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03/04/2018 | FRANCE | N°16LY02302

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 avril 2018, 16LY02302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Aubert Développement a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1306252 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2016, la SAS Aubert Développement, repr

ésentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Gren...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Aubert Développement a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1306252 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2016, la SAS Aubert Développement, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 9 mai 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS Aubert Développement soutient que :

- le tribunal administratif de Grenoble n'a pas pris en compte les circonstances particulières de la transaction, ni tenu compte du principe de liberté de gestion ;

- les circonstances de la cession des parts n'ont eu ni pour objet ni pour effet de diminuer la matière imposable de l'opération d'ensemble ; le Trésor n'a subi aucun préjudice ;

- le prix de revente des actions était égal à leur valeur d'apport ; l'acte anormal de gestion n'est pas établi ; les termes de comparaison ne suffisent pas à démontrer la minoration du prix de cession ;

- la circonstance que la SAS aurait eu connaissance du prix de vente des actions du bloc de contrôle n'est pas de nature à démontrer que le prix serait anormalement bas ; la cession s'est faite dans des conditions extrêmement favorable pour les cédants, même au prix consenti par la SAS, compte tenu de sa participation minoritaire et de son inactivité dans la société cédée ;

- subsidiairement, l'existence d'une libéralité taxable à son profit est exclue dès lors que le prix de cession était identique à la valeur d'apport des titres ;

- il appartient, le cas échéant à l'administration de corriger la valeur des titres inscrit à son actif lors de leur apport ; dans ce cas, il y a lieu de constater une diminution de l'actif net égale à la correction du prix de cession opéré par l'administration soit 170 000 euros en application de l'article 38-2 du code général des impôts de l'article 38 quindecies de l'annexe III audit code et de la doctrine administrative ;

- en écartant son moyen tiré du caractère illégitime des impositions au regard des principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt, de légalité des délits et des peines, de proportionnalité à la capacité contributive des citoyens au seul motif que l'administration a légalement corrigé le prix de vente des actions, le tribunal administratif de Grenoble a insuffisamment motivé son jugement ;

- le redressement est dépourvu de base juridique légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la SAS Aubert Développement n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS Aubert Développement ;

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiées (SAS) Aubert Développement a cédé le 23 février 2007, pour une somme de 400 000 euros, les trente actions de la société France Présence qu'elle détenait. Elle a fait l'objet au cours de l'année 2009 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 15 février 2007 au 31 décembre 2008 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 26 janvier 2010, un supplément d'impôt sur les sociétés justifié par la circonstance que les actions cédées l'avaient été à un prix de cession inférieur à leur valeur réelle. Après rejet de ses observations par l'administration, la SAS Aubert Développement a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est déclarée incompétente pour connaître du litige. L'administration a maintenu le rehaussement à l'issue des entretiens de la société avec le supérieur hiérarchique et l'interlocuteur départemental. Après mise en recouvrement de l'imposition litigieuse, la SAS Aubert Développement a bénéficié de la remise intégrale des intérêts de retard par décision du 9 juin 2011. Suite au rejet de sa réclamation, la société a saisi du litige le juge de l'impôt. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 9 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes.

Sur l'étendue du litige :

2. Comme il a été dit précédemment, la SAS Aubert Développement a, par une décision du 9 juin 2011, obtenu la remise totale des intérêts de retard. Les conclusions tendant à leur décharge sont, par suite, irrecevables à hauteur d'une somme de 1 748 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". En vertu de ces dispositions, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable. La cession de biens à un tiers à un prix notablement inférieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt, l'avantage consenti répondant à un objectif de développement. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession constitue, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

4. La valeur vénale d'actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Le juge vérifie que l'administration a employé l'ensemble des méthodes pertinentes. Le critère principal d'évaluation, celui qui, en principe, a priorité sur tous les autres, est celui du prix auquel ont été conclues d'autres transactions portant sur les titres de la même société et se présentant dans des conditions équivalentes, à la condition que ces transactions aient été effectuées dans un délai raisonnable y compris s'agissant de porteurs minoritaires par rapport à une cession intervenue la même année portant sur la majorité des titres et dont le prix était identique à celui retenu quelques mois plus tard lors de la prise de contrôle de la société par un tiers.

5. Le juge opère une distinction selon que la cession permet ou non à l'acquéreur de prendre le contrôle de la société. La valeur vénale des titres peut être, en cas de prise de contrôle, supérieure à la valeur de négociation des mêmes titres lorsque leur cession est sans effet sur le contrôle. Des transactions effectuées à une date très proche, voire le même jour, peuvent ne pas être retenues lorsqu'elles ne sont pas assorties des mêmes contreparties. Si l'administration admet que soit pratiqué sur le prix de vente des décotes pour non liquidité des titres lors que l'investisseur est prêt à rémunérer la liquidité des titres ou en cas de contraintes juridiques ou contractuelles affectant les titres des actionnaires minoritaires elle l'exclue en présence de pactes d'actionnaires comportant des avantages fiscaux ou en termes de contrôle de la société.

6. Il résulte de l'instruction que la cession des titres litigieuse a été effectuée dans le cadre d'une cession globale de l'entreprise France Présence, la SA ONET ayant acquis, par un acte de vente unique, l'ensemble des cent titres de cette société pour un montant global de 1 900 00 euros. L'administration a constaté que les trente titres vendus par la SAS Aubert Développement l'avaient été à un prix de 13 333 euros par action, inférieur au prix de cession des titres de la même entreprise, détenus par les autres actionnaires pour une valeur unitaire de 21 428 euros. Cet écart de prix étant significatif, supérieur à 20 %, l'administration en a déduit l'existence d'une minoration de prix qui en l'absence de contrepartie de nature à justifier l'intérêt de la SAS Aubert Développement est constitutive d'un acte anormal de gestion. Pour justifier l'écart de prix, la SAS Aubert Développement, qui se prévaut de la liberté de gestion, soutient qu'elle ne disposait pas du même pouvoir de négociation du fait de sa situation d'actionnaire minoritaire et de son absence d'implication dans la gestion de l'entreprise cédée. Toutefois, l'administration a relevé que si la SAS Aubert Développement détenait 30 % des parts, les autres associés à hauteur de 30 % et 40 %, pris individuellement, ne détenaient pas davantage la majorité des parts sociales. La circonstance qu'elle ne participait pas à la gestion de l'entreprise est sans incidence sur le prix des actions alors que l'analyse de l'acte de cession a permis à l'administration de relever que les autres détenteurs de titres bénéficiaient d'un éventuel complément de prix conditionné par la réalisation d'un objectif de chiffre d'affaires. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve du caractère minoré du prix constitutif d'un acte anormal de gestion en l'absence de contrepartie justifiant l'imposition du profit non comptabilisé correspondant.

7. Subsidiairement, la SAS Aubert Développement entend se prévaloir des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts pour démontrer l'absence de matière imposable. Toutefois, l'appelante ne peut utilement réclamer l'application de la correction symétrique des bilans par la correction à son actif de la valeur d'apport des titres dès lors que la prescription se traduit par l'intangibilité du bilan d'ouverture. En outre, le rehaussement à l'impôt sur les sociétés litigieux résulte de l'imposition d'un profit non comptabilisé correspondant à la minoration du prix de cession des parts modifiant le bénéfice net déterminé conformément aux dispositions du 1. de l'article 38 du code général des impôts.

8. La SAS Aubert Développement ne peut utilement se prévaloir du sursis d'imposition de la plus-value qu'elle aurait réalisée en cas de prix de vente plus important.

9. S'agissant d'une cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, la SAS Aubert Développement ne peut utilement invoquer l'absence d'une intention libérale.

10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".

11. A supposer que la SAS Aubert Développement ait entendu invoquer la garantie résultant des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle n'est pas fondée à le faire dès lors que les termes de la doctrine administrative 4 D-1322 n°7 du 26 novembre 1996 reprise au BOFIP BOI-BIC-AMT-10-30-30-20 n°60 relative à l'évaluation des biens apportés est sans incidence sur l'appréciation du présent litige.

12. Le moyen tiré de la méconnaissance des principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt, de légalité des peines et des délits et de proportionnalité à la capacité contributive des citoyens est inopérant à l'encontre d'une imposition établie conformément à la loi fiscale.

13. Faute pour la SAS Aubert Développement d'avoir présenté, par mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité, elle ne peut soutenir devant le juge de l'impôt que le rehaussement litigieux porterait atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt, de légalité des peines et des délits et de proportionnalité à la capacité contributive des citoyens.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Aubert Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Aubert développement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Aubert Développement et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., première conseillère,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 avril 2018.

2

N° 16LY02302

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02302
Date de la décision : 03/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : YDES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-03;16ly02302 ?
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