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26/04/2018 | FRANCE | N°17LY00991

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 17LY00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 29 juillet 2016 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Drôme de mettre fin à son signalement dans l

e système d'information Schengen, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'atten...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 29 juillet 2016 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Drôme de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente et dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1605338 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 février 2017, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1605338 du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tirés d'erreurs de fait dont était entaché le refus de titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 1) et le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il est entaché d'erreurs de fait ; la décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ;

- les décisions de refus d'un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français sont illégales pour les motifs soulevés en première instance.

Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2017, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les observations de Me Letellier, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 2 février 1974 à Guelma (Algérie), est entré en France le 16 juin 2003 sous couvert d'un visa de court séjour valable trente jours et affirme ne pas avoir quitté le territoire français depuis. Il a fait l'objet, le 9 mars 2009, d'une mesure de reconduite à la frontière prise par le préfet de la Drôme. Il a présenté, le 8 novembre 2013, une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en se prévalant d'une durée de présence en France de plus de dix ans, qui a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Ardèche du 17 décembre 2013 portant également obligation de quitter le territoire français. Sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juin 2014, confirmé par la cour le 30 avril 2015. Il a présenté, le 20 juin 2016, une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le même fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 29 juillet 2016 le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des termes du considérant 8 du jugement attaqué, selon lesquels " il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué soit entaché d'erreur de fait ", que les premiers juges ont répondu au moyen soulevé par le demandeur en première instance tiré d'erreurs de fait. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité à raison d'une omission de répondre à ce moyen.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

4. M. C... se prévaut d'une présence en France depuis le mois de juin 2003, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de titre de séjour en litige. Toutefois, les documents qu'il a produits devant les premiers juges, constitués, notamment, comme l'a relevé le tribunal, d'attestations peu circonstanciées de médecins datées de 2013 et évoquant un suivi au cours des années 2006, 2007, 2008 et 2011, de quelques documents médicaux établis au cours des années 2009, 2010, 2011, d'attestations d'admission à l'aide médicale d'État pour les années 2012-2013, 2015-2016, d'avis d'imposition relatifs aux années 2014, 2015, 2016, de quittances de loyer afférentes aux années 2015 et 2016, s'ils attestent d'une présence épisodique du requérant sur le territoire, ne suffisent pas à établir une présence sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. La production par M. C... du passeport sous le couvert duquel il était entré en France en 2003 et de celui délivré en juin 2016 n'est pas davantage de nature à établir une telle présence. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. En deuxième lieu, si le préfet de la Drôme a visé, dans la décision en litige du 29 juillet 2016, un précédent arrêté, du 9 mars 2009 pris à l'encontre de " Monsieur A...se disant Benharoune B... né le 02/12/1974 à Guelma (Algérie), alias M. C...B..., né le 2/12/1974 à Daira (Algérie) ", il n'a pas, ce faisant, mentionné une usurpation d'identité dont se serait rendu coupable le requérant. Ce dernier ne peut, dès lors, invoquer une erreur de fait sur ce point. Il ne peut davantage utilement faire valoir, au soutien de ses conclusions dirigées contre le refus de titre, que le préfet de la Drôme aurait commis une erreur de fait en mentionnant dans l'arrêté préfectoral contesté qu'il avait volontairement dissimulé son identité en 2009 afin de faire échec à la procédure de reconduite à la frontière, dès lors qu'un tel motif, à le supposer erroné, a été énoncé aux seules fins de justifier l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de l'intéressé.

6. En troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. M. C..., célibataire et sans enfant à charge, ne démontre ni l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, ni la réalité de son intégration alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales en Algérie où résident sa mère, trois soeurs et un frère et que, s'il mentionne la présence en France de son père pendant une période de vingt années, il ressort du certificat de décès produit par le requérant lui-même que son père est décédé en 1992, soit bien avant l'arrivée de M. C... surle territoire français. Si le requérant se prévaut de ses relations avec une ressortissante française la seule attestation produite n'est pas de nature à établir la réalité et la nature des relations entretenues avec cette personne. Les pièces produites n'établissent pas davantage l'existence d'une réelle insertion professionnelle en France. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé doit être écarté.

8. En dernier lieu, en vertu de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du même code " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".

9. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Par la décision contestée, le préfet de la Drôme a refusé à M. C... la délivrance du certificat de résidence algérien qu'il avait sollicité sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Ces stipulations n'ont pas de portée équivalente à celle des articles visés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. C... ne peut pas utilement invoquer une méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur ce point. M. C... ne remplissant pas effectivement les conditions du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de la Drôme n'était pas non plus tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à la décision en litige à ce titre.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs retenus pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien soulevé au soutien des conclusions de la requête dirigées contre le refus de titre de séjour.

Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire et de la décision portant interdiction de retour :

12. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, au soutien des conclusions de M. C... dirigées contre la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire, tirés de ce qu'elle est insuffisamment motivée, qu'elle méconnait les droits de la défense et le principe de bonne administration consacrés par les articles 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ainsi que les dispositions de l'article L. 511 3° d) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 7-4 de la directive " retour ", doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

13. En second lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance au soutien des conclusions de M. C... dirigées contre la décision prononçant une interdiction de retour pendant une durée de trois ans, tirés de ce qu'elle est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, doivent être également écartés pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

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N° 17LY00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00991
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-26;17ly00991 ?
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