Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société C2FT a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 17 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Loire a refusé d'autoriser le licenciement pour motifs disciplinaires de M.A... ;
Par un jugement n° 1403274 du 23 février 2916, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 avril 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 avril 2017, M. F...A..., représenté par Me Peyrard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 février 2016 ;
2°) de confirmer la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Loire du 17 février 2014 ;
3°) de lui allouer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a indiqué que la direction régionale des entreprises n'a versé au dossier aucun élément relatif à l'enquête interne menée les 14, 17 et 23 janvier 2014 compte tenu de ce qu'il n'a pas le réflexe de consigner par écrit les incidents survenus dans le cadre du travail et de ce qu'il ne peut obtenir le témoignage de collègues peu enclins à s'opposer officiellement à leur chefs d'équipe ; l'enquête administrative est seule de nature à permettre l'émergence d'une vérité qui n'est pas exclusivement celle alléguée par l'employeur ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation sur la valeur probante des éléments présentés par l'employeur dès lors que les courriels ne sont que des preuves que l'employeur s'est constitué ; les allégations de MM.D..., B...et E...sont dépourvues de force probante ;
- les griefs allégués ne sont pas établis compte tenu de ce qu'il n'a jamais refusé de faire des coulées nouvelles, qu'il a refusé de travailler sur deux machines pour des raisons de sécurité, qu'il a procédé au nettoyage intérieur et de vidage des bacs extérieurs, qu'il ne fumait pas au sein de l'atelier, que le port de manchettes de sécurité n'est pas obligatoire lors du travail à la scie, que le refus de remplir son tableau de suivi résultant d'une absence de feutre n'est pas fautif, que l'arrêt de travail durant la nuit du 19 au 20 septembre 2013 est justifié par la panne nécessitant l'intervention du service de maintenance, que la pause du 26 septembre 2013 avant la fin du service n'est pas révélatrice d'un abandon de poste, que le fait de demander à un collègue de débadger à sa place lui permet seulement de gagner du temps pour le passage à la douche, qu'il est intervenu auprès d'un collègue dans la nuit du 8 au 9 octobre 2013 pour lui demander de quitter son poste en raison de son état d'ébriété, qu'il n'a pas manqué de respect à l'égard de ses collègues de l'équipe de maintenance et de l'outillage ;
- l'insuffisance professionnelle n'est pas un motif disciplinaire ; son rendement est moins bon en raison de son âge et de son état de santé ;
- ses absences en poste de nuit sont liées à l'utilisation de ses heures de délégation ;
- les conditions de travail et notamment de sécurité au poste de coulée manuelle sont déplorables et ont conduit à une tension avec la hiérarchie et plus particulièrement son responsable de secteur, M.C... ;
- son licenciement est en lien avec son mandat dès lors qu'après son élection en mars 2012, les sanctions disciplinaires se sont multipliés et qu'il s'est vu retirer sa fonction de leader pour redevenir simple coquilleur ; l'entreprise n'a pas accueilli favorablement sa demande de changement de poste ;
- l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que les griefs qui pouvaient être retenus ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ;
Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 2 août 2017, la société Anderton Castings, venant aux droits de la société C2FT, représentée par Me Brunel, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les griefs formulés à l'encontre de M. A...sont justifiés par des témoignages de sa hiérarchie mais aussi de collègues, la DIRECCTE n'apporte pas d'éléments précis de nature à contredire ces attestations ;
- aucun des éléments invoqués par le requérant n'est de nature à lui permettre d'établir un lien entre son mandat et la demande d'autorisation de licenciement dès lors qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires qu'il n'a jamais contestées, qu'il n'a jamais été leader des coulées manuelles, qu'il a été reconnu apte à son poste de travail par un avis du médecin du travail et que la société s'est toujours conformée aux prescriptions du médecin du travail qui a, notamment, prescrit en 2014, l'arrêt du travail de nuit ;
- c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le tribunal administratif a retenu que l'intéressé avait manqué à ses obligations professionnelles en refusant d'exécuter certaines tâches, en ne respectant pas les consignes et demandes de son responsable, en ne respectant pas le temps de travail et en s'absentant en poste de nuit sans prévenir, en demandant à un collègue de débadger à sa place à plusieurs reprises et en affichant des résultats de production très mauvais ; l'intéressé avait un comportement agressif et irrespectueux envers son entourage professionnel et il avait fait l'objet en 2012 de cinq sanctions disciplinaires ;
Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2017, le ministre du travail demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 février 2016, par les mêmes moyens que ceux invoqués devant le tribunal administratif de Lyon.
Par ordonnance du 15 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée le 20 décembre 2017 ;
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2017, et non communiqué, la société Anderton Castings, venant aux droits de la société C2FT, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience du 18 janvier 2018.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Peyrard, avocat de M. A...et de Me Brunel, avocat de la société Anderton Castings venant aux droits de la société C2FT.
1. Considérant que M. A...a été recruté par contrat à durée indéterminée, le 26 juillet 2010, en qualité de coquilleur par la société C2FT, située à Andrézieux-Bouthéon (département de la Loire), et dont l'activité principale est relative à la fonderie et à la forge d'aluminium ; qu'il a exercé les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, le 22 avril 2014, le directeur de la société C2FT a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M.A... ; que, par décision du 17 février 2014, l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Loire a refusé de délivrer cette autorisation ; que la société Anderton Castings, venant aux droits de la société C2FT, a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ; que M. A...relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 17 février 2014 ;
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licencier M.A... :
2. Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
3. Considérant que la société C2FT a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A...pour manquements à ses obligations contractuelles et professionnelles, en retenant comme griefs le refus d'exécuter son travail, le non respect des consignes de sa hiérarchie en matière de sécurité ou encore en matière de suivi de sa production, l'absence de respect du temps de travail et le fait de demander à un collègue de débadger à sa place, les absences en poste de nuit sans prévenir et sa mauvaise production, ainsi que divers faits fautifs tenant à un comportement agressif ou déplacé à l'égard de plusieurs salariés et de certains responsables hiérarchiques de l'entreprise et qui provoquent des perturbations et une gène dans le fonctionnement de celle-ci : que la société rappelait également que M. A...avait fait l'objet, le 12 janvier 2012, d'un avertissement en raison de la mauvaise déclaration journalière des quantités de production à son poste et de son départ du poste avant l'heure, le 9 février 2012, d'un rappel à l'ordre en raison de son comportement agressif, le 2 mars 2012 d'une mise à pied d'une journée en raison d'une altercation avec un salarié, le 1er juin 2012, d'une mise à pied d'une journée en raison de ses excès de colère, d'incidents dans la production et du non respect des consignes de sa hiérarchie et le 23 juillet 2012 d'une mise à pied de trois jours en raison à nouveau d'incidents dans la production et du non respect des consignes de sa hiérarchie ;
4. Considérant que pour établir la matérialité des griefs reprochés, la société produit notamment les courriers électroniques adressés par le responsable secteur nuit au responsable production et à la responsable des ressources humaines, ainsi que les attestations de salariés de l'entreprise, qui font état notamment de ce que M. A...fait preuve de mauvaise volonté dans l'exécution de ses tâches, ne respecte pas le temps de travail en arrêtant son activité avant la fin du service ou pendant le service et tient des propos virulents et agressifs envers d'autres salariés ou des propos irrespectueux vis-à-vis de sa hiérarchie ; que ces courriers électroniques et attestations, qui ne sont pas contredits par les pièces du dossier et notamment par des éléments issus de l'enquête contradictoire de l'inspecteur du travail, établissent suffisamment la matérialité des manquements de M. A...à ses obligations contractuelles ou professionnelles et la réalité de son comportement agressif envers les salariés de l'entreprise ; qu'eu égard à leur répétition et à leur gravité, de tels comportements, qui, contrairement à ce qu'a relevé l'inspecteur du travail, ne peuvent s'expliquer par la forte implication de l'intéressé dans ses mandats représentatifs, ainsi que les manquements aux obligations contractuelles et professionnelles ont provoqué des perturbations dans le travail des salariés et ont nui à la bonne organisation de l'entreprise, et ce nonobstant la circonstance que les griefs tirés de ce que M. A... fumerait dans les locaux ou encore de ce qu'il opérerait des basculements à vide de sa machine afin d'augmenter artificiellement ses chiffres de production ne seraient pas établis et ne pourraient être retenus ;
5. Considérant, par ailleurs, que si M. A...fait valoir que sa faible productivité constitue une insuffisance professionnelle qui ne peut être prise en considération dans le cadre d'un licenciement pour faute, il ressort des pièces du dossier que, par une fiche d'aptitude médicale en date du 3 mars 2014, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste de travail sans restriction ; que son insuffisance de production résulte d'un manque d'engagement délibéré de sa part et est constitutive d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
6. Considérant que, dans ces circonstances, les griefs tirés du manquement aux obligations professionnelles et contractuelles et du comportement agressif de M. A...à l'égard des salariés de la société étaient constitutifs de fautes d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A... ;
7. Considérant que M. A...fait valoir que son licenciement serait en lien avec les mandats détenus compte tenu de ce qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires après son élection en 2012 et de ce qu'il se serait vu retirer sa fonction de leader pour redevenir simple coquilleur ; que, toutefois, l'intéressé n'établit pas avoir été nommé leader ; qu'il ressort des pièces du dossier que les sanctions disciplinaires étaient justifiées par les manquements de M. A... à ses obligations professionnelles et contractuelles et par son comportement agressif vis-à-vis de ses collègues ; que, par suite, la demande de licenciement ne présentait pas de lien avec les mandats exercés par l'intéressé ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Anderton Castings, venant aux droits de la société C2FT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
10. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés par la société Anderton Castings et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera à la société Anderton Castings une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A..., à la société Anderton Castings et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2018.
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N° 16LY01358