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22/03/2018 | FRANCE | N°15LY00599

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2018, 15LY00599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2012 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mutation d'office avec effet au 1er juillet 2012.

Par le jugement n° 1207549 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 20 février 2015 et le 7 novembre 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

) d'annuler le jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2012 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa mutation d'office avec effet au 1er juillet 2012.

Par le jugement n° 1207549 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 20 février 2015 et le 7 novembre 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de l'État (ministre de l'intérieur) la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- sa mutation d'office a été décidée au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le dossier individuel qui lui a été communiqué n'était pas complet ; c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la décision de mutation d'office dont il a fait l'objet était sans lien avec le blâme qui lui avait été infligé en 2009 ; c'est également à tort qu'il a jugé que la présence du sous-directeur à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur n'a pas vicié la procédure alors qu'il n'était pas mandaté pour siéger à la commission administrative paritaire ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la décision de mutation d'office était sans lien avec le harcèlement moral dont il a été victime ;

- c'est également à tort qu'il a jugé que sa mutation d'office a été décidée en raison des relations conflictuelles qu'il entretenait avec sa hiérarchie et des conséquences qu'elles avaient sur le bon fonctionnement du service ; les rapports sur lesquels se fonde la mutation d'office révèlent des motifs étrangers à l'intérêt du service qui ne sont pas matériellement établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué du 19 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la requête de M. B....

Le ministre, qui se réfère au mémoire en défense produit en première instance, fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé et que l'appelant ne démontre pas que le harcèlement moral serait établi ; la mutation est intervenue en raison des mauvaises relations entre l'agent et sa hiérarchie entraînant une perte de confiance néfaste au bon fonctionnement du service ; cette mutation n'est en rien une sanction déguisée.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B...a été constatée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date 18 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice, notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2007-1329 du 10 septembre 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A...B..., attaché principal de l'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, était affecté en tant que contrôleur de gestion à l'Institut national de la police scientifique (INPS) depuis le 1er août 2007 ; que, par une décision du 15 juin 2012, le ministre de l'intérieur a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service, à compter du 1er juillet 2012, sur un poste d'attaché à la division " anticipation des crises et anticipations " à la préfecture de la zone de défense et de sécurité sud-est - état major interministériel de zone - DACP ; que M. B...a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 19 décembre 2014 dont il relève appel, a rejeté sa demande ;

Sur la légalité externe de la décision contestée :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 visée ci-dessus : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à cette mesure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...avait été informé, par courrier du 7 mai 2012, que les rapports du directeur de l'INPS faisaient état d'un climat de travail dégradé engendré par des dissensions et des relations de travail difficiles avec sa hiérarchie de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service et qu'il serait procédé à sa mutation d'office en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ; que ce même courrier informait M. B...du poste sur lequel sa mutation était envisagée et l'invitait à prendre connaissance de son dossier administratif ; que M. B...fait valoir que son dossier, qu'il a pu consulter le 29 mai 2012, ne comportait plus que 606 pièces au lieu des 1472 pièces qu'il comptait en 2009 et ne comprenait pas les rapports de l'autorité hiérarchique, notamment ceux datés des 18 novembre 2011, 28 juin 2011 et 24 novembre 2009 produits en première instance par le ministre, ni des documents, qui lui étaient favorables, relatifs à sa manière de servir ;

4. Considérant que, d'une part, même si les rapports datés du 18 novembre 2011, du 28 juin 2011 et du 24 novembre 2009 établis par le directeur de l'INPS ne figuraient pas dans son dossier, comme le soutient M. B..., ce dernier a pu consulter celui du 11 octobre 2010 qui relatait de façon complète et circonstanciée les relations conflictuelles existant avec sa hiérarchie et établissait l'opportunité d'une mutation dans l'intérêt du service ; que la seule circonstance qu'il n'ait eu communication que du rapport du 11 octobre 2010, alors qu'il ne soutient ni n'établit avoir sollicité la communication des autres, n'a pas porté atteinte à ses droits à la défense dès lors qu'il connaissait les éléments sur la base desquels le directeur de l'INPS avait demandé sa mutation d'office, qui lui étaient rappelés par le courrier du 7 mai 2012 ; que, d'autre part, l'absence au dossier d'éléments qui lui étaient favorables est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que la communication du dossier a pour objet de permettre à l'agent de présenter utilement sa défense contre la mesure envisagée à son encontre ; qu'enfin, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si M. B...soutient que son dossier n'aurait plus dû comporter le blâme dont il avait fait l'objet en 2009, cet argument est inopérant dès lors que la décision en litige est sans lien avec ce blâme ; qu'il appartiendra seulement à M. B..., s'il s'y croit fondé, de demander à l'administration d'effacer cette sanction de son dossier ; que, par suite, le moyen de M. B... tiré de la méconnaissance du droit à la communication de son dossier doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le sous-directeur à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, précédemment directeur-adjoint de l'INPS, a assisté, sans voix délibérative, à la réunion de la commission administrative paritaire du 31 mai 2012 au cours de laquelle a notamment été examinée la mutation d'office dans l'intérêt du service de M. B... ; que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce sous-directeur se soit exprimé au sujet de cette mutation d'office au cours de cette séance de la commission qui examinait les demandes de mutation des agents du corps pour toute la France ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que sa présence à cette réunion a entaché d'irrégularité l'avis de la commission administrative paritaire et, partant, la procédure suivie ;

Sur la légalité interne de la décision contestée :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ci-dessus visée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus " ;

7. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction ;

8. Considérant que M. B... évoque une série d'évènements et de décisions le concernant survenus en 2008, 2009, 2011 touchant à ses congés, ses prérogatives, ses moyens de travail, sa notation et ses primes et lui opposant des refus de formation, ainsi que des reproches sur le non-respect de règles existantes ; que l'ensemble des faits qu'il évoque et des éléments qu'il produit à l'appui de ses écritures établit certainement l'existence d'une ambiance de travail dégradée et des relations conflictuelles avec sa hiérarchie mais ne fait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral de celle-ci à son encontre au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précité ; qu'en particulier, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si M. B... avait été invité à rester à son domicile entre la fin, en mars 2011, du congé de maladie qui lui avait été accordé depuis octobre 2009, et sa mutation d'office le 15 juin 2012, il avait accepté cette situation, justifiée par les différents avis médicaux qui avaient préconisé qu'il ne reprenne pas ses fonctions à l'INPS à l'issue de son arrêt de travail et jugé nécessaire de lui laisser un temps suffisant pour obtenir une mutation choisie ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de mutation d'office dont il a fait l'objet est illégale pour s'inscrire dans la continuité d'un harcèlement moral dont il aurait été victime ;

9. Considérant que la décision prononçant la mutation de M. B... a été prise en raison des relations conflictuelles qu'il entretenait avec ses supérieurs hiérarchiques ; que ces relations difficiles et les conséquences qu'elles avaient sur le bon fonctionnement du service sont établies par les pièces du dossier, de sorte que cette mutation ne saurait revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conflit que M. B... entretenait avec sa hiérarchie ne tenait pas seulement à des mésententes personnelles mais résultait du décalage existant entre la vision qu'il avait de ses fonctions et de son positionnement au sein de l'INPS, très différente de celle de sa hiérarchie ; que, dès lors, la circonstance qu'à la date à laquelle cette mutation est intervenue, elle ne répondait plus, selon M. B..., à l'intérêt du service puisque le directeur de l'INPS avec lequel il avait été en conflit avait quitté cette fonction, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2018 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2018.

5

N° 15LY00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00599
Date de la décision : 22/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CAYUELA-DAINO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-22;15ly00599 ?
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