Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1403606 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juin 2016, M. C... et MmeD..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 avril 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. C... et Mme D...soutiennent que :
- les propositions de rectification ne sont pas suffisamment motivées, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, car elles ne procèdent pas à l'analyse de chaque justificatif et rejettent globalement l'ensemble des justificatifs d'un poste comptable ;
- les frais déduits ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise Epione et l'administration a appliqué un taux forfaitaire aux frais de déplacement des années 2007 et 2009 ;
- les notes de frais mentionnaient la personne ayant engagé les frais du véhicule utilisé, le lieu et le motif du déplacement ;
- les dépenses engagées un dimanche soir à Paris pour un rendez-vous le lundi matin sont justifiées ;
- les indemnités kilométriques comptabilisées ont été corroborées par les agendas des dirigeants et les déplacements justifiés ;
- il n'est pas possible d'apporter une réponse à une critique générale, sans analyse de chaque justificatif ;
- il n'est pas possible de considérer que M. C...a été désigné comme le bénéficiaire des frais de déplacement et, dans le même temps, que les notes de frais ne mentionnent pas toujours le nom de la personne ayant engagé les dépenses ;
- l'application de pénalités n'est pas motivée, le vérificateur ne portant aucune appréciation sur l'importance des omissions qu'aurait commises la société Epione ;
- les notes de frais ayant été engagées dans l'intérêt de la société Epione, l'application d'une majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- les propositions de rectification adressées à M. et Mme C...était suffisamment motivées et étaient accompagnées d'une copie des propositions de rectification adressées à la société Epione ;
- les justificatifs de notes de frais ont été reconstitués en cours de contrôle à la demande du vérificateur ;
- chaque note de frais a été examinée et écartée lorsqu'elle n'était pas assortie des justificatifs requis ou de justifications contradictoires et non démontrées, ce qui était le cas de la majorité des notes de frais constatées ;
- la société Epione a désigné M. et Mme C...comme bénéficiaires des remboursements au titre des notes de frais et ces derniers l'ont eux-mêmes admis dans leurs réponses aux propositions de rectification ;
- les justificatifs de notes de frais ayant été reconstitués en cours de contrôle à la demande du vérificateur, la majorité n'étant pas conforme aux exigences requises, et certaines questions et demandes relatives à la justification de ces notes étant restées sans réponse, la majoration pour manquement délibéré est justifiée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Epione a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle divers redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés par deux propositions de rectification du 16 décembre 2010 et 23 février 2011 ; que les redressements correspondant à des rejets de frais de déplacement ont été considérés comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. C...et de son épouse, MmeD..., tous deux gérants de la société Epione, sur le fondement du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que l'administration ayant rejeté leur réclamation préalable, M. C...et Mme D...ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes ; qu'ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'est suffisamment motivée une proposition de rectification qui comporte le montant et la nature des redressements, de même que la catégorie de revenus, l'année en litige, et les chefs de redressements, et dont les mentions sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager valablement une discussion contradictoire avec l'administration ;
3. Considérant que les propositions de rectification adressées à M. et Mme C...le 16 décembre 2010 et le 21 février 2011 indiquent avec précision les impôts concernés, les motifs de droit et de fait des redressements, ainsi que les montants et les conséquences financières de ces redressements, de sorte qu'une discussion contradictoire avec l'administration pouvait être valablement engagée ; que ces documents étaient en outre accompagnés des propositions de rectification adressées, aux mêmes dates, à la société Epione ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, et dès lors que le vérificateur écartait la totalité des frais de déplacement comme n'étant appuyés d'aucun justificatif permettant de justifier leur caractère déductible, les propositions de rectification n'avaient pas à les énumérer tous successivement ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition
4. Considérant qu'aux termes du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; et qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. " ; que l'article 47 de l'annexe II dudit code précise que : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été proposées, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mises à la charge du contribuable ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants n'ont pas accepté les rectifications qui leur ont été notifiées ; qu'il appartient, dès lors, à l'administration fiscale d'établir l'existence, le montant et l'appréhension des sommes distribuées ;
7. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction par la société Epione de notes de frais remboursées à M.C..., gérant de la société, au motif qu'il n'apparaissait pas que ces frais, qui avaient été inscrits en comptabilité sans aucun justificatif, avaient été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; que l'administration fait notamment valoir que les notes de frais, constituées seulement au cours de la vérification de comptabilité de la société Epione, ne faisaient pas systématiquement mention de la personne ayant engagé les frais, du véhicule utilisé, du lieu et du motif du déplacement, que certaines notes de frais concernaient des dépenses réalisées pendant les week-ends ou correspondaient à des dépenses manifestement étrangères à la société, que les notes de restaurant ne faisaient jamais état du nom des participants et de leur qualité, et que certaines notes de frais faisaient seulement état d'indemnités kilométriques sans aucun justificatif précis ; que, contrairement à ce que soutiennent les contribuables, il n'est pas contradictoire de relever que les frais ont été remboursés à M. C...mais que les justificatifs produits en cours de contrôle ne permettent pas de vérifier qu'ils étaient bien liés à son activité et qu'ils étaient engagés dans l'intérêt de la société ; qu'ainsi l'administration, en faisant valoir ces différents éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés par les requérants, lesquels se bornent, pour l'essentiel, à se prévaloir de l'insuffisance de motivation de leurs propositions de rectification et à développer une argumentation générale s'agissant de l'existence de justificatifs suffisants, établit l'existence et le montant des sommes distribuées ;
8. Considérant que l'administration fait valoir que la société Epione a déduit au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 des sommes, dont il n'est pas contesté qu'elles correspondaient à des remboursements de frais de déplacement à M.C..., gérant de la société ; que par suite l'administration établit que les sommes en cause ont bien été appréhendées par M. C... ;
Sur les pénalités :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'en invoquant la circonstance que M. C...étant le gérant de la société Epione, il ne pouvait ignorer que des avances étaient consenties en l'absence de note de frais préalables et de justificatifs permettant d'en apprécier le caractère professionnel, l'administration a suffisamment motivé l'application de la majoration de 40 % ; que l'absence systématique de notes de frais et de justificatifs pour l'ensemble des frais en cause et pour l'ensemble de la période établit suffisamment le caractère délibéré du manquement et, par suite, le bien fondé des pénalités appliquées ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme D...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Mme D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 février 2018.
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N° 16LY02196