec MmeD..., M. B...a sollicité, le 25 juillet 2012, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par décision du 21 décembre 2012, le préfet du Rhône a rejeté sa demande ; que, par jugement du 10 avril 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par M. B...à l'encontre du refus de titre, décision confirmée par la cour administrative d'appel de Lyon le 30 janvier 2014 ; que, le 14 février 2013, il a sollicité la régularisation de sa situation sur le fondement de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; que, par un arrêté du 20 janvier 2015, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par un arrêt du 31 mai 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 15 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté le recours formé par M. B... contre l'arrêté du 20 janvier 2015 et a enjoint au préfet du Rhône de statuer à nouveau sur la demande de M.B... ; qu'après avoir sollicité l'avis de la commission du titre de séjour, le préfet du Rhône, par un arrêté du 3 janvier 2017, a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, le 6 juillet 2016, Mme D...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, par un arrêté du 3 janvier 2017, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. B...et Mme D...relèvent appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions préfectorales du 3 janvier 2017 ;

Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que, par un arrêt du 31 mai 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a retenu que M. B...justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que M. B... établit avoir exercé une activité salariée en France et bénéficier d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité de stratifieur ; qu'il n'est pas contesté que que son épouse, MmeD..., est elle-même présente en France depuis mai 2009 ; qu'elle présente un trouble dépressif post-traumatique sévère pour lequel elle fait l'objet depuis juin 2010 d'une prise en charge au centre médico-psychologique de Vaulx-en-Velin dépendant du centre hospitalier Le Vinatier ; que les trois enfants du couple sont nés en France, l'un y étant scolarisé ; que, de plus, l'ainée de ces trois enfants, décédée à la naissance, est inhumée à Vaulx-en-Velin ; que, par suite, et dans les circonstances particulières de l'espèce, les décisions du préfet du Rhône refusant de délivrer à M. B...et à Mme D...un titre de séjour ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce seul motif suffit à justifier l'annulation de ces décisions et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement pour son exécution que le préfet du Rhône délivre à M. B...et à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...et Mme D...et d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais liés au litige :

6. Considérant que M. B...et Mme D...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bidault, avocat de M. B...et de MmeD..., de la somme globale de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700878-1700892 du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 est annulé.

Article 2 : Les décisions du 3 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. B...et à Mme D...un titre de séjour, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. B...et à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bidault, avocat de M. B...et MmeD..., la somme globale de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

2

N° 17LY02922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02922
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-26;17ly02922 ?
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