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12/04/2018 | FRANCE | N°17LY02791

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 avril 2018, 17LY02791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 14 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1701935 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête enregistrée le 18 juillet 2017, M. A... B..., représenté par la Selarl BS2A Bescou ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 14 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1701935 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, M. A... B..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier, avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce que le préfet a considéré à tort qu'il était de nationalité russe et a examiné sa situation au regard de la disponibilité des soins en Fédération de Russie et non en République d'Arménie ; ce refus méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en fixant la Russie comme pays de renvoi alors qu'il n'est pas de nationalité russe.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et notamment le VI de son article 67 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 18 mai 1995 en Arménie, déclare être arrivé en France au cours du mois de mai 2014. Le 20 septembre 2016, il a demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 14 février 2017, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). ".

3. Dans sa demande de titre de séjour et dans une " déclaration sur l'honneur " datées du 20 septembre 2016, M. B... a indiqué être de nationalité russe. S'il soutient qu'il possède la nationalité arménienne, et produit, pour la première fois en appel, un passeport arménien délivré le 28 juillet 2015, cette seule circonstance ne permet pas d'établir qu'il n'a pas également la nationalité russe et qu'il ne pourrait pas être admis en Russie. Dès lors, le préfet, qui n'a pas commis d'erreur de fait ni d'erreur de droit en mentionnant que l'intéressé se déclarait de nationalité russe, a pu légalement examiner la disponibilité des traitements nécessaires à ses pathologies au regard de la situation existant en Russie.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, M. B..., qui souffrait de la maladie de Hodgkin, a bénéficié d'un traitement par chimiothérapie et d'une autogreffe. Il est en état de rémission et a besoin d'un suivi hématologique semestriel mais reste atteint, du fait des traitements reçus, d'une insuffisance cardiaque grave et de troubles pneumologiques majeurs. Par avis du 10 octobre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas en Russie.

5. Toutefois, le préfet du Rhône, qui n'est pas lié par cet avis, a refusé à M. B... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 en estimant, au contraire, que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié en Russie, en se fondant sur les informations fournies par le médecin conseil de l'ambassade de France à Moscou selon lesquelles les pathologies dont souffre le requérant peuvent être traitées en Russie, pays qui, au demeurant, peut offrir des soins de qualité dans toutes les spécialités et où les infrastructures médicales sont bonnes. M. B... produit des certificats médicaux qui ne contiennent aucun élément de nature à remettre en cause ces informations sur la disponibilité de soins en Russie. Dès lors, en refusant le titre de séjour sollicité, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. B... est entré irrégulièrement en France au cours du mois de mai 2014, soit deux ans et neuf mois avant la décision en litige. Célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français et n'allègue pas disposer d'attaches familiales en France, alors qu'il conserve des attaches en Russie, où réside notamment sa mère. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet du Rhône établit qu'un traitement approprié aux pathologies de M. B... est disponible en Russie. En conséquence, eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étranger qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. B... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux décisions prises à compter du 1er novembre 2016 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

11. M. B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 14 février 2017. Ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les motifs énoncés aux points 4 et 5, l'obligation de quitter le territoire français faite à M. B... ne méconnaît pas ces dispositions.

14. Enfin, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle pourrait comporter pour la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

15. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

16. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...). ".

17. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de droit en regardant M. B... comme un ressortissant russe et en fixant la Russie comme pays de destination.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, 12 avril 2018.

2

N° 17LY02791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02791
Date de la décision : 12/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-12;17ly02791 ?
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