Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Asclepios a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre des années 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes, et le rétablissement du déficit constaté au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009.
Par un jugement n° 1402352 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juin 2016, la société Asclepios, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 avril 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Asclepios soutient que :
- les propositions de rectification ne sont pas suffisamment motivées, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, car elles ne procèdent pas à l'analyse de chaque justificatif et rejettent globalement l'ensemble des justificatifs d'un poste comptable ;
- l'avis de mise en recouvrement du 21 juin 2013 est irrégulier en l'absence d'une mention substantielle à savoir la référence au document comportant le montant final des redressements ;
- les frais déduits ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise Epione et l'administration a appliqué un taux forfaitaire aux frais de déplacement des années 2007 et 2009 ;
- les notes de frais mentionnait la personne ayant engagé les frais du véhicule utilisé, le lieu et le motif du déplacement ;
- les dépenses engagées un dimanche soir à Paris pour un rendez-vous le lundi matin sont justifiées ;
- les indemnités kilométriques comptabilisées ont été corroborées par les agendas des dirigeants et les déplacements justifiés ;
- il n'est pas possible d'apporter une réponse à une critique générale, sans analyse de chaque justificatif ;
- il n'est pas possible de considérer que M. A...a été désigné comme le bénéficiaire des frais de déplacement et, dans le même temps, que les notes de frais ne mentionnent pas toujours le nom de la personne ayant engagé les dépenses ;
- l'application de pénalités n'est pas motivée, le vérificateur ne portant aucune appréciation sur l'importance des omissions qu'aurait commises la société Epione ;
- les notes de frais ayant été engagées dans l'intérêt de la société Epione, l'application d'une majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- les propositions de rectification adressées à la société Asclepios était suffisamment motivées et étaient accompagnées d'une copie des propositions de rectification adressées à la société Epione ;
- le fait que l'avis de mise en recouvrement du 21 juin 2013 ne fasse pas référence au courrier de l'interlocuteur départemental et au courrier du 4 juin 2013 n'a pas privé la société requérante de la possibilité de présenter ses observations et de critiquer utilement les impositions mises à sa charge ;
- les justificatifs de notes de frais ont été reconstitués en cours de contrôle à la demande du vérificateur ;
- chaque note de frais a été examinée et écartée lorsqu'elle n'était pas assortie des justificatifs requis ou de justifications contradictoires et non démontrées, ce qui était le cas de la majorité des notes de frais constatées ;
- les notes de frais pour lesquelles de nouveaux justificatifs ont été produits devant le tribunal administratif ne sont toujours pas accompagnées des éléments permettant d'admettre leur déductibilité ;
- les justificatifs de notes de frais ayant été reconstitués en cours de contrôle à la demande du vérificateur, la majorité n'étant pas conforme aux exigences requises, et certaines questions et demandes relatives à la justification de ces notes étant restées sans réponse, la majoration pour manquement délibéré est justifiée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Epione a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle divers redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés par deux propositions de rectification du 16 décembre 2010 et 23 février 2011 ; qu'en vertu des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, la société Asclépios, société mère de la société Epione, a été informée par courrier du 4 juin 2013 des rectifications proposées, et lesdites rectifications ont été mises en recouvrement le 21 juin 2013 ; que l'administration ayant rejeté sa réclamation préalable, la société Asclépios a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Epione a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et au rétablissement du déficit constaté au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009 ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'est suffisamment motivée une proposition de rectification qui comporte le montant et la nature des redressements, de même que la catégorie de revenus, l'année en litige, et les chefs de redressements, et dont les mentions sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager valablement une discussion contradictoire avec l'administration ;
3. Considérant que les propositions de rectification adressées à la société Epione le 16 décembre 2010 et le 23 février 2011 indiquent avec précision les impôts et exercices concernés, les motifs de droit et de fait des redressements, ainsi que les montants et les conséquences financières de ces redressements, de sorte qu'une discussion contradictoire a pu être utilement engagée avec l'administration ; que contrairement à ce que soutient la société, et dès lors que le vérificateur écartait la totalité des frais de déplacement comme n'étant appuyés d'aucun justificatif permettant de justifier leur caractère déductible, les propositions de rectification n'avaient pas à les énumérer tous successivement ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Epione a été destinataire de deux propositions de rectification, en date des 16 décembre 2010 et 23 février 2011 lui notifiant des rectifications opérées au titre de l'impôt sur les sociétés ; que les montants portés sur ces propositions de rectification ont été maintenus à l'issue des réponses aux observations du contribuable ; que, toutefois, après saisine de l'interlocuteur fiscal, le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés a été réduit pour les trois années en litige ; que, par ailleurs, la société Asclépios, société mère de la société Epione, a reçu notification, en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, d'un document lui indiquant le montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle était redevable à l'issue de la procédure de rectification de la société Epione ; que les sommes figurant sur ce courrier sont conformes à celles figurant sur l'avis de mise en recouvrement ; que si la société Asclépios soutient que l'avis de mise en recouvrement du 21 juin 2013 a été émis en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il fait seulement référence aux propositions de rectification et aux réponses aux observations du contribuable et ne renvoie ni au courrier de l'interlocuteur fiscal, ni au document du 21 juin 2013, il est constant que ce dernier document, qui récapitule, dans son dernier état, le montant des impositions mises en recouvrement, a été notifié à la société Asclépios quelques jours avant l'envoi de l'avis de mise en recouvrement ; qu'ainsi, l'erreur matérielle entachant l'avis de mise en recouvrement n'a privé la requérante, qui a été informée du montant des droits mis à sa charge avant leur mise en recouvrement, d'aucune garantie de procédure dont elle était en droit de bénéficier ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. " ; que la déduction des frais généraux mentionnés au 1° du 1 de l'article 39 précité du code général des impôts n'est admise que si ces frais constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes ; qu'il appartient à la société requérante de justifier de la déductibilité de ses charges, dans leur principe comme dans leur montant ;
7. Considérant que la société requérante soutient pour l'essentiel qu'en ne détaillant pas précisément chaque note de frais non retenue comme charge, l'administration la prive de faire utilement valoir ses observations ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, la nature et le montant des frais écartés lui ont été précisément indiqués, la mettant ainsi à même de démontrer, ainsi que cela lui incombe, le caractère déductible des frais qu'elle a qualifié de charges pour la détermination de son bénéfice net ; que la société Asclépios s'est bornée à produire en première instance des éléments se rapportant à des notes de frais courant du 15 décembre 2008 au 15 janvier 2009, sans apporter aucun justificatif pour les autres frais en litige ; que les redressements résultant du rejet des frais non compris dans cette période ne peuvent ainsi qu'être confirmés eu égard à l'absence de tout élément nouveau produit en appel, la circonstance que l'interlocuteur fiscal était prêt à en admettre, de façon forfaitaire et " bienveillante ", 40 %, étant sans incidence sur la charge de la preuve qui incombe à la requérante ; que, s'agissant des frais pour lesquels la requérante a produit des éléments en première instance, de nouveau produits en appel, sans d'ailleurs que ses écritures y renvoient, ceux-ci ne permettent pas d'établir le caractère déductible des frais concernés, eu égard à leur caractère lacunaire et insuffisamment probant ; que si la requérante soutient que les motifs de ces frais ont été justifiés par la communication des agendas des dirigeants et des pièces externes à l'entreprise et que des frais de déplacement supportés un dimanche soir en vue d'un rendez-vous à Paris le lundi matin sont manifestement dans l'intérêt de la société, une telle argumentation générale ne permet pas de démontrer que les frais litigieux devraient être regardés comme des charges déductibles ; que, contrairement à ce que soutient la société Asclépios, il n'est pas contradictoire de relever que les frais ont été remboursés à M. A...mais que les justificatifs produits en cours de contrôle ne permettent pas de vérifier qu'ils étaient bien liés à son activité et qu'ils étaient engagés dans l'intérêt de la société ; qu'ainsi les rectifications résultant de la réintégration de ces frais dans les résultats de la société doivent être confirmées, l'administration ayant été fondée à réintégrer les charges correspondantes aux résultats de la société Epione ;
Sur les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'en invoquant la circonstance que la société ne pouvait ignorer que des avances étaient consenties au gérant en l'absence de note de frais préalables et de justificatifs permettant d'en apprécier le caractère professionnel, l'administration a suffisamment motivé l'application de la majoration de 40 % ; que l'absence systématique de notes de frais et de justificatifs pour l'ensemble des frais en cause et pour l'ensemble de la période établit suffisamment le caractère délibéré du manquement et, par suite, le bien fondé des pénalités appliquées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Asclepios n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Société Asclepios est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Asclepios et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 février 2018.
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N° 16LY02190
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