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08/03/2018 | FRANCE | N°17LY00429

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 17LY00429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SNC Pharmacie A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010.

Par un jugement n° 1405730 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2017, présentée pour la SNC Pharmacie A..., et des mémoires

enregistrés les 14 et 26 juin 2017, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1405...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SNC Pharmacie A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010.

Par un jugement n° 1405730 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2017, présentée pour la SNC Pharmacie A..., et des mémoires enregistrés les 14 et 26 juin 2017, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1405730 du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure était irrégulière dès lors que tout contrôle inopiné effectué antérieurement au 8 décembre 2013 dans le cadre duquel l'administration fiscale a réalisé des copies des fichiers informatisés était nécessairement nul, puisque réalisé sans autorisation de la loi et, donc, que les opérations réalisées le 24 mai 2012 outrepassaient le cadre prévu par l'article L. 47 alinéa 4 du livre des procédures fiscales, alors qu'il n'a pas été contesté par l'administration fiscale que le vérificateur a emporté un exemplaire de l'état des constatations matérielles et des annexes y afférentes ; il ne peut être valablement soutenu que les annexes 2 à 8 procédaient uniquement d'un inventaire des noms des fichiers informatiques sans information sur leur contenu ;

- la violation des dispositions de l'article L. 47-A II du livre des procédures fiscales vicie la procédure de contrôle dont la société Pharmacie A...a fait l'objet ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire, à défaut d'un dialogue évolutif et constructif sur les méthodes de reconstitution des recettes de la pharmacie et la détermination du panier moyen au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi qu'en l'absence d'informations précises sur le CD-rom joint à la proposition de rectification et dont les fichiers ne font pas état de la détermination des paniers moyens des exercices clos les 30 juin 2009 et 30 juin 2010 des jours avec et sans prélèvement ; en outre, un rapport d'expertise obtenu dans le cadre d'une affaire judiciaire intéressant une autre pharmacie, utilisant le logiciel Alliance+, n'a jamais été communiqué à la contribuable et il n'était pas joint en annexe à la proposition de rectification ni même à la réponse aux observations du contribuable ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée, au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, à défaut de mentionner les modalités de détermination des paniers moyens des recettes en espèces des exercices clos en 2009 et 2010 et de joindre les fichiers nécessaires à la validation de la méthode de reconstitution des recettes de l'officine à partir des discordances entre l'historique des sorties et les ventes ; elle ne comporte aucun fichier lui permettant de contester utilement la position de l'administration, l'ayant obligée à opérer à son niveau des traitements informatiques couteux pour apprécier la pertinence de la position de l'administration ;

- dès lors que M. A..., au cours des opérations de vérification, a toujours nié faire partie des titulaires d'officines qui auraient usé de certaines " fonctionnalités " du logiciel Alliance+ pour occulter des opérations imposables, le simple fait que la Pharmacie A...possède et utilise ce logiciel de gestion n'implique pas, de facto, que sa comptabilité comporte des anomalies susceptibles d'engendrer son rejet ou qu'elle ait utilisé la fonction " traitement écritures règlements ", et l'administration fiscale a failli dans sa démonstration de l'existence de recettes omises ;

- il existe de sérieux doutes sur la véracité des constatations opérées par l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société PharmacieA..., s'agissant en particulier des quantités vendues, dès lors qu'alors qu'il ressort des propres conclusions de l'expert judiciaire que les ventes qui mettent en cause des tiers ne peuvent " disparaître " même si elles sont payées en espèces, le vérificateur, afin de reconstituer les " prétendues " recettes TTC omises, n'a exclu que les opérations " tiers-payant " et " rétrocession " à l'exclusion des ventes " commerciale " et " ordonnance " et a intégré dans l'étude des quantités vendues des médicaments qui relèvent des listes I et II, c'est-à-dire des produits qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale et donc qui figurent sur l'ordonnancier de la pharmacie et donnent lieu à des ventes du type " tiers-payant " ou " ordonnance " ;

- l'étude réalisée sur les quantités vendues ne pouvait être retenue comme présentant un caractère de gravité suffisant de nature à ôter tout caractère probant à la comptabilité motivant le rejet de comptabilité et la reconstitution des recettes de la PharmacieA... ; la gestion informatique des factures en attente, qui génère des trous dans les chronos manquants, est totalement étrangère à un quelconque procédé de fraude destiné à dissimuler des recettes ;

- les méthodes de reconstitution des recettes employées par le vérificateur sont radicalement viciées dans leur principe et dans leur montant, dès lors, en premier lieu, qu'elles tiennent compte d'opérations qui mettent en cause des tiers, alors que, selon le rapport d'expertise, il n'est pas possible de réajuster de telles opérations, en deuxième lieu, qu'elles ne respectent pas le principe de spécificité des exercices, puisque de supposées anomalies constatées sur un exercice ne peuvent être extrapolées à un autre exercice et que l'administration fiscale ne fournit aucun élément qui étaye sa position et plus particulièrement le fait que les conditions d'exercice de l'activité de la société Pharmacie A...auraient été identiques sur les deux exercices 2008-2009 et 2009-2010 et, en dernier lieu, que ces méthodes sont incohérentes dès lors que l'administration a déterminé un montant de recettes espèces TTC (déclarées + reconstituées) largement inférieur au montant des recettes espèces TTC réellement encaissé et déclaré par la société Pharmacie A...et ayant servi à la détermination des résultats fiscaux sur la période du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010 ;

- dans l'arrêt définitif de la cour d'appel de Lyon du 20 février 2017, qui a prononcé la relaxe de M. A... du chef de fraude fiscale, le juge pénal a relevé le manque de fiabilité de l'exploitation des données informatisées de la société PharmacieA... ;

- il n'est aucunement démontré par l'administration fiscale que le mot de passe qui permettrait de supprimer certaines opérations de l'historique de la caisse en cours a été transmis à M. B... A..., alors que sa mère était en fonction à l'époque de la transmission de ce mot de passe par l'éditeur du logiciel Alliance+, et elle ne démontre pas non plus que M. B... A...aurait eu connaissance du mot de passe délivré en 2004, ni qu'il aurait volontairement et à une date précise supprimé le fichier-mouchard ; elle est donc fondée à contester l'application de la majoration de 80 %.

Par des mémoires, enregistrés le 21 juin 2017 et le 7 février 2018, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où la cour jugerait que l'existence de manoeuvres frauduleuses n'a pas été démontrée, il demande à ce que soient substituées aux majorations de 80 % prévues au c. de l'article 1729 du code général des impôts, les majorations de 40 % pour manquement délibéré prévues au a du même article, dès lors que cette substitution de base légale ne prive la contribuable d'aucune garantie de procédure et que les faits invoqués par l'administration au soutien de cette demande de substitution ont déjà été retenus pour motiver les pénalités initialement appliquées.

Un mémoire enregistré le 9 février 2018, présenté pour la SNC Pharmacie A..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Mossé, avocat de la SNC PharmacieA... ;

1. Considérant que la SNC PharmacieA..., dont le gérant et unique associé est M. B... A..., exploite une officine de pharmacie à Saint-Romain-en-Gal (Rhône) ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010 ; qu'après la remise d'un avis de contrôle au dirigeant de cette société, le 24 mai 2012, il a été procédé, dans les locaux de l'entreprise, à un contrôle inopiné concernant notamment les écritures enregistrées sur le logiciel Alliance + utilisé pour la tenue de la comptabilité de cette officine ; qu'à l'issue de ce contrôle, après avoir écarté la comptabilité de l'entreprise et reconstitué ses recettes, l'administration l'a déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ces rappels, établis selon la procédure contradictoire, étant assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la SNC Pharmacie A...relève appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés doit indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions ;

4. Considérant que, par un courrier du 31 mai 2012, la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, a été informée du souhait du vérificateur de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes ; que cette correspondance se bornait à indiquer que ces traitements porteraient sur : " - des montants des ventes et des règlements / - des taux de TVA appliqués aux articles vendus / - des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits / - des opérations réalisées en caisses comprenant en particulier les procédures de correction et d'annulation utilisées notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés. / Pour réaliser ces traitements, il sera nécessaire d'utiliser les données fournies par le logiciel ALLIANCE PLUS afin de pouvoir exploiter les informations relatives à la gestion de votre officine. " et à présenter à la requérante les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que ce courrier ne comportait pas d'information sur la nature des traitements informatiques envisagés et, ainsi, ne permettait pas à la contribuable d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par les dispositions de cet article ; que l'absence d'indication concernant les traitements envisagés n'a pas seulement privé la contribuable de la possibilité de choisir entre les trois possibilités qui lui étaient offertes par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales mais ne lui a pas non plus permis de discuter utilement de la pertinence des traitements informatiques effectués pour le contrôle de ses écritures comptables et l'a privée de la possibilité de vérifier par elle-même les résultats obtenus avec ces traitements ; qu'une telle irrégularité a, de ce fait, privé la contribuable d'une garantie, ce qui entraîne la décharge de l'ensemble des impositions en litige ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SNC Pharmacie A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SNC Pharmacie A...les frais exposés par elle à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405730 du 6 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SNC Pharmacie A...est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010 et des intérêts de retard et majorations pour manoeuvres frauduleuses assortissant l'ensemble de ces impositions.

Article 3 : Les conclusions de la requête de la SNC Pharmacie A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Pharmacie A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

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N° 17LY00429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00429
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET RATHEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-08;17ly00429 ?
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