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11/01/2018 | FRANCE | N°17LY01621

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 17LY01621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B...et Mme E... C...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 28 octobre 2016 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602122-1602123 du 8 mars 2017, le tribunal administratif de Clermont-

Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B...et Mme E... C...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 28 octobre 2016 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602122-1602123 du 8 mars 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2017, M. et Mme B..., représentés par Me Paccard, avocat (SCP Canis et associés), demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 mars 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Puy-de-Dôme de leur délivrer les titres de séjour sollicités dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le refus de titre de séjour opposé à Mme B... est insuffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de titre de séjour opposée à M. B... méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.

1. Considérant que M. B..., né le 29 septembre 1980, et son épouse, née le 2 décembre 1981, tous deux ressortissants du Kosovo, déclarent être arrivés en France le 3 juin 2013 ; qu'ils ont vu leurs demandes d'asile rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 8 décembre 2014, Mme B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 22 janvier 2015, son époux a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 de ce code ; que le 28 octobre 2016, la préfète du Puy-de-Dôme leur a opposé un refus qu'elle a assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de décisions fixant le pays de renvoi ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée par Mme B... : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant que, par deux avis du 11 février 2015 et du 3 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans le pays dont l'intéressée est originaire ;

4. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, dont l'avis n'est que consultatif, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies ;

5. Considérant qu'il résulte des certificats médicaux produits par Mme B... qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique nécessitant un suivi psychiatrique régulier avec un traitement médicamenteux de longue durée et d'un diabète insulinodépendant très difficile à équilibrer qui a déjà provoqué un coma hyperosmolaire grave ayant nécessité son hospitalisation en urgence en réanimation et qui exige un suivi intensif de son diabète avec une adaptation permanente des doses d'insuline et un suivi gynécologique rapproché, l'intéressée étant enceinte de vingt-trois semaines ;

6. Considérant qu'en première instance, la préfète du Puy-de-Dôme, pour établir l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme B... au Kosovo, a produit, d'une part, un rapport de l'ambassade de France au Kosovo du 22 août 2010 qui indique que les pathologies endocriniennes et mentales " peuvent être diagnostiquées dans les cliniques de CCUK ou dans les autres institutions, mais [que] le traitement et le suivi des patients est assez difficile, sans oublier le fait que la plupart des médicaments qui se trouvent dans le protocole des cliniques ne sont pas inclus dans la liste essentielle des médicaments " et, d'autre part, le dernier rapport de l'Organisation internationale pour les migrations, non daté, sur l'accès aux centres de dialyse en République du Kosovo pour soigner l'insuffisance rénale, pathologie dont ne souffre pas la requérante ; que la préfète s'est également fondée sur un courriel du 3 juin 2016 du chargé des affaires consulaires à l'ambassade de France au Kosovo, indiquant l'existence de structures pour les soins psychiatriques au Kosovo et sur une " fiche pays ", mise à jour le 1er décembre 2009, dont il résulte au contraire que " le système de soins de santé du Kosovo ne peut pas fournir de soins adéquats aux catégories de patients [atteints de] maladie mentale grave ou chronique " ;

7. Considérant qu'ainsi, les documents produits par la préfète du Puy-de-Dôme ne permettent pas d'établir que Mme B... pourrait bénéficier au Kosovo du suivi médical continu qui lui est nécessaire, en particulier pour traiter le diabète insulinodépendant dont elle souffre, alors que le défaut d'un tel suivi pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé et sur le bon déroulement de sa grossesse ; que, dans ces conditions, et compte tenu notamment de la nature et du degré de gravité de la pathologie de Mme B..., la préfète du Puy-de-Dôme ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui délivrer un titre de séjour ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que, compte tenu de ce qui précède concernant la situation de Mme B..., la préfète du Puy-de-Dôme ne pouvait, sans méconnaître son droit au respect de sa vie privée et familiale, refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... ; que, dès lors, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 28 octobre 2016 est illégal ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552 4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

13. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il repose, que la préfète, après avoir muni les requérants d'autorisations provisoires de séjour, leur délivre les titres de séjour sollicités ; que, par suite, il y a lieu de lui enjoindre de délivrer à M. et Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que M. et Mme B... n'ont pas demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 mars 2017 et les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 28 octobre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Puy-de-Dôme de délivrer à M. et Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme E... C...épouseB..., à Me A...Paccard et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier-conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

3

N° 17LY01621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01621
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET J.F. CANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-01-11;17ly01621 ?
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