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05/12/2017 | FRANCE | N°16LY00637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 16LY00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2009 pour un montant de 8 474 euros.

Par un jugement n° 1304006 du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2016, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 21 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2009 pour un montant de 8 474 euros.

Par un jugement n° 1304006 du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2016, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 21 décembre 2015 ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées restant à leur charge et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure est irrégulière, du fait de la prorogation du délai de trois mois, alors que le rejet de la comptabilité n'est pas fondé ;

- le rejet de la comptabilité du fait de l'enregistrement global des recettes en fin de journée et de prétendus achats non comptabilisés, sur la base de renseignements obtenus de tiers qui ne sont pas probants, n'est pas fondé ;

- le juge de première instance a dénaturé les faits en requalifiant en graves irrégularités ce que l'administration fiscale avait qualifié de défaut de caractère sincère et probant de la comptabilité ;

- le renversement de la charge de la preuve est contraire aux droits de la défense ; la charge de la preuve négative est impossible ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires des trois exercices est excessivement sommaire et radicalement viciée ; elle n'est pas réaliste et ne tient pas compte des conditions réelles d'exercice ;

- les taux de perte de viande à la cuisson, de perte de produits cuisinés par péremption, d'offerts et de consommation du personnel pris en compte par l'administration fiscale sont insuffisants ;

- le taux de minoration des recettes espèces est arbitraire et approximatif et ne peut fonder les rectifications litigieuses ;

- les achats non comptabilisés n'ont pas été pris en compte au niveau de la taxe sur la valeur ajoutée ; ils ont droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats non comptabilisés ;

- l'application systématique des pénalités sur tous les exercices vérifiés n'est pas fondée alors que les rectifications de l'année 2009 ont été réduites de manière significative et qu'aucune rectification n'a été notifiée pour l'exercice clos en 2008 ; les irrégularités comptables invoquées par l'administration fiscale ne peuvent fonder les pénalités pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics expose qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant Mme C... A... a exploité à titre individuel, de juin 2004 à décembre 2010, un restaurant de type kebab, " l'Orient " sis à Evian-les-Bains (74), qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 en matière de bénéfices industriels et commerciaux prolongée jusqu'au 30 juin 2010 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration fiscale a dressé le 30 novembre 2010 un procès verbal faisant état du caractère non probant de la comptabilité présentée, et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice sur la période vérifiée ; que, par deux propositions de rectification du 17 décembre 2010 s'agissant de l'exercice clos en 2007 et du 17 mars 2011 pour l'exercice clos en 2009, l'administration fiscale lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rehaussements de ses bénéfices industriels et commerciaux des exercices clos en 2007 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée qui ont été confirmés en réponse aux observations de la contribuable ; que par jugement du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. et Mme A...tendant à la décharge des impositions notifiées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2007 et 2009 et des pénalités y afférentes ; que, par la présente requête, M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que les requérants se bornent à contester les impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux pour une somme de 8 474 euros en droit et pénalités ;

Sur la régularité de la procédure et le bien-fondé du rejet de la comptabilité présentée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) " ;

4. Considérant que les requérants soutiennent que c'est à tort que l'administration fiscale a écarté comme non probante la comptabilité présentée dès lors que l'enregistrement des recettes globalement en fin de journée est autorisé par l'article 286 du code général des impôts pour les entreprises qui réalisent des opérations d'un montant unitaire inférieur à 76 euros au profit des particuliers et que le rejet de la comptabilité présentée étant illégal, les opérations de contrôle ne pouvaient dépasser le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant que pour écarter la comptabilité de l'entreprise, l'administration fiscale a relevé l'absence de conservation des notes client et des bons de commandes, l'absence d'édiction des bandes de caisse enregistreuse fournissant le récapitulatif des recettes journalières par méconnaissance de la procédure à suivre, le défaut de présentation des pièces justificatives détaillées des recettes, et l'absence de comptabilisation des achats revendus pour l'ensemble de la période vérifiée ; que l'administration a, en outre, constaté que les relevés mensuels récapitulant le montant global des recettes journalières ne comportaient aucun détail des produits vendus mais se bornaient à totaliser le montant des recettes enregistrées pour chaque mode de paiement et que les factures globales des clients professionnels non reprises dans les relevés journaliers n'étaient pas comptabilisées ; que si les appelants se prévalent des dispositions de l'article 286 du code général des impôts, celles-ci ne dispensent pas les contribuables qui remplissent les conditions d'une inscription globale des recettes en fin de journée de conserver pour les présenter à toute réquisition conformément à l'article 54 du même code, les pièces justificatives du détail des recettes journalières correspondantes ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a écarté la comptabilité présentée comme non probante ;

6. Considérant que, par suite, les opérations de contrôle ont pu légalement, sur le fondement des dispositions précitées du 1. du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, être prolongées au-delà du délai de trois mois prévu au I de cet article ;

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. " ; qu'en vertu de ces dispositions, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

8. Considérant que les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires notifié le 8 décembre 2011 ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses incombe à M. et Mme A... ; que l'attribution de la charge de la preuve aux requérants n'est pas contraire aux droits de la défense ;

9. Considérant que les requérants critiquent les méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires mises en oeuvre par l'administration selon les exercices vérifiés, sans toutefois démontrer que ces méthodes auraient abouti à des résultats incohérents ou exagérés ; que l'administration fiscale justifie les écarts de chiffre d'affaires obtenus entre les exercices clos en 2008 et en 2009 par l'évolution des conditions d'exploitation du restaurant, sans être sérieusement contestée ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2007 :

10. Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2007, l'administration fiscale a réintégré au chiffre d'affaires comptabilisé les recettes non comptabilisées identifiées sur les relevés bancaires de l'entreprise ainsi que les factures globales des clients professionnels qui n'avaient pas été reportées en comptabilité ; que, pour déterminer le montant des recettes espèces non déclarées, l'administration fiscale a appliqué le taux d'omission constaté pour les encaissements par chèque non comptabilisés du même exercice ; que si les requérants soutiennent que l'ensemble des opérations enregistrées sur le compte bancaire de l'entreprise ont nécessairement été comptabilisés et qualifient le taux de minoration des recettes en espèces d'arbitraire, ils n'apportent, toutefois, aucun élément au soutien de leur moyen de nature à démontrer le caractère excessivement sommaire et radicalement vicié de la méthode appliquée par l'administration fiscale, ni le caractère exagéré du chiffre d'affaires reconstitué pour cet exercice ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires des exercices clos en 2008 et 2009 :

11. Considérant que les requérants soutiennent que l'écart de chiffre d'affaires entre 2008 et 2009 provient exclusivement de la faiblesse du pourcentage de perte de viande à la cuisson retenu par l'administration fiscale, que la reconstitution fondée sur les achats non comptabilisés ressortant de factures produites par les fournisseurs qui ne sont pas probantes, est excessivement sommaire et radicalement viciée, que les taux de perte de produits cuisinés par péremption, que le taux d'offerts et la part de consommation du personnel pris en compte par l'administration fiscale sont insuffisants, que la reconstitution aboutit à des résultats irréalistes, et ne tient pas compte des conditions réelles d'exploitation ; que, toutefois, ils n'apportent aucun justificatif probant à l'appui de leurs dires ; qu'en outre, l'administration fiscale fait valoir que les achats non comptabilisés ont été admis en charges toutes taxe comprises et que les éléments communiqués par la contribuable relatifs au poids de la viande kebab inclus respectivement dans les assiettes, sandwichs, galettes, ainsi que le pourcentage de recettes entre les trois catégories de plat, les prix pratiqués sur l'ensemble de la période, la proportion des plats à emporter servis et de plats à consommer sur place vendus, ont été retenus par l'administration fiscale ; que, par suite, M. et Mme A... ne sont fondés à soutenir ni que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires serait excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, ni que les montants imposés seraient exagérés ;

Sur les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

13. Considérant que pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts aux rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux des années 2007 et 2009, l'administration fiscale fait valoir l'importance et le caractère répété des omissions de recettes déclarées traduisant l'intention délibérée de Mme A... d'éluder l'impôt dû et trouvant leur origine dans l'existence de pratiques comptables défectueuses utilisées sur l'ensemble des exercices vérifiés et consistant notamment en un enregistrement global en fin de journée des recettes dont aucune pièce comptable ne permet de justifier le détail, au défaut systématique de comptabilisation des factures d'achats et de factures clients, quel que soit le mode de paiement ; que si les requérants entendent faire valoir que l'exercice clos en 2008 n'a donné lieu à aucune rectification, cette circonstance est sans incidence sur l'application des pénalités aux exercices pour lesquels l'administration fiscale leur a notifié des rectifications ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts et a assorti les impositions supplémentaires mises à leur charge des pénalités pour manquement délibéré ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 16LY00637


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