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22/02/2018 | FRANCE | N°17LY03715

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 17LY03715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...a demandé le 11 avril 2017 au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 20 mars 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 eur

os par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...a demandé le 11 avril 2017 au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 20 mars 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1702858 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2017, MmeD..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 20 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :

- il méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que le refus de certificat de résidence est illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que sont illégaux le refus de certificat de résidence et l'obligation de quitter le territoire ;

Par un mémoire enregistré le 23 janvier 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D...le versement à l'Etat d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requérante entre dans la catégorie des personnes relevant de la procédure de regroupement familial ; son maintien en France, après le rejet de la demande du 4 février 2016 de regroupement familiale constitue un détournement de procédure ; elle conserve des liens en Algérie et peut y retourner avec son époux de même nationalité ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier,

- et les observations de Me Hmaida, avocat de MmeD....

1. Considérant que MmeF..., ressortissante algérienne, née le 27 août 1977 a obtenu, pour elle-même et ses deux enfants nés de son union avec M. B...dont elle a divorcé le 4 octobre 2012, un visa de court séjour " visiteur " valable du 29 juin 2014 au 25 décembre 2014 en vue de se rendre en France ; qu'elle a épousé en Algérie le 17 juillet 2014, postérieurement à l'obtention de ce visa, M. A...D..., ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence ; qu'elle est entrée en France avec ses deux enfants le 20 août 2014 et s'est maintenue irrégulièrement en France à l'expiration de son visa ; que le préfet du Rhône a refusé le 26 août 2016 le regroupement familial sollicité par M. D...au bénéfice de son épouse, au motif de l'irrégularité du séjour de celle-ci en France ; qu'elle a demandé le 9 février 2017 un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que, par des décisions du 20 mars 2017, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme F...épouse D...fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions préfectorales du 20 mars 2017 ;

Sur la légalité du refus de certificat de résidence :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)/ 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme D...se prévaut de sa résidence en France depuis août 2014, de ses liens avec M. D...qu'elle a épousé en Algérie en juillet 2014 lequel est entré pour la première fois en France en 2003 et dispose d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2026 ; qu'elle indique également que ses deux enfants nés en Algérie en avril 2006 et décembre 2009 d'une précédente union sont scolarisés en France depuis septembre 2014 en maternelle et en école primaire ; qu'elle soutient que si elle repartait en Algérie pour demander un regroupement familial, elle risquerait d'être exposée à une séparation d'une quinzaine de mois d'avec son mari ; qu'elle fait état de difficultés éventuelles pour ses enfants qui devraient être rescolarisés en Algérie lors de l'instruction d'une demande de regroupement familial et de l'attente d'une nouvelle période de 15 mois pour qu'ils la rejoignent de nouveau en France ; qu'elle fait valoir également qu'elle présente des problèmes de santé nécessitant un traitement médical à vie ;

4. Considérant, toutefois, que Mme D...s'est maintenue irrégulièrement en France pendant plus de deux ans à l'expiration de son visa de court séjour ; que la circonstance que la demande de regroupement familial présentée par son époux a été rejetée par une décision du préfet du Rhône en date du 26 août 2016 ne fait pas obstacle à ce qu'il présente une nouvelle demande après exécution par la requérante de l'obligation de quitter le territoire français du 20 mars 2017 ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier qu'existerait un obstacle à ce qu'une nouvelle demande de regroupement familial fasse l'objet d'un traitement rapide par les services administratifs français, compte tenu notamment des bulletins de salaire pour l'année 2016 d'un montant supérieur au SMIC et des éléments relatifs à ses modalités de logement dont M. D... peut se prévaloir ; que les allégations de la requérante selon lesquelles la scolarisation de ses deux enfants en Algérie se heurterait à des difficultés ne sont étayées par aucun élément probant ; que l'hypothèse émise par la requérante sur un risque de retard imputable aux services administratifs français dans le traitement de la demande de regroupement familial qu'elle serait amenée à déposer après son retour en France, au bénéfice de ses deux enfants n'est corroboré par aucun élément ; que les certificats médicaux versés au dossier et faisant état d'une opération en France en 2015 n'établissent ni l'existence d'un risque d'une particulière gravité ni l'impossibilité pour l'intéressée d'accéder effectivement à des soins ou des traitements adaptés à son état de santé en Algérie ; que Mme D...n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales et sociales fortes en Algérie où résident notamment ses parents et ses frères et soeurs ; que, dès lors, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que celle-ci n'est donc contraire ni aux stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni à celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux enfants de Mme D... ne pourraient pas retourner avec leur mère en Algérie, où réside leur père et où il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité ; qu'ainsi, en refusant de délivrer un titre de séjour à la requérante, le préfet n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses deux enfants et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

7. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, Mme D...n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception l'illégalité de cette décision au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs énoncés au point 4, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...soutient qu'elle vit actuellement avec son mari, ses enfants mais aussi avec les trois enfants issus de la précédente union de M. D... et que ses enfants risquent d'être séparés durablement d'avec les enfants de M. D... ; que, toutefois, il ne ressort des pièces du dossier ni que M. D...ait la garde permanente de ses trois enfants à la suite de son divorce et les accueille régulièrement à son domicile ni que la requérante s'investisse particulièrement dans leur éducation ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les enfants de Mme D...auraient tissé des liens forts avec son nouvel époux ni au demeurant avec les enfants nés de la première union de M.D... ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

10. Considérant que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat à l'encontre de Mme D...au titre de ce même article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er février 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 février 2018.

2

N° 17LY03715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03715
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-22;17ly03715 ?
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