Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL Ciel et Logis a demandé au tribunal administratif de Grenoble, par deux demandes, enregistrées sous les numéros 1206320 et 1304688, de prononcer la décharge des cotisations initiales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 dans les rôles de la commune de Chamonix.
Par un jugement n° 1206320, 1304688 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a réduit ces cotisations de taxe professionnelle en conséquence de l'exclusion des bases de cette taxe de la valeur locative des immeubles sous-loués par l'EURL Ciel et Logis.
Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 8 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2016 ;
2°) de remettre à la charge de l'EURL Ciel et Logis l'intégralité des cotisations initiales de taxe professionnelle de ces impositions pour l'ensemble des années en litige ;
3°) de décider que l'EURL Ciel et Logis devra reverser à l'Etat la somme de 1 200 euros que celui-ci lui a versé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- la demande de l'EURL en première instance, enregistrée sous le n° 1206320, était tardive en application des dispositions de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et, par suite, irrecevable ;
- compte tenu de la brièveté du séjour des sous-locataires et de leur renouvellement fréquent, l'EURL ne peut être considérée comme étant privée de la disposition des appartements concernés par ces sous-locations temporaires, lesquels restent au contraire sous le contrôle de l'EURL Ciel et Logis ;
- considérer, dans le cas d'une location meublée saisonnière que les touristes et non le loueur en meublé, ont la disposition de l'appartement loué au sens de l'article 1467 du code général des impôts, reviendrait à remettre en cause le principe même de l'imposition à la taxe professionnelle des loueurs en meublés saisonniers.
Par un mémoire en défense et un mémoire ampliatif, enregistrés les 11 octobre 2016 et 31 janvier 2018, l'EURL Ciel et Logis conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros lui soit versée par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'EURL Ciel et Logis soutient que :
- sa demande enregistrée sous le n° 1206320 devant le tribunal administratif n'était pas tardive ;
- la libre disposition doit aussi être caractérisée par des actes matériels concrets accomplis dans l'intérêt de l'exploitation, ce qui n'est pas le cas de l'EURL Ciel et Logis ;
- elle n'a jamais eu à sa disposition un ensemble immobilier d'un seul tenant, susceptible de constituer une unité complète dont elle aurait eu l'entière disposition sur de longues périodes ;
- elle n'assumait aucun gros entretien ni remplacement de matériel, sauf celui des réparations locatives et menues réparations qui incombent normalement à tout locataire ;
- le rétablissement de la taxe professionnelle dont elle a été déchargée en première instance s'établirait sur des bases injustes car déterminées arbitrairement par l'administration fiscale et non en fonction des durées effectives de location des différents biens immobiliers en cause.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., mandataire ad hoc de la société Ciel et Logis ;
Une note en délibéré, irrégulièrement présentée par M. A..., a été enregistrée le 9 février 2018 ;
1. Considérant que l'EURL Ciel et Logis a une activité de location de studios et d'appartements meublés appartenant à des investisseurs privés à Chamonix ; qu'après qu'elle a été dissoute en juin 2011, M. A..., a été désigné comme mandataire ad hoc par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Annecy du 11 juin 2012 ; qu'elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2006 et du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, à l'issue desquelles deux propositions de rectification, en date des 26 mai 2008 et 10 septembre 2010, lui ont été notifiées, donnant lieu à des suppléments de taxe professionnelle pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008 ; que, par plusieurs demandes, l'EURL Ciel et Logis a demandé le dégrèvement non seulement de ces suppléments mais aussi de son imposition primitive à la taxe professionnelle, pour l'ensemble de ces années, ainsi que pour l'année 2009 ; que ses réclamations préalables ayant fait l'objet d'un rejet tacite de la part de l'administration, la société a saisi le tribunal administratif de Grenoble de deux demandes tendant à la décharge de l'ensemble des sommes mises à sa charge au titre du paiement de la taxe professionnelle pour les années 2005 à 2009 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a déchargé l'EURL Ciel et Logis des cotisations de taxe professionnelle des années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009, et des pénalités y afférentes, à concurrence de l'exclusion de ses bases de la valeur locative des immeubles sous-loués par l'EURL Ciel et Logis ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de l'EURL Ciel et Logis en première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) " ; que les immobilisations dont la valeur locative est intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ;
3. Considérant que s'il appartient, en principe, à la cour de se prononcer sur les prétentions de la société appelante au vu des résultats de l'instruction, il incombe à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, en particulier lorsqu'elle seule est en mesure de détenir des éléments de preuve utiles à cette fin ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Ciel et Logis exerce l'activité de location meublée professionnelle dans une résidence située à Chamonix et dont les appartements pris en location appartiennent à des tiers ; que ces logements ne sont offerts à la location qu'une partie de l'année et ne sont effectivement loués, pour l'essentiel, que pendant les périodes hivernale et estivale, et pour des durées très brèves ; qu'en raison de la courte durée de chaque location, les appartements en litige et leurs équipements ne peuvent être regardés comme étant à la disposition des différents sous-locataires qui se succèdent pendant une partie de l'année, même s'ils en ont la jouissance effective pendant les brèves périodes où ils les occupent ; qu'à l'inverse, l'EURL Ciel et Logis, qui reprend la jouissance effective de ces logements pendant les périodes de l'année où ils sont vacants et qui, dans l'intérêt de son exploitation, en assure la gestion, l'entretien, et, conformément à ses obligations contractuelles vis-à-vis des propriétaires, effectue les travaux et réparations incombant au locataire et prend en charge les frais d'assurance des locaux, doit être regardée comme contrôlant et comme utilisant matériellement pour les besoins de son activité lesdits logements ainsi que, le cas échéant, les matériels et équipements qui les garnissent, sans que n'aient d'incidence les circonstances qu'elle n'a jamais eu à sa disposition un ensemble immobilier d'un seul tenant et qu'elle n'assumait aucun gros entretien ni remplacement de matériel, sauf celui des réparations locatives et menues réparations qui incombent normalement à tout locataire ; que, dès lors, elle en a la disposition au sens du a) du 1° de l'article 1467 précité du code général des impôts et l'administration était fondée à inclure leur valeur locative dans les bases de la taxe professionnelle de l'EURL Ciel et Logis pour les années en litige ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour décharger l'EURL Ciel et Logis des cotisations de taxe professionnelle litigieuse, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que la valeur locative des appartements sous-loués par elle devait être exclue de l'assiette de cette taxe ;
5. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EURL Ciel et Logis tant en première instance en appel ;
6. Considérant que l'EURL Ciel et Logis soutient pour la première fois en appel, subsidiairement, que l'administration a défini de façon arbitraire la valeur locative à retenir dans l'assiette de la taxe professionnelle ; que cette allégation n'est toutefois assortie d'aucune démonstration, ni même illustration tendant à démontrer que la valeur locative de certains appartements n'aurait pas dû être retenue au titre des années en litige ;
7. Considérant qu'en l'absence d'autre moyen soulevé par l'EURL Ciel et Logis, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé l'EURL Ciel et Logis des cotisations de taxe professionnelle des années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les conclusions de l'EURL présentées en première instance ;
8. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par l'EURL Ciel et Logis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1206320, 1304688 du 9 mai 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 et les pénalités correspondantes sont intégralement remises à la charge de l'EURL Ciel et Logis.
Article 3 : Les conclusions de l'EURL Ciel et Logis présentées tant en première instance qu'en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Ciel et Logis et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président-assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 mars 2018.
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N° 16LY02322
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