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17/04/2018 | FRANCE | N°17LY03803

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 17 avril 2018, 17LY03803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juillet 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a décidé son transfert vers l'Allemagne en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1705975 du 18 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 novembre et le 13 décembre 2017, M. B..., représenté par la

SCP Couderc, Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juillet 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a décidé son transfert vers l'Allemagne en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1705975 du 18 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 novembre et le 13 décembre 2017, M. B..., représenté par la SCP Couderc, Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 18 août 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain d'enregistrer sa demande d'asile et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- si un relevé de ses empreintes a été pris à la préfecture de police de Paris, où il a demandé l'asile, le préfet doit produire le dossier correspondant ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ; en particulier, elle ne comporte aucun élément sur la détermination de l'Etat responsable, comme l'exige l'article 3 du règlement ;

- elle n'a pas été prise après un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 29 du règlement Eurodac.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ain qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Zouine, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 19 janvier 1985, a demandé l'asile dans les services de la préfecture du Rhône le 11 mai 2017. Le système Eurodac a révélé qu'il avait demandé l'asile en Allemagne le 23 mars 2016. Le 9 juin 2017, les autorités de ce pays ont donné leur accord à sa reprise en charge. Le 10 juillet 2017, le préfet de l'Ain a décidé son transfert vers l'Allemagne en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, si M. B... allègue avoir demandé l'asile à la préfecture de police de Paris et soutient que " si un relevé d'empreintes a été effectué " à cette occasion, le préfet doit produire le dossier correspondant à cette demande, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas produit l'intégralité du dossier de la demande d'asile présentée par le requérant.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. (...) ".

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. (...) L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

5. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".

6. Il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'ont été remis à M. B...le 11 mai 2017 les brochures A et B relatives à la procédure Dublin et le guide d'accueil du demandeur d'asile, en langues farsi et pashtou, ainsi que la copie du résumé de l'entretien individuel. Le compte rendu de cet entretien mentionne que l'intéressé comprend l'anglais, le pashtou et le farsi. Le résumé de l'entretien indique qu'il s'est déroulé en arabe et en anglais. Si l'intéressé déclare ne pas maîtriser la langue arabe, il ne conteste pas comprendre l'anglais. Dans ces conditions, son droit à l'information garanti par les dispositions précitées n'a pas été méconnu.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. "

9. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa reprise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit comporter, d'une part, tous les éléments de preuve et indices qui permettent de déterminer la responsabilité de l'État membre requis pour l'examen de la demande de protection internationale et, d'autre part, l'article du règlement sur la base duquel la requête aux fins de reprise en charge a été présentée audit Etat membre, parmi ceux visés à l'annexe III du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014.

10. La décision contestée vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanisme de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Cette décision énonce que la consultation du système " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait présenté, le 23 mars 2016, une demande d'asile en Allemagne, que la demande d'asile présentée par l'intéressé relevait, conformément aux dispositions de l'article 18, paragraphe 1, point d) du règlement n° 604/2013, de la compétence de l'Allemagne et qu'il n'était pas démontré que l'intéressé avait quitté le territoire des Etats membres pendant une durée au moins égale à trois mois. Elle mentionne également l'accord de réadmission explicite des autorités allemandes du 9 juin 2017, suite à la demande de reprise en charge que le préfet du Rhône avait adressée aux autorités allemandes le 8 juin 2017. Ainsi, la décision comporte les éléments de fait ou de droit permettant d'identifier le critère retenu par le préfet pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, qui pouvait, à la seule lecture de la décision en litige, connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités allemandes et être, ainsi, mis à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. Dès lors, la motivation de cet arrêté, qui comporte par ailleurs l'énoncé de l'ensemble des éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisante.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier du résumé de l'entretien de M. B... en préfecture, que l'intéressé avait déposé une demande de protection en Hongrie avant de se rendre en Allemagne, où il a présenté une demande d'asile. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 selon lesquelles : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. "

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en s'abstenant de tenir compte des difficultés alléguées de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de la cour,

M. A... et M. E..., présidents de chambre,

M. Seillet et Mme F..., présidents-assesseurs,

Mme D... et M.C..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 avril 2018.

2

N° 17LY03803

mpd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 17LY03803
Date de la décision : 17/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-17;17ly03803 ?
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