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14/12/2017 | FRANCE | N°16LY01592

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 16LY01592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Ecoflammes a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 17 avril 2009 au 31 décembre 2012.

Par jugement n° 1403752 du 3 mars 2016 le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, l'EURL Ecoflammes, représentée par Me Chedal-Anglay, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Ecoflammes a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 17 avril 2009 au 31 décembre 2012.

Par jugement n° 1403752 du 3 mars 2016 le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, l'EURL Ecoflammes, représentée par Me Chedal-Anglay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de prononcer la décharge ou, subsidiairement, la réduction des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 16 juillet 2013 est insuffisamment motivée ;

- il est de même du rejet de sa réclamation ;

- du fait d'un manque d'organisation et d'une incompréhension avec le vérificateur, les attestations mentionnées au 3 de l'article 279-0 bis du code général des impôts n'ont pu être produites lors des opérations de contrôle ; toutefois, ces attestations ont été établies par les clients avant l'émission des factures ;

- subsidiairement, l'étude détaillée des attestations conduit au rejet de certaines d'entre elles, mais pas de toutes ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est ni motivée ni justifiée ;

- l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts n'est pas compatible avec les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui autorisent le juge de l'impôt à moduler le taux de la sanction.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 16 juillet 2013 est suffisamment motivée ;

- les attestations ont été établies après les opérations de contrôle ;

- les opérations de contrôle ont mis en évidence de nombreuses irrégularités comptables ainsi qu'une minoration systématique des montants de taxe sur la valeur ajoutée justifiant l'application de la pénalité pour manquement délibéré ;

- il en est de même de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Chedal-Anglay, avocat de l'EURL Ecoflammes ;

1. Considérant que l'EURL Ecoflammes, qui exerce une activité de vente et d'installation de systèmes de chauffage à bois et granulés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 17 avril 2009 au 31 mars 2012, à l'issue de laquelle l'administration a notamment estimé qu'elle ne pouvait bénéficier du taux réduit de cette taxe de 5 % prévu par l'article 279-0 bis du code général des impôts ; que par proposition de rectification du 16 juillet 2013, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 17 avril 2009 au 31 mars 2012 ainsi que la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts et l'amende de 5 % prévue par le 4 de l'article 1788 A du même code ; que l'EURL Ecoflammes relève appel du jugement du 3 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalité et amende ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que selon le premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, lorsqu'elle envisage de procéder à des rectifications, " l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 16 juillet 2013 à l'EURL Ecoflammes expose avec précision les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée pour effectuer les rappels litigieux, mentionnant notamment que l'EURL Ecoflammes a facturé certaines prestations au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôts, alors que les attestations requises pour justifier de l'application de ce taux n'ont pas été établies avant le commencement des travaux ni même lors de la facturation ; qu'ainsi, cette proposition de rectification, énonçant l'ensemble des éléments sur lesquels l'administration entendait se fonder pour justifier les rectifications envisagées, permettait au contribuable de présenter utilement ses observations ; que, dès lors, elle est suffisamment motivée ;

4. Considérant, en second lieu, que les vices qui entacheraient la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition contestée ; que, par suite, l'EURL Ecoflammes ne peut utilement invoquer, devant le juge de l'impôt, l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de sa réclamation préalable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers (...) / 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans (...). Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit est soumise à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe, ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité ;

6. Considérant que l'EURL Ecoflammes produit des attestations dont elle soutient qu'elles ont été établies avant la facturation des travaux correspondants ; que toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ces attestations lors de la vérification de comptabilité, ainsi qu'elle l'a elle-même reconnu dans sa réponse du 13 septembre 2013 à la proposition de rectification du 16 juillet 2013 ; qu'en se bornant à produire une attestation établie le 2 mai 2016 par un de ses employés, rédigée en termes peu circonstanciés, indiquant que la vérificatrice aurait refusé que les attestations lui soient remises, la requérante n'établit pas qu'elle aurait été à même de produire ces documents au cours des opérations de contrôle ; que dans ces conditions, et alors, d'ailleurs, que sa comptabilité a été considérée comme non sincère et non probante, les attestations produites ne peuvent être regardées comme ayant été établies et conservées dans les conditions rappelées au point précédent ; que, par suite, les travaux correspondants ne pouvaient donner lieu à l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) " ; que ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, a indiqué, dans la proposition de rectification du 16 juillet 2013, qu'elle entendait appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue au a de cet article, à l'EURL Ecoflammes au motif qu'exerçant une activité commerciale, elle ne pouvait ignorer son obligation de soumettre aux taxes sur le chiffre d'affaires la totalité de ses opérations commerciales et qu'il avait été constaté tout au long de la période vérifiée une minoration des déclarations de ses résultats qui n'a pu être que volontaire ; que l'administration a également constaté l'existence d'irrégularités comptables répétées sur toute la période ainsi que l'importance des rectifications ; que la décision d'appliquer la pénalité litigieuse comporte ainsi, quelle que soit l'appréciation à porter sur la pertinence de cette motivation, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant qu'en se prévalant des faits ci-dessus rappelés, alors que la requérante se borne à faire état de crédits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle aurait omis de déduire, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements constatés ;

Sur l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts :

10. Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible (...) " ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que l'EURL Ecoflammes avait omis de mentionner, dans les déclarations de chiffre d'affaires déposées au titre de la période en litige, une partie de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des acquisitions intracommunautaires de marchandises ; que cette taxe étant exigible entre les mains de l'intéressée mais intégralement déductible, le service a fait application à ces insuffisances déclaratives, qui n'entraînaient l'établissement d'aucun rappel de droits, de l'amende de 5 % prévue par les dispositions précitées du 4 de l'article 1788 A du même code ;

12. Considérant que l'objectif de l'amende prévue à cet article, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1994 portant loi de finances rectificative pour 1994 dont ses dispositions sont issues, est essentiellement, dans un cas où la taxe non déclarée est elle-même immédiatement déductible, d'inciter les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée à s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives, afin de permettre le bon fonctionnement des procédures d'échanges d'informations entre administrations fiscales des Etats membres de l'Union européenne ; qu'ainsi, cette amende présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise ; que par suite, le litige relatif à son application procède d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, d'une part, le législateur, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a prévu, aux articles 1728, 1729 et 1788 A du code général des impôts, plusieurs sanctions selon que le redevable a éludé des droits en omettant de souscrire une déclaration, a éludé des droits en omettant de mentionner des opérations sur une déclaration ou a omis de déclarer des opérations sans toutefois éluder de droits en raison du caractère immédiatement déductible de la taxe afférente aux opérations omises ; que le taux de la pénalité fiscale prévue à l'article 1788 A est de 5 % alors que les taux prévus aux articles 1728 et 1729 sont, selon les cas, de 10 %, 40 % ou 80 % ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; qu'ainsi, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux de l'amende qu'elles prévoient, les dispositions précitées de l'article 1788 A ne sont pas incompatibles avec les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Ecoflammes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Ecoflammes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Ecoflammes et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

4

N° 16LY01592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01592
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CHEDAL-ANGLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-14;16ly01592 ?
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