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25/01/2018 | FRANCE | N°15LY02486

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 15LY02486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- à titre principal, la condamnation du centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 58 115 euros, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er décembre 2010 et capitalisation des intérêts à partir du 1er décembre 2011, en réparation des préjudices de tous ordres subis suite à une faute médicale lors de sa prise en charge par ledit établissement ;

- à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office

national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- à titre principal, la condamnation du centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 58 115 euros, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er décembre 2010 et capitalisation des intérêts à partir du 1er décembre 2011, en réparation des préjudices de tous ordres subis suite à une faute médicale lors de sa prise en charge par ledit établissement ;

- à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la même somme, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2013 et capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2014, en réparation en réparation des préjudices de tous ordres subis suite à l'accident médical intervenu lors de sa prise en charge au centre hospitalier de Valence ;

- la mise à la charge de la partie perdante des entiers dépens ;

- la mise à la charge de la partie perdante de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme a demandé la condamnation du centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 29 795,01 euros en remboursement de ses débours augmentée des intérêts au taux légal et l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale d'un montant de 1 015 euros. La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme a également demandé la condamnation du centre hospitalier de Valence au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302228 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2015, Mme G..., représentée par Me Maury, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 mai 2015 ;

2°) de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif tendant à ce que le centre hospitalier de Valence soit condamné à lui verser une somme de 58 115 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2010 avec anatocisme annuel à compter du 1er décembre 2011 et à titre subsidiaire à ce que l'ONIAM soit condamné au versement de la même somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2013 avec anatocisme à l'issue de chaque période annuelle à compter du 19 avril 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante les dépens ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- à titre principal, le défaut d'information, la perforation de sa paroi utérine lors de l'intervention qu'elle a subie, sa prise en charge postopératoire sont fautifs et engagent la responsabilité du centre hospitalier de Valence sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- elle a subi dans le cadre du défaut d'information une perte de chance d'un minimum de 50 % de se soustraire aux dommages, ce qui engage la responsabilité de l'hôpital à hauteur de la perte de chance ;

- elle remplit les conditions définies à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ouvrant droit à indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle a interrompue ses activités professionnelles pour une durée excédant 6 mois et que son traumatisme psychologique est en relation directe avec le traumatisme de l'intervention chirurgicale et de la prise en charge qu'elle estime maltraitante ;

- le dommage indemnisable peut être évalué pour le déficit fonctionnel temporel à 1 057 euros avec une consolidation au 21 août 2010 ; les souffrances endurées doivent être évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 soit une somme de 7 000 euros ; une somme de 558 euros doit lui être allouée pour l'assistance par tierce personne réalisée sous la forme d'une aide par l'entourage familial pendant un mois sur la base d'une heure par jour ; le déficit fonctionnel permanent n'est pas de 2 % mais de 10 % et doit être estimé à 12 500 euros ; le préjudice esthétique permanent peut être évalué à 2 sur une échelle de 7 soit une somme de 2 000 euros ; elle subit un préjudice sexuel lequel peut être estimé à 5 000 euros ; son préjudice économique lié à des pertes de revenus pendant ses arrêts de travail et à la perte de chance d'obtenir un emploi en CDI doit être évalué à hauteur de 30 000 euros ;

Par un mémoire enregistré le 28 août 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Valence au versement de la somme de 26 795,01 euros en remboursement de ses débours ainsi que des intérêts au taux légal sur cette somme.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte à la cour pour juger de la responsabilité du centre hospitalier de Valence ;

- en cas de reconnaissance de la responsabilité dudit centre hospitalier, elle demande à être remboursée des débours versés à hauteur de 26 795,01 euros ;

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2015, le centre hospitalier de Valence, représenté par la SELARL Vital Durand et Associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de Mme G...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le défaut d'information de la patiente n'est pas établi et en tout état de cause le curetage par aspiration étant la technique de référence, la patiente n'a subi aucune perte de chance ;

- aucune faute n'a été commise par le chirurgien lors de l'intervention d'aspiration-curetage du 5 mai 2010 ;

- aucune faute n'est établie dans le cadre de sa prise en charge médicale au sein du centre hospitalier de Valence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, l'ONIAM conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause.

Il soutient que :

- par avis du 10 juillet, la CRCI s'est déclarée incompétente en l'absence de gravité suffisante des conséquences de la perforation utérine du 5 mai 2010 ;

- les conditions d'intervention de la solidarité nationale définie à l'article L. 1142-1 II, L. 1142-22 et D. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies car le seuil de gravité de 24 % n'est pas dépassé, l'expert de la CRCI évoquant 2 %, le préjudice lié à la complication a été très bref : 16 jours de déficit fonctionnel temporaire total et deux mois et 9 jours de déficit fonctionnel temporaire à 20 %, il n'existe pas de lien de causalité entre l'arrêt des activités salariés de plus de 6 mois et la perforation utérine du 5 mai 2010 et en outre la requérante était en arrêt de travail dans les suites de sa fausse couche, aucune incidence professionnelle n'a été relevée par l'expert.

Par courriers des 5 et 17 octobre 2017, les parties ont été informées que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement de première instance en l'absence de transmission à la commune de Valence de la demande de Mme G..., agent public contractuel de cette commune, en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 7 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 sur les mises en cause.

Par mémoire enregistré le 10 octobre 2017, Mme G...mentionne qu'elle avait fait état en première instance de sa qualité d'agent contractuel de la commune de Valence lors de la survenue des faits en litige et qu'il y a lieu de communiquer l'intégralité de la procédure à la commune de Valence.

Par mémoire enregistré le 30 octobre 2017, la commune de Valence a répondu au moyen d'ordre public en indiquant ne pas vouloir exercer d'action en remboursement et ne pas vouloir être partie à ce contentieux.

Par courrier du 24 novembre 2017, les parties ont été informées que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement de première instance en l'absence de transmission à la Caisse des dépôts et consignations en sa qualité de gestionnaire de la CNRACL de la demande de MmeG..., agent public contractuel de la commune de Valence, en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 n° 59-76 sur les mises en cause.

Par ordonnance du 24 novembre 2017, la clôture de l'instruction fixée au 14 novembre 2011 a été reportée au 12 décembre 2017.

Par mémoire enregistré le 1er décembre 2017, la Caisse des dépôts et consignation a répondu au moyen d'ordre public et a indiqué ne pas avoir d'observation à formuler sur le dossier ayant été transmis.

La CPAM de la Dôme a produit le 18 décembre 2017, après la clôture de l'instruction, des pièces qui n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Maury, avocat de MmeG... et de Me Halle, avocat du centre hospitalier de Valence.

1. Considérant que, le 7 avril 2010, MmeG..., alors enceinte, a subi un accident de la circulation ; que, le 29 avril 2010, lors d'une consultation médicale au centre hospitalier de Valence, il a été constaté l'interruption spontanée de sa grossesse depuis quatre à cinq semaines soit avant l'accident du 7 avril 2010 ; qu'en conséquence, elle a subi le 5 mai 2010, une intervention de curetage par aspiration qui a entraîné une perforation utérine, laquelle a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale le 7 mai ; que, le 21 décembre 2012, Mme G...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales (CRCI) du Rhône, qui a désigné un médecin expert dont le rapport a été déposé le 11 mai 2012 ; que, le 10 juillet 2012, la CRCI a rendu un avis d'incompétence, le seuil à partir duquel les conséquences anormales d'un acte médical sont réputées présenter un caractère de gravité n'étant pas en l'espèce atteint ; que, par décision du 22 février 2013, le centre hospitalier de Valence a rejeté la demande préalable d'indemnisation de Mme G... en date du 17 décembre 2010 ; que cette dernière a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation, à titre principal, du centre hospitalier de Valence à l'indemniser des préjudices subis en raison de sa prise en charge par cet établissement et, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser de ces mêmes préjudices ; que, par jugement du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme G... ; que celle-ci relève appel de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme présente des conclusions en appel incident tendant à la condamnation du centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 26 795,01 euros au titre des débours versés pour le compte de Mme G...ainsi que les intérêts sur cette somme ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci " ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; qu'alors que devant le tribunal administratif de Grenoble Mme G...a indiqué être employée comme animatrice contractuelle par la commune de Valence, cette dernière ainsi que la Caisse des dépôts et consignations en sa qualité de gérante de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales n'ont pas été appelées à la cause ; qu'en ne communiquant pas la demande de Mme G...à la commune de Valence qui l'employait ainsi qu'à la Caisse des dépôts et consignations, le tribunal administratif de Grenoble a méconnu les dispositions précitées de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; que la violation de la règle susmentionnée constitue une irrégularité que la cour, saisie de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever d'office ; qu'il y a lieu dès lors, d'annuler le jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal administratif de Grenoble ;

3. Considérant que la procédure ayant été communiquée à la commune de Valence ainsi qu'à la Caisse des dépôts et consignations et l'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme G...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Valence :

En ce qui concerne l'existence d'un défaut d'information :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) " ;

5. Considérant qu'en application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence ; que doit également être portée à la connaissance du patient l'existence d'éventuelles alternatives thérapeutiques moins risquées que l'acte médical envisagé ;

6. Considérant que Mme G...conteste l'appréciation portée par le Dr H..., expert médical diligenté par la CRCI, sur la délivrance d'une information adéquate et conforme à la loi du 4 mars 2002 avant l'opération du 5 mai 2012 sur les techniques d'évacuation utérine en cas de fausse couche et les risques afférents à ces différentes techniques ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi le 24 août 2010 par le médecin diligenté par l'assureur de Mme G...que cette dernière a mentionné qu'une " stagiaire [lui] a fait part des risques potentiels de l'aspiration sous anesthésie générale qui allait lui être pratiquée par le DrB... " et qu'elle " insiste sur le fait qu'elle n'a été informée des risques potentiels de l'aspiration que par une stagiaire et non par le DrB... " ; que, toutefois, le Dr H..., expert médical mandaté par la CRCI a clairement précisé dans son rapport du 9 mai 2012 que Mme G...avait été informée non par une simple " stagiaire " mais par une interne en deuxième année de spécialisation en gynécologie obstétrique (Bac+9) des différentes modalités d'évacuation utérine et des risques afférents ; qu'il ressort du même rapport de l'expert de la CRCI, lequel fait état du compte-rendu opératoire du Dr B...relatif à l'intervention curetage-aspiration réalisée le 5 mai 2010, que plusieurs traitements ont été présentés à Mme G... après que le délai d'attente d'une expulsion spontanée naturelle se fut révélé inefficace ; qu'il n'est pas contesté que Mme G...a reçu une information sur les possibilités d'attente d'une évacuation utérine spontanée et les risques encourus , qu'il ressort du même document d'intervention qu'un choix lui a été proposé entre deux techniques sous forme d'un traitement médicamenteux Cytotec et d'un curetage-aspiration et qu'informée des différentes alternatives et des risques afférents, Mme G...a préféré, après un délai de réflexion de 4 jours, une intervention chirurgicale, en l'espèce un curetage-aspiration ; que, par suite et dès lors qu'il n'est pas véritablement contesté que l'interne avait au regard de son niveau d'études et de sa spécialisation technique en gynécologie les compétences techniques pour délivrer les informations sur les techniques d'évacuation utérine et les risques associés, Mme G...ne peut pas utilement se plaindre de l'absence de réitération directement par le Dr B...de telles informations sur les techniques d'évacuation utérine en cas de fausse couche et les risques afférents propres à chacune de ces techniques, dont l'intervention curetage-aspiration, ni soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié d'une information adéquate sur les risques spécifiques liés à l'intervention de curetage-aspiration devant être réalisée ; que, dès lors, dans ces circonstances, le centre hospitalier de Valence doit être regardé comme ayant satisfait à l'obligation d'information préalable qui lui incombe ;

En ce qui concerne l'existence d'une faute médicale :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. " ;

8. Considérant que Mme G...fait valoir que la perforation utérine dont elle a souffert a été provoquée par un geste maladroit du Dr B...et qu'il aurait été plus pertinent de réaliser un curetage simple plutôt qu'un curetage par aspiration, ceci limitant les possibilités " d'hameçonnage d'un organe extra-utérin " ; qu'il résulte toutefois du rapport de l'expert diligenté par la CRCI que rien ne permet d'établir un quelconque manquement de la part du chirurgien aux bonnes pratiques chirurgicales lors de ladite opération et que la technique choisie est moins traumatisante que celle utilisant une curette métallique ; que la complication intervenue est en l'espèce la réalisation d'un risque connu de ce type d'intervention ; que, dès lors, le moyen tiré d'une faute dans la réalisation de l'acte chirurgical pratiqué, lequel en l'espèce est décrit par l'expert commis par la CRCI comme étant la technique de référence eu égard à l'état de santé de l'intéressée, ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant que Mme G...conteste le délai mis par le centre hospitalier pour pratiquer une nouvelle intervention en vue de réparer les dommages liés à cette perforation et à l'occlusion du grèle par incarcération ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la perforation utérine a été suspectée le jour même, ce qui a conduit à l'hospitalisation de Mme G... ; qu'afin de confirmer cette suspicion, des examens médicaux (notamment une échographie et un scanner) ont été réalisés le soir et le lendemain de cette intervention du 5 mai 2010 ; que, si la nouvelle intervention rendue nécessaire par cette perforation n'a eu lieu que le surlendemain de la première opération, l'expert commis par la CRCI précise sans être contredit que cette surveillance hospitalière et cette programmation s'expliquent par des données scientifiques relatives à l'existence d'évolutions spontanément favorables des suites de telles perforations utérines ; que les écritures du centre hospitalier de Valence présentées dans le dire à expert sur une reprise du transit le 6 mai 2010 et sur la possibilité d'une évolution favorable spontanée ne sont pas contestées par MmeG... ; que l'expert diligenté par la CRCI indique également que la surveillance de la complication est conforme aux bonnes pratiques et qu'il n'y a eu aucun retard dans cette prise en charge, Mme G...ayant été hospitalisée dès la suspicion de la perforation ; que, par suite, compte tenu des examens médicaux appropriés menés de manière diligente par l'hôpital de Valence, de la prise en compte de l'évolution de l'état de santé de la requérante et d'une programmation rapide d'une nouvelle intervention, aucune faute dans la surveillance postopératoire de la requérante et dans les délais d'intervention ne peut être retenue ;

Sur l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage (...) est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code: " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) " ;

11. Considérant qu'il pas contesté que les dommages temporaires médicalement établis n'ont pas entraîné une incapacité permanente partielle supérieure au taux de 24 % fixé par les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ; que la requérante soutient que l'accident médical dont elle a été victime, dû à une perforation utérine lors d'une aspiration-curetage, aurait entraîné un arrêt temporaire de ses activités professionnelles au moins égal à six mois consécutifs ; qu'elle se prévaut, au soutien de son argumentation, d'un premier arrêt de travail du 21 mai 2010 jusqu'au 20 juin 2010 puis d'une prolongation de cet arrêt de travail jusqu'au 10 juillet 2010 ainsi que du versement d'indemnités journalières par la CPAM de la Drôme jusqu'au 10 janvier 2011 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que seul l'arrêt de travail en date du 21 mai 2010 évoque comme motif dudit arrêt des " suites opératoires " sans autre précision ; que l'arrêt de travail du 21 juin 2010 produit par la requérante porte la mention " dépression " sans qu'aucun lien ne soit fait avec la complication chirurgicale du 5 mai 2010 ; que la CRCI, dans son avis du 10 juillet 2012 reprenant l'analyse de l'expert, mentionne que la durée habituelle de convalescence après une opération d'aspiration-curetage est d'un mois ; que l'expert précise également que les déficits fonctionnels temporaires imputables à cette complication du 5 mai 2010 se sont terminés le 31 juillet 2010 et ont donc duré moins de trois mois ; que le rapport du médecin de l'assureur de Mme G...du 24 août 2010 qui précise que " depuis son intervention, Mme G...présente un état dépressif dû à la prise de conscience de son arrêt de grossesse pour lequel elle est suivie par le Dr F...D... " ne fait mention d'aucun lien entre cette dépression et la complication survenue lors de l'intervention du 5 mai 2010, impute sa dépression à l'arrêt spontané de sa grossesse et précise dans ses conclusions que la date de consolidation doit être fixée au 21 août 2010 soit trois mois après la fin de l'hospitalisation ; que si ce même rapport du 24 août 2010 évoque des séquelles physiologiques définitives, sans d'ailleurs les décrire, justifiant un déficit fonctionnel permanent de 10 %, il précise également qu'aucun soin futur n'est à prévoir ; que le certificat établi le 28 octobre 2010 par MmeA..., psychologue clinicienne, attestant d'un épisode dépressif normal réactionnel et " d'un suivi psychothérapique " depuis le 8 octobre 2010 et évoquant les dires de la requérante sur un traumatisme lié à l'intervention chirurgicale et sur une prise en charge sur le plan médical jugée " maltraitante", ne permet pas non plus d'établir un lien de causalité entre la perforation utérine, l'intervention subie le 7 mai 2010 de réparation des conséquences de cette perforation, et les arrêts de maladie de la requérante entre mai 2010 et octobre 2010, alors qu'il est explicitement fait état dans ce même certificat du besoin " de temps [pour MmeG...] pour effectuer des remaniements psychiques nécessaires à ce travail de deuil " et que la dépression de l'intéressée est ainsi rattachée à l'interruption spontanée de sa grossesse, comme l'avait également fait le rapport du médecin de l'assureur en août 2010 ; que, dans ces conditions, la circonstance que la CPAM de la Drôme a versé des indemnités journalières de maladie à Mme G...au moins jusqu'au 10 janvier 2011 ne saurait en soi démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre la complication du 5 mai 2010, l'intervention du 7 mai 2010 et lesdits arrêts de travail dont elle se prévaut jusqu'au 10 janvier 2011 et qui au demeurant ne sont pas tous versés au dossier ; que, dès lors, le lien de causalité entre la complication intervenue le 5 mai 2010 et des arrêts de travail pendant une durée au moins égale à six mois n'est pas en l'espèce établi ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G... remplissait les autres critères prévus au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que, par suite, les conditions d'indemnisation posées au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'étant pas réunies, l'ONIAM ne saurait être tenu d'indemniser Mme G... au titre de la solidarité nationale ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande à fin d'indemnisation de Mme G...doit être rejetée ; que, par suite, et en l'absence de toute condamnation du centre hospitalier de Valence, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme doivent également être rejetées ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier l'existence de dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme G...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Valence ou de l'ONIAM, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Mme G..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions formulées par le centre hospitalier de Valence à l'encontre de Mme G... au titre de ce même article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302228 du 26 mai 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme G...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme G...et les conclusions du centre hospitalier de Valence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...G..., au centre hospitalier de Valence, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, à l'ONIAM, à la commune de Valence et à la caisse des dépôts et consignations pour la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2018.

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N° 15LY02486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02486
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GEORGES MAURY - ANTOINE MAURY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-01-25;15ly02486 ?
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